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Otd : La Présentification De L’absence

Mes premières pensées vont d’abord à la famille et aux proches amis du président Tanor. Je partage la douleur qui est la leur.

A chacun son OTD. Et moi je pleure mon OTD grâce à qui j’ai pu grandir en un laps de temps. Tu m’as fait l’honneur de me nommer ton directeur de Cabinet alors que, autour de toi, s’exprimaient des talents dans tous les domaines.

Je ne saurais jamais assez te remercier chaleureusement de cette délicate marque de confiance, une autre belle preuve de ton attachement à la promotion de la jeunesse et aux enfants de la République comme toi à qui tu n’as jamais cessé de montrer la voie de la persévérance et de l’excellence.

J’ai mesuré à sa juste valeur la chance, voire le privilège, que tu m’as offerte d’avoir l’opportunité de servir un grand commis de l’Etat ayant fait ses premières armes auprès d’un personnage aussi illustre que le Président Senghor, et qui les a affutées aux côtés d’une autre figure pas des moindres, le Président Abdou Diouf.

J’ai mesuré toute la dimension de la mission que tu m’avais confiée. Au-delà des compétences techniques, cette mission exigeait de grandes qualités humaines qui sont la loyauté sans faille, la disponibilité, la diplomatie, la discrétion, la sobriété dans l’efficacité, le sens de l’organisation et des relations humaines. Toutes choses que tu m’as enseignées. Et ton enseignement avait cela de particulier : Tanor continuait à vous donner après que vous l’aviez quitté, tellement les échanges avec lui étaient empreints d’humanité, de générosité débordante.

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Tu fais partie de cette grande classe de dirigeants du Peuple issus de ce beau métier qu’est la diplomatie. Un métier qui porte vers l’autre, vers le dévouement pour le bien commun et le respect de ce qui est différent. Démarche éminemment «senghorienne» que le théoricien du socialisme africain déclinait en ces termes dans Nation et voie africaine du socialisme :

«Il s’agit d’insérer notre Nation non seulement dans l’Afrique d’aujourd’hui, mais encore dans la civilisation de l’universel qui est à édifier. Celle-ci sera une symbiose des éléments les plus fécondants de toutes les civilisations.» (Senghor, 1964 :107)

Tu es un homme de synthèse. Comme tu le disais souvent, Senghor t’a inculqué l’esprit d’organisation et de méthode, le sens de l’Etat et du bien commun, et l’exigence de clarté et de précision dans le raisonnement. Mais de Abdou Diouf, tu as appris la responsabilité, le calme, la sérénité et le recul face aux épreuves de la vie.

Tout au long de ton engagement politique, tu as toujours assumé avec courage tes actes qui ont toujours été motivés par l’idéal républicain et l’intérêt supérieur de la Nation.

Mais l’intérêt supérieur de la Nation n’a pas été que de simples mots pour toi. Ces mots, tu les portais en toi pour faire et rendre possible le devenir de notre Nation. Homme d’écoute et de consensus, tu croyais à ces mots et tu acceptais la différence et le dissensus qui enrichissent.

Tu traduis à merveille le rêve de ton maître Senghor qui aimait à nous inviter à «nous enrichir de nos différences pour nous élever vers l’universel».

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Tu t’es toujours élevé au-dessus des querelles intestines, aspirant à un idéal républicain cosmopolite. A cet égard, tu as été un homme d’une aura remarquable parmi les tiens. Tes services dépassaient les frontières sénégalaises. Tu avais un rayonnement incontestable au plan international. La présence de chefs d’Etat et autres grandes figures du monde à tes obsèques en est une preuve éloquente.

Le philosophe chinois Confucius soutenait que l’homme supérieur, c’est celui qui d’abord met ses paroles en pratique, et ensuite parle conformément à ses actions. Tu incarnais à merveille cette sagesse. Tu as aussi et surtout appris de Thucydide et démontré avec une grande urbanité d’un rural enraciné et ouvert que «la manifestation du pouvoir qui impressionne le plus est la retenue».

Le Sénégal est endeuillé par ta disparition. Mais ce qui me rassure, c’est que tu es un homme qui est unanimement reconnu comme un monument du paysage politique.

La signifiance est ce qui reste. Ton œuvre restera. Président Tanor, tu es incontestablement un parangon de sagesse républicaine, une incarnation de l’élégance de l’homme d’Etat.

Tu m’as enseigné, pour paraphraser Birago Diop, qu’un politique doit s’employer à être «l’esclave de nos désirs, le serviteur de nos besoins, le captif de nos soucis, envers et contre tout et tous».

De t’avoir côtoyé m’a offert l’occasion de découvrir un homme qui force l’admiration par sa courtoisie, sa politesse, sa discrétion, sa retenue, sa pondération. Tu es un homme dont même le silence m’enseignait quelque chose.

Chevaleresque à l’égard de tes camarades de parti comme à l’égard de tes adversaires politiques, tu n’as jamais offensé par ton langage.

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L’absent-présent que nous honorons encore aujourd’hui continue de cheminer avec nous. Ces mots de Birago Diop retentissent en nous :

«Ceux qui sont morts ne sont jamais partis, Ils sont dans l’ombre qui s’éclaire Et dans l’ombre qui s’épaissit, Les morts ne sont pas sous la terre Ils sont dans l’arbre qui frémit, Ils sont dans le bois qui gémit, Ils sont dans l’eau qui coule, Ils sont dans la case, ils sont dans la foule Les morts ne sont pas morts».

Je verrai toujours en toi un patriote, un mentor qui m’a fait profiter de son immense expérience, un exemple pour toute cette jeunesse qui aspire à s’impliquer dans la gestion des affaires de la cité assoiffée de valeurs de justice, d’égalité et de fraternité, prête à assumer les tâches urgentes de la transformation politique, économique, culturelle et sociale pour le développement intégral de notre continent. S’inspirant de ce grand homme, et pour l’intérêt supérieur de la Nation, pour le bien commun et l’en-commun, il faut exorciser les tensions qui gangrènent notre Nation, dépasser nos querelles intestines – même si elles sont vitales pour la démocratie –. Nous inscrivant alors forcément dans une philosophie de l’actualité et de la prospective.

Que le Paradis soit ta nouvelle demeure, mon mentor !

Repose en paix, OTD, «Caïlcédrat royal», pour emprunter le mot de Césaire.

Samba Aly BA

Docteur en Sciences politiques

Directeur de Cabinet du Président Ousmane Tanor Dieng

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