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Hommage à Un «vrai Capitaine D’industrie»

Vrai, parce que, contrairement à bon nombre de soi-disant capitaines d’industrie, celui-là dont j’aimerais mettre en exergue les vertus inspiratrices en est réellement un.

Parti de presque rien, il a su monter un empire industriel qu’il a piloté de main de maître depuis les années 1990, sans répit et dont il a fait la référence incontournable dans ce segment de l’activité économique et sociale au point de rendre quasiment invisibles des géants présents sur le terrain depuis des décennies.

Ce modèle de «success stories» doit être célébré non pas à l’heure de leur perte, mais durant toute leur existence, pour en faire des identificateurs sociaux et pédagogiques.

Leurs valeurs fondatrices et distinctives doivent être perpétuées. Elles doivent être enseignées, car ce sont elles qui nous aideront à voir émerger d’autres futurs grands capitaines.

Maintenant que Ameth nous a quittés sur la pointe des pieds, nous avons la responsabilité de faire comprendre comment il est devenu un des modèles les plus achevés de réussite par le travail, l’engagement, le sens des responsabilités, la Foi.

J’ai eu la chance de connaître Ameth Amar au début des années 90 à la rue Laperrine, au bas de la Rue Tolbiac, derrière l’hôtel Pacha. J’ai souvenance d’un homme jovial, très ouvert, très généreux, très spontané et de bon conseil.

Ses conseils étaient empreints de sagesse et de concrétude. A l’écouter, on sentait un homme de grande expérience, très connaisseur de l’écosystème sociétal dans lequel il évoluait. Ce qui le rendait très clairvoyant et très lucide.

Alors que dans notre environnement socioculturel, la règle est : lorsque vous avez un projet, il ne faut pas en parler, Ameth n’était pas cachotier. Il prêtait une énorme attention à ce qu’autrui pensait de son idée.

On ne peut pas être comme ça si on n’a pas la Foi avec un grand F. Il avait le sens du partage. Ameth était poli. Il avait le sens de l’écoute. Il savait mettre ses interlocuteurs à l’aise, très affable avec en plus un sourire motivateur pour quiconque l’entretenait.

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Mais attention ! Son sens de la répartie l’amenait, sans faiblesse, à vous arrêter et à prendre congé immédiatement dès lors qu’il sentait la manipulation, la malhonnêteté, l’ingratitude ou la calomnie, qu’il ne supportait pas. Il était courageux et véridique.

Il avait le sens des responsabilités et était doté d’une éthique professionnelle incommensurable. Ameth faisait un point d’honneur à ne jamais être à défaut face à ses obligations commerciales, bancaires ou fiscales. Il tenait à payer ses impôts sans compromis aucun.

C’était un leader naturel dont les qualités ont été déterminantes dans le bon fonctionnement d’organes et d’organisations divers auxquels il prenait part. Ses opinions étaient attendues, voire sollicitées, car toujours très lucides, sages et pragmatiques.

Il avait à cœur de structurer un leadership stratégique fort pour lutter contre le délitement du tissu industriel. Pour matérialiser cette religion, il devenait acquéreur d’une des plus anciennes minoteries françaises, implantée au Sénégal depuis l’époque coloniale, qu’il modernise et renfloue substantiellement au moyen d’un investissement conséquent et d’un partenariat stratégique plus que pertinent.

C’était un homme de paix. Combien de fois ai-je vu Ameth prendre délibérément l’initiative d’intercéder chaque fois qu’il constatait qu’entre deux personnes qu’il connaissait il risquait d’y avoir des difficultés, afin de les amener à avoir le sens du dépassement.

Autant de qualités qui ont fait le visionnaire tenace et acharné, fondateur de ce magnifique groupe agroalimentaire pour «nourrir la vie».

Il était passionné. Personne n’a pu le décourager de mener son projet à terme. Il le respirait et le sentait. Il le construisait pas à pas dans son esprit et recueillait librement toutes critiques ou suggestions constructrices. Il croyait ferme que son heure viendrait.

Lorsqu’enfin un banquier a cru en lui et qu’il a bénéficié du concours de la Société financière internationale, avec Souleymane Traoré en son temps, il devait souscrire une police d’assurance dont il a tenu à comprendre les tenants et aboutissants avant de s’engager.

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Il accordait un soin particulier à bien comprendre les termes et conditions devant présider à la signature de ses engagements

Ce jour, j’ai eu le privilège d’échanger longuement avec lui au sujet de son projet. J’ai été fasciné non pas par son courage, non pas par sa vison, mais par sa lucidité, sa clairvoyance et son réalisme.

En effet, à la même époque, un autre jeune entrepreneur avait bénéficié des mêmes soutiens, mais croyait, avec sa petite usine naissante, pouvoir pulvériser la Soboa vieille de plusieurs dizaines d’années.

Ameth, quant à lui, a dit quelque chose que je retiendrai toujours de cet entre­pre­neur talentueux et doté d’une rare intelligence :

D’abord, toujours assuré, avec foi et conviction, que son heure viendrait bien un jour, il considérait que l’investissement fait dans le temps et consacré à ce projet avait été très constructif. Cela lui a permis d’identifier tous les écueils potentiels et de se préparer à les éviter.

Ensuite, Ameth savait qu’affronter, toutes billes dehors, Mimran ou Donald Baron le conduirait au suicide. Il était conscient d’avoir en face de lui des géants qui pourraient l’anéantir à chaque instant et que, contrairement à celui-là qui voulait atomiser la Soboa, il se devait de faire des Grands Moulins de Dakar et des Moulins Sentenac des benchmark, des étalons de mesure et des partenaires sur un marché où il estimait pouvoir obtenir une petite part et apporter, en toute responsabilité, sa pierre à l’édifice.

Foi, intelligence, courage, sens de l’écoute, sens des responsabilités, visionnaire.

Autant de valeurs qui ont fait l’Entrepreneur, mais qui ne sont rien face à celles fondatrices de l’Homme tout court, à savoir : humilité, sens du partage, générosité, sens de l’amitié, fidélité dans ses relations d’amitié et de fraternité et dans ses rapports avec sa société.

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Il avait de saines passions dont personne n’ignorait. Certaines étaient bien connues du grand public et visibles, voire, mesurables.

Mais ce que beaucoup de personnes ignorent, c’est sa passion pour l’école sénégalaise, l’équité dans l’éducation et la fierté des petits apprenants.

Ameth s’est ému de retrouver son école primaire à Mbacké dans un état de délabrement indigne de l’appartenance de ces jeunes élèves, selon ses propres termes, à un pays aussi rayonnant que le Sénégal.

Il a financé le remplacement des abris provisoires par une salle de classe moderne.

Ensuite, soucieux du devenir de l’élite future de son pays bien aimé, le sort des étudiants de l’Université où il a fait ses humanités le hantait. Discrètement, il est venu constamment en aide aux étudiants démunis et à ceux que la nature a dotés d’une mobilité réduite.

Récemment, il a considéré comme un devoir sacerdotal le sort des malades n’ayant pas la chance de bénéficier de soutiens pécuniaires pouvant leur permettre de se soigner à l’étranger. Il fallait coûte que coûte terminer les travaux de l’Hôpital international de Dakar.

A un de ses proches, il disait qu’il ne pouvait tolérer de voir le ballet de belles voitures défiler dans certaines localités devant des populations qui souffraient du manque de moyens en cas de maladie pour être assistées ou évacuées.

Le souvenir de cet homme mérite que nous renouvelions perpétuellement nos invocations auprès de Allah (Swt) pour que notre frère Ameth Amar soit accueilli au Paradis des meilleurs fidèles de Allah (Swt) et que nous accompagnions ces prières également de la célébration de ses valeurs pour qu’Allah nous gratifie d’autres Ameth !

Le pays en a un grand besoin.

Youssoupha DIOP

Bp 4830 Dakar Ponty

youssouf.diop@gmail.com

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