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Reponse Au Professeur Aloyse Raymond Ndiaye

Reponse Au Professeur Aloyse Raymond Ndiaye

Le mercredi 08 mai 2019, le professeur Aloyse Raymond Ndiaye a publié, dans le journal Sud Quotidien, un article intitulé « La danse à l’Université» dans lequel il écrit : «L’évolution actuelle de l’ISAC le détourne de sa vocation initiale, en multipliant des enseignements théoriques, spéculatifs, négligeant la pratique, se privant de l’apport indispensable des professionnels de l’art. Tronqué de sa dimension pratique, laissé aux seuls théoriciens, l’ISAC devient un «doublon», une «réplique» des enseignements théoriques sur l’art dispensés dans les facultés »

Le Professeur est-il véritablement au courant du fonctionnement actuel de l’ISAC ? Connait-il le programme et les pratiques d’enseignement ? Il est évident que NON. Car l’ISAC d’aujourd’hui n’est pas celui dont il évoque les écarts. J’avoue que je ne voulais pas répondre puisque, je dois le rappeler ici, je respecte le Professeur et je lui dois beaucoup. Parti à la retraite, j’ai été recruté sur son poste au département de Philosophie. J’étais donc très fier de moi, quand sur le papier de ma nomination, il est mentionné « en remplacement au Professeur Aloyse Raymond Ndiaye, admis à faire valoir ses droits à la retraite ». En 2011, il a fait appel à moi pour enseigner l’art contemporain à l’ISAC. Et c’est lui qui m’a proposé au Recteur pour que je le remplace à son poste de directeur de l’Institut. Je lui dois donc beaucoup et je l’ai toujours considéré comme un mentor. Je voulais juste me limiter à ce que je lui avais dit très récemment quand il était passé au département de Philosophie : « Professeur, il fallait quand même venir nous voir à l’ISAC avant d’écrire votre texte ». Mais, puisque beaucoup de collègues qui ont lu son texte m’ont interpellé, j’ai senti le devoir d’écrire et de rétablir la vérité Il est bon de commencer par rappeler les conditions dans lesquelles, j’ai pris la direction l’Institut, avec, par exemple, deux ans de factures impayées à la Sonatel, l’inexistence d’une promotion d’étudiants à former. Mais en moins d’un an, nous avons recruté une promotion d’étudiants et après plusieurs rencontres avec les autorités de l’Université toutes les dettes ont été payées. Le Professeur oublie, peut-être, que l’Institut fonctionne avec des textes qu’il a lui-même écrits Il ne forme pas des musiciens, des comédiens ou des danseurs, mais des administrateurs ou des managers culturels L’École Nationale des Arts est bien là pour former des musiciens, des comédiens ou des danseurs. Dans ces domaines, nos étudiants font des stages tous les ans dans plusieurs institutions culturelles ou écoles d’art : Sur le plan national, les étudiants de l’ISAC sont accueillis en stage dans plusieurs institutions : direction du patrimoine du ministère de la culture (Christian Boris Biaye, Fatou Sarr, El Hadji Badjinka), musée historique de Gorée (Bousso Top), au Centre culturel Douta Seck (Bousso Top) au musée Théodore Monod d’art africain (Aïda Cissé, Boubacar Sall, Christian Biaye), École des Sables (Mame Bousso Mbaye), au CRDS-St Louis (Papa Kéba Sarr).

Sur le plan international, l’ISAC a signé plusieurs conventions de partenariats d’échanges d’enseignants et d’étudiants : -En 2017 : Trois étudiants (Fatoumata Sy, Abdoulaye Mbaye et Mouhamadou Bamba Touré) sont partis pour un semestre à l’École Nationale supérieure d’Art de Bourges (ENSAB) en France. À leur retour, leurs notes ont été comptabilisées à l’ISAC. Cinq (5) étudiants de l’École Nationale supérieures de l’art de Bourges ont fait un semestre à l’ISAC. Ils ont suivi régulièrement les cours et ont fait les examens avec nos étudiants. Leurs notes ont été comptabilisées en France. Dans la même année, l’étudiant Bocar Niang a fait un stage à ENSAPC Paris Cergy. Après son stage, il a été retenu pour faire un Master dans cette prestigieuse école d’art et aujourd’hui il a fini sa formation. -En 2018, deux étudiants (Adama Ndiaye et Aminata Leye) sont partis pour trois (3) mois au Musée d’Angoulême et à l’École Européenne Supérieure de l’Image (EESI) de Poitiers-Angoulême en France. -2018 : L’étudiant Moustapha Tall a fait un stage au Musée Départemental Matisse du Cateau-Cambrésis en France. -2019, l’étudiant Elhadji Bandjinka est actuellement au Musée d’Angoulême pour un stage de trois (3) mois. Presque tous les ans, au moins deux étudiants de l’ISAC font des stages dans des écoles d’art ou des musées en France. Dans le cadre de Erasmus+, deux enseignants de l’ISAC sont partis cette année à Alicante en Espagne pour visiter l’École d’Art et de Design ainsi que le Conservatoire de musique. À la rentrée au mois d’octobre prochain, le même Conservatoire de musique recevra deux étudiants de l’ISAC. Avec l’École Européenne Supérieure de l’Image de Poitiers-Angoulême (EESI), l’ISAC vient d’obtenir une subvention Erasmus+. Ce programme permet de financer la mobilité de nos étudiants dans le cadre de leur cursus de formation. Ainsi, chaque année, pendant trois ans, à compter de la rentrée universitaire prochaine, deux étudiants de l’ISAC partiront en France. Ils recevront 530€ au titre des frais de transport + une bourse par mois. Des opportunités que les étudiants n’ont jamais eues durant les sept premières années !

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Certainement le Professeur ignore tout cela, pourtant l’information est disponible à l’ISAC et nous serions très heureux, mes collègues et moi, de mettre à sa disposition tous ces éléments. Les stages pratiques qui étaient un des grands problèmes durant son magister (2008 à 2015, sept ans !) sont maintenant assurés à tous les étudiants qui en expriment le besoin, surtout les non professionnels. On ne peut donc parler d’absence de pratique à l’Institut. Tout comme les tracasseries administratives liées à l’absence de carte d’étudiant ou à une visibilité institutionnelle pour les pensionnaires de l’ISAC sont également réglées. C’est utopique, mais c’est la triste réalité ! Ce qui est très grave pour leur avenir. Car un jour viendra où tous ces étudiants voudront retirer leur diplôme et l’Université leur dira qu’ils n’ont jamais été étudiants à l’UCAD, que leurs noms ne figurent sur aucun fichier. Aujourd’hui, les étudiants de l’ISAC sont régulièrement inscrits et sont comme tous les autres étudiants de l’Université. Ils peuvent même bénéficier de bourses. Ce qui n’était pas le cas durant les sept premières années ! Pour revenir sur l’orientation pratique de la formation, le professeur en parle : « …la pratique constituée par les travaux dirigés en architecture, arts plastiques, musique, cinéma, théâtre…était confiée à l’INA ».

Nous faisons mieux : l’ISAC, en plus des travaux dirigés, fait des travaux pratiques et des sorties pédagogiques. Le cours de cinéma avec Aziz Boye maintenant décédé (paix à son âme), permet aux étudiants de réaliser chaque année un film. Les films sont disponibles à l’ISAC. Le professeur de théâtre fait chaque année des séances à Sorano, celui d’art contemporain organise des visites à la Manufacture de Thiès, celui de muséologie fait chaque année des travaux pratiques dans les réserves du musée Théodore Monod d’Art Africain de l’IFAN. Des visites sont organisées dans les centres d’art et galeries. À chaque édition de la biennale, des étudiants de l’ISAC sont recrutés pour rédiger des textes sur les artistes et sur les expositions. L’Institut organise des workshops en cinéma, en arts visuels, des ateliers sur le patrimoine, etc.

Le professeur soutient également : « C’est au même moment que l’Université donne le sentiment de se détourner de l’une de ses missions essentielles, la promotion de l’art et de la culture » Le Professeur sait-il ce qui se fait actuellement à l’Université ? Connait-il la DIACS ? Son rôle à l’Université ? Son programme ? Sait-il, en tant qu’ancien directeur de la Biennale de Dakar, j’ai organisé Dak’art au campus dans le jardin botanique de la Faculté de médecine ? Combien d’expositions d’arts visuels ont-elles été organisées à la BU ? Combien de concerts ? Les colloques et séminaires sur la culture ? Sait-il qu’il existe maintenant la radio UCAD FM ? Est-il au courant de toutes les activités culturelles des Amicales ? Des associations culturelles étudiantes ? Du personnel administratif et technique? Certes, il reste encore beaucoup à faire, mais l’Université est loin de se détourner de la promotion de l’art et de la culture.

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SUR LE PLAN DE L’ANIMATION SCIENTIFIQUE, L’INSTITUT A MIS EN PLACE : « LES RENDEZ-VOUS DE L’ISAC » : 2016

-Le mercredi 13 janvier : Nation, identité et style. Construction de l’identité nationale sur l’exemple de l’architecture tchèque du 19eme siècle, conférence du Pr Jind ich Vybiral, Head of the Department of Theory and History of Art Academy of Art, Architecture and Design in Prague. -Du 08 au 12 février : Formation à l’ISAC en collaboration avec l’Université Senghor d’Alexandrie sur Les stratégies de la conservation des mémoires -Le mercredi 10 février : Panafricanisme et négritude : le jazz comme trait-d’union, conférence animée par Maguèye Kassé. – Le mercredi 23 mars : Séminaire sur la photographie, animé par Karel Cudlin, photographe Tchèque -Le mercredi 06 avril : Commercialisation et implication socio-politique du Hip-Hop sénégalais, conférence animée par Saman S. Hamdi (Allemagne), Keyti (Sénégal), Amadou Fall Bâ (Sénégal) -Le mercredi 13 juillet : Projection de Yolé, un film de Moussa Sène Absa, suivie d’un débat en présence du cinéaste – Le mercredi 20 juillet 2016 : l’auteure Adama Djigo a présenté son ouvrage Histoire des politiques du patrimoine culturel du Sénégal (1816-2000), Paris, Le Harmattan, 2016. -Le mercredi 18 novembre : Au-delà du prémémoire… vers le mémoire, séminaire animé par Rozenn Guibert et Dominique Martre (France) et Véronique Petetin (Sénégal) -Le mercredi 07 décembre : Projection du film Diar Diar (parcours) de Tommaso Cavallini (Italie 2016) en présence des acteurs Marco Mannucci et Aminata Ndiaye.

2017

– 18 janvier : Rencontre avec l’artiste-photographe sénégalais Mamadou GOMIS -Du 17 au 23 avril : Workshop Initiation aux langages cinématographiques. Animé par le cinéaste et enseignant-chercheur français Arnaud DESHAYES. -Du 15 au 20 mai : Formation à l’ISAC en collaboration avec l’Université Senghor d’Alexandrie sur Le Management de projet patrimonial.

2019

-Vendredi 25 janvier 2019 : L’Art-thérapie et Mardi 29 janvier 2019 : La Musicothérapie. Deux conférences animées par Monsieur Jimi Bernard Daniel VIALARET (France), auteur de l’ouvrage L’Art-thérapie (6 volumes). -Le 09 et le 10 avril : La propriété intellectuelle, moteur de la création d’entreprises, séminaire animé par Francisco Oncina et María Isabel Alemany, Escuela de Arte y Superior de Diseño de Alicante (España) -Samedi 08 juin : Master Class avec le producteur Aurélien Baudino Néon Rouge) et le réalisateur Joël Karekezi du film “The Mercy of the jungle”. Film primé de l’Étalon d’Or lors du dernier Fespaco 2019. -Du 12 au 14 mars : dans le cadre de l’exposition FUTURE PERFECT – Art Contemporain de l’Allemagne, en collaboration avec le Goethe Institut de Dakar, un workshop sur La transmission de l’art qui combine la réflexion et la performance a été organisé à l’ISAC.

-En janvier-février 2020, en collaboration avec l’Université de Montpellier, un séminaire de deux semaines sur la musicothérapie sera organisé à l’ISAC, séminaire animé par le professeur Oliver Rodier, Clinicien et musicothérapeute.

Est-ce que le Professeur est venu une fois à toutes ces manifestations ?

Bien sûr que NON. C’est très facile, comme en politique, d’avoir quitté son poste et de penser que ses successeurs ne font rien. Tout cela a été réalisé en trois ans. Je le cite encore : « Le programme couvrait plusieurs disciplines : cinéma, photo, muséologie, danse, théâtre, patrimoine, infographie, esthétique, histoire de l’art, langues… ». Aujourd’hui, ce sont toujours les mêmes enseignements. Mieux, du temps de son magister, il n’y avait pas de spécialisations. Aujourd’hui, après le Master 1 qui est un tronc commun, à partir du Master 2 il y a quatre options : Administration culturelle, Arts visuels, Arts du Spectacle (Danse, Théâtre, Cinéma) et Musique. Je le cite toujours : « Il faut reconnaître que les étudiants inscrits à l’ISAC, dès les premières années de son fonctionnement, ont reçu une formation de haut niveau assuré par des hommes et des femmes d’expérience, des professionnels, Sénégalais et étrangers, parmi ceux-ci, des Camerounais, Canadiens, Québécois, Belges, Français, Togolais, Algériens… ».

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L’ISAC reçoit toujours des enseignants étrangers. Notre assistante que le professeur connait très bien pouvait lui donner des précisions dans ce domaine. Mais il pense que ces enseignants de nationalités étrangères qu’il cite ont plus d’expériences que les nôtres, sont plus professionnels que les nôtres. Il ne veut pas prendre des universitaires pour enseigner à l’ISAC, mais quand ce sont des universitaires étrangers, il est prêt à le faire. Aujourd’hui, plus que jamais, l’ISAC fait appel à l’expertise nationale comme internationale. Et les collègues nationaux dispensent un enseignement de qualité apprécié par nos pensionnaires, mais également par nos partenaires nationaux et internationaux. En plus, ce sont des enseignants dévoués et désintéressés qui acceptent même de rester parfois plus d’un an sans être payés et qui ne se manifestent jamais.

Il écrit encore : « …L’ISAC devient un « doublon », une « réplique » des enseignements théoriques sur l’art dispensés dans les facultés ».  Là encore, le Professeur ignore totalement ce qui se fait l’UCAD depuis une dizaine d’années. Évidemment, quinze ans à la Francophonie et, depuis son retour, la retraite sont passés par là. À l’UCAD, en dehors de l’ISAC, il n’y a aucune structure qui dispense des enseignements dans le domaine des arts visuels, de la danse, de la photographie, de la muséologie, de la musicologie, etc.

Il écrit encore : « Abandonné entre les mains des seuls théoriciens, aux universitaires, l’objectif du départ, qui associait étroitement les professionnels, a été perdu de vue et ne pouvait pas être atteint. La dilution de ce certificat dans les programmes de la Faculté le réduit à son aspect spéculatif, théorique sans la pratique. La formation est tronquée quand la pratique a manqué ».

L’idée d’associer ce cours d’esthétique avec la pratique ne me parait pas aujourd’hui pertinente dans un département de Philosophie ou de Lettres. Ceux qui veulent être formés à la pratique des arts n’ont qu’à aller à l’École Nationale des Arts, à moins d’intégrer définitivement cette école à l’Université.

Il ajoute : « La création du certificat d’esthétique négro-africaine et de l’ISAC permettait de répondre aux exigences d’une formation artistique complète, théorique et en même temps pratique. La pratique est l’indispensable complément de la théorie dans la formation artistique. Ce qui s’illustre aisément par l’exemple du critique d’art » 

J’ai enseigné pendant deux (ans) ce certificat d’esthétique négroafricaine avant le passage au système LMD. Je recevais dans mon cours des étudiants de Lettres modernes et de philosophie ayant choisi ce CS, mais il n’a été question d’une formation pratique. Actuellement, les seuls problèmes de l’ISAC, et je le reconnais, c’est le retard pour le paiement des enseignants vacataires, le manque de matériel, l’inexistence d’un site dédié (nous continuons à squatter les locaux du musée Théodore Monod d’Art Africain de l’IFAN en ville) l’absence d’enseignants permanents (je suis moi-même du département de Philosophie et le directeur des études du département de Lettres Modernes). Mais moi, je ne quitterai pas le navire parce qu’il coule. Je mettrai toute mon énergie pour le redresser. Voilà quelques éléments de réponse aux inquiétudes du Professeur Aloyse Raymond NDIAYE. Nous essayons de maintenir le cap de l’excellence à l’ISAC et nous avons bon espoir que nous allons réussir le défi de hisser cet Institut sur les cimes de l’excellence si nous continuons de bénéficier de ses conseils éclairés ainsi que de ceux qui comme lui sont épris de bonne volonté.

Babacar Mbaye DIOP

Maître de Conférences Département de Philosophie/Directeur de l’Institut Supérieur des Arts et des Cultures (ISAC)







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