Les dimbas groupo et toolé kouro 1 sont des femmes qui accueillent
des orphelins sous leur toit. Les dimbas sont de deux ordres : soit elles
n’ont pas d’enfants pour raison d’infécondité – ou autre – soit elles ont
fini la maternité depuis une ou deux décennies, voire trois et ont accepté
ou décidé de recevoir des enfants orphelins chez elles pour devenir
désormais leur mère biologique. Ce qui implique qu’elles les prennent
en charge et les éduquent comme leurs propres enfants. Le dimba
diaassa est donc plus qu’un orphelinat : c’est une sorte de placement
d’enfants chez des « mères d’accueil ». Ce qui est remarquable, c’est
que le terme s’oppose au concept de « centre d’accueil » ou orphelinat
d’inspiration occidentale. Autrement dit, il y a plus d’humanité en la
mère qu’au centre ou orphelinat, avec encore plus de chaleur, d’attention
et d’amour.
Ces femmes n’ont pas souvent les moyens pour les nourrir. Et,
même si certaines dimbas ont un niveau de vie appréciable et pourraient
leur offrir luxe voire superflu, en ce qui concerne la nourriture, elles
préfèrent se conformer à la tradition bien ancrée dans les consciences
populaires du dimbaayaa diaasa, ce en dépit de leur niveau de vie ou
rang social. S’appuyant du coup sur le célèbre axiome social mandingue
selon lequel les orphelins ou enfants de la rue sont ipso facto des fils de
toute la communauté, elles se déplacent alors avec leurs calebasses de
maison en maison pour que les autres mères les remplissent de mets
divers. Ces balades aux allures taquines dans le quartier et aux
encablures se font également, à l’occasion de cérémonies traditionnelles
comme les jambadong et autres festivités de prescriptions sociétales. S’il
en est ainsi, même si chaque voisin verse, ne serait-ce qu’une poignée
d’aliments dans la calebasse, le récipient finit par se remplir. C’est
admettre en fin de compte, qu’en vertu de ce célèbre postulat social, la
prise en charge de l’orphelin est d’ordre collégial du moment qu’elle
incombe à toute la société. En d’autres termes, le dimbaayaa diaassa se
présente, sous ce rapport, comme une sorte d’orphelinat à ciel ouvert.
Le type de dimba qui n’a jamais enfanté pour des raisons diverses
cherche à exorciser le démon en s’employant à tromper la vigilance des
esprits malfaisants. C’est pour ce faire qu’elle joue à la folle et se fait
appeler toolé. Cette folie simulée est donc une ingénieuse ruse ourdie
contre le diable en vue de détourner son attention maléfique. Si la
femme dimba réussit sa fourberie, le démon qui avait décidé de la
démantibuler en l’empêchant d’enfanter, cesse alors de la tourmenter.
Mais en dehors de la supercherie tramée contre les esprits
démoniaques, il y a, en filigrane, une facétie qui joue un rôle sociétal
déterminant. Le comique permet de mieux faciliter le contact avec les
populations en contribuant pour une large part à briser le mur de sérieux
qui sépare les habitants. La dimba crée une sorte d’hilarante médiation
dans la chaine de la stratification sociale. Ce qui fait que, par sa pratique
rigolote, elle réussit à créer un espace ergonomique entre des personnes
de sexe, d’âge ou de milieu social différents que rien ne disposait à
réunir pour la même cause ou lieu commun.
Aussi, en sus des vertus de ces ruses antidémoniaque et sociétale,
existe-t-i un autre rôle subsidiaire de nature psychologique. Dans la
mesure où elle éduque des orphelins, la dimba doit toujours être de
bonne humeur – d’où son caractère jovial et enjoué. Car, par triviale
dynamique de contagion, elle pourrait créer un effet d’entrainement.
Ainsi donc, l’orphelin qui baigne dans une telle ambiance aurait moins
de mélancolie parce que n’ayant pas l’occasion de penser à sa situation
familiale et de bayoo – au cas où il connait la vérité sur son ou ses
parents par exemple ! Le comique sera toujours là pour détourner les
pensées vers des idées positives et festives.
Tout compte fait, c’est dire, en d’autres termes, que la dimba est un
distributeur automatique de bonne humeur. Partout où elle passe, la
femme toolé charrie l’alacrité. Son modus operandi fait partout recettes :
son paraitre attire attention et son être la convivialité. Elle taquine tout le
monde sur son passage et on lui rend bien cette jubilation sociale.
La dimba est asticotée de partout si ce n’est-elle qui aguiche
n’importe où elle passe. Le plus souvent, c’est avec un échange
rythmique que les cuisinières communiquent avec les dimbaa. L’un des
échanges les plus célèbres est immortalisé par l’orchestre emblématique
de Sédhiou – l’UCAS. C’est à travers le titre « Dimbaya diassa » que
Seydou Ndao accompagné de PC Diaïté a gratifié les mélomanes de
l’échange harmonieux entre femme dimba, cuisinières et passants. On
perçoit mieux à travers cet échange mélodieux.
Les cuisinières – Niaamoo bama, kini mondo talla
La femme toolé -Taa kéla, nko talla la fong si karfolou baloundi
Du fait qu’elle entre de maison en maison, le contenu de sa
calebasse est, par conséquent, un cocktail de mets de tout genre : riz
blanc, riz rouge, viande, poisson, légumes divers, huile, huile de palme,
sauces aux couleurs et saveurs différents.
Feu Seydou Ndao a eu à matérialiser admirablement cet aspect du
contenu de la calebasse du dimba dans le titre éponyme :
– Toulo bi diéé lé
– Soubo bi diéé !
-Diaboobi diéé lé !
-Kouthia bi dié!
-Abé bi dié lé !
-Lip lip lip abé dié !
-Abé dié lé lip lip lip !
Extrait de « Culture, contes et légendes de la Casamance »
makamadiakhate@gmail.com
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