Depuis l’éclatement du scandale de Pétrotim, plusieurs évènements relatés, ces derniers temps, dans la presse, sont là pour attester du fait, que le président Macky Sall fait face à une sérieuse crise au sommet, au sein de sa large coalition, malgré ou à cause de sa victoire large mais usurpée aux dernières présidentielles.
Il s’agit, tout d’abord, de ces gaffes dans la communication présidentielle sur le scandale Pétrotim, qui ont tout l’air d’avoir été préméditées, vraisemblablement pour préserver le premier magistrat de la Nation contre des menaces potentielles qui pèsent sur lui-même et son pouvoir. Ainsi, entre le rapport introuvable de l’IGE et l’énigmatique et controversé virement bancaire au profit d’Agitrans, il y a vraiment de quoi perdre son latin.
Au bout du compte, on a eu droit à un replâtrage avec un réaménagement du pool de communication présidentielle, mais surtout à la démission du directeur de la CDC et non moins frère du président.
La sauvegarde des intérêts familiaux et claniques, mais surtout du pouvoir apériste, vaut bien quelques renoncements et désistements, qui risquent de s’avérer insuffisants pour surmonter cette passe difficile.
Contrairement aux thèses erronées des tenants actuels du pouvoir et de leurs thuriféraires, la crise politique actuelle n’est nullement due au fait que l’opposition sénégalaise serait mauvaise perdante, en se référant aux élections tronquées de février 2019. Elle ne semble pas non plus relever de projets de déstabilisation de notre pays par la BBC et l’Union Européenne, qui n’ont aucune raison d’en vouloir à un président si bien disposé à leur égard et qui raffole des sommets du G7.
Cela dit, il est vrai, que les puissances occidentales lorgnent avec avidité nos ressources naturelles, qu’elles tentent de spolier, comme elles le font impunément dans d’autres pays arabes et africains, avec la complicité de nos chefs d’État, au moyen de contrats léonins.
Mais il faut également tenir compte du fait, que les dirigeants occidentaux, champions autoproclamés et hypocrites de la bonne gouvernance, doivent faire semblant, au moins vis-à-vis de leurs propres opinions publiques, de respecter leurs propres standards en matière de droits, libertés et redevabilité.
C’est ce qui fait qu’ils sont parfois obligés de prendre leurs distances par rapport à certaines politiques caractérisées par le développement fulgurant de la corruption et l’accentuation des tendances autocratiques, telles qu’on peut les observer dans notre pays, depuis quelques années.
En définitive, la crispation de l’atmosphère socio-politique traduit plutôt une période d’in-gouvernabilité consécutive à un lourd contentieux politique entre majorité et opposition, qui va au-delà du sabotage méthodique du processus électoral et relève plutôt de l’installation progressive d’une autocratie en bonne et due forme.
C’est dire que le deuxième mandat de Macky Sall, bien que drapé du manteau de la légalité, par des institutions instrumentalisées, souffre d’un déficit notoire de légitimité, auquel vient s’adjoindre une perte progressive d’autorité.
Il est curieux, en effet, de constater le rétrécissement de la marge de manœuvre du président, qui malgré la personnalisation accrue de son pouvoir, matérialisée par la suppression de la Primature, fait face à une défiance progressive de larges secteurs de la grande coalition présidentielle, jusques et y compris au sein de l’APR et même de la famille présidentielle.
C’est ce qui explique, dans un contexte de mutisme embarrassé des pontes du régime, les bagarres épiques et sanglantes entre des militantes APR de la banlieue. Il y a aussi la fronde épique de “Sénégal-debout”, animée par des militants de la première heure, qui dénoncent aussi bien la gestion clanique du pouvoir par le président de la République que les faveurs démesurées faites aux transhumants, alliés et ralliés de la dernière heure.
Comment passer sous silence le désaveu cinglant, constant et sans équivoque de plusieurs aspects de la politique gouvernementale par l’ancien chef de cabinet du président de la République ? Celui-ci, à la faveur de son limogeage inélégant, a renoué avec son franc-parler habituel, qui lui a déjà valu bien des déboires dans le passé.
Pour défendre le président, sa fratrie et son clan, il ne reste plus que quelques obscures sections de l’APR et d’intrépides dialecticiens ayant perdu le sens des réalités.
Tout cela va amplifier l’impopularité croissante du régime de Benno Bokk Yakaar sur fond de détérioration du climat social, laissant augurer d’un mandat pénible et d’une succession compliquée de l’actuel locataire du palais de l’avenue Senghor et mettant en péril la paix civile.
Vu sous ce rapport, le dialogue entre acteurs politiques devient une nécessité, aussi bien sur le processus électoral que sur tous les aspects touchant au développement socio-économique de la Nation.
Mais la concertation entre acteurs politiques ne pourra prospérer, que si le président de la République pose des actes forts allant dans le sens de la décrispation de l’atmosphère politique. Il devra, en effet, procéder à la suppression sans délai du parrainage citoyen, à la réévaluation objective des affaires Karim Wade et Khalifa Sall ainsi qu’au traitement équitable de tous les dossiers judiciaires empilés dans le bureau du procureur de la République.
Il faudra également œuvrer au rétablissement des normes démocratiques telles qu’énoncées dans la Charte de gouvernance démocratique des Assises Nationales.
À défaut, on fait courir aux personnalités consensuelles, qui jouent le rôle de médiateurs entre acteurs politiques et membres de la société civile, le risque de perdre un peu du grand respect et de la crédibilité que leur reconnaissent jusqu’à présent la quasi-totalité des acteurs.