Oui, les enfants engagés dans les productions audiovisuelles et spectacles gagnent de l’argent. Au Sénégal, ce cachet est perçu par un parent de l’enfant ou par son tuteur. Mais, après perception de l’argent, nul, à part celui qui le perçoit, ne sait où va l’argent.
En France, il en va tout autrement : le cachet de tout enfant ayant assuré une prestation dans un film, un spot publicitaire, tenu un rôle au théâtre ou dans un spectacle est versé à la Caisse des dépôts (Cdc) et n’est payé au mineur qu’à son âge majeur.
« Le salaire de l’enfant-mannequin, est versé à la Caisse des Dépôts et Consignations et restera bloqué jusqu’à ses 18 ans », confirme le site français magicmaman.com.
D’ailleurs dans un article sur son site, la Caisse des dépôts en France souligne que « le travail des enfants du spectacle et du mannequinat est rigoureusement encadré par la loi ».
Ces dispositions légales se justifient par le fait que dans nombre de pays à travers le monde, l’enfant mineur est interdit de travail.
En France, « le code du travail interdit à tout mineur de travailler avant ses 16 ans ». Au Sénégal, cet âge est de 14 ans.
« Il est possible, au sens du code du travail, que le père, la mère ou le tuteur d’un enfant mineur signe un contrat d’apprentissage au profit de l’enfant », souligne Gallo Diop, ancien inspecteur du travail actuellement directeur des ressources humaines dans le privé.
« Mais, le Code du travail ne dit rien sur la destination de l’argent payé à l’enfant », précise-t-il.
Encore que, « de mémoire d’inspecteur du travail au Sénégal, je n’ai jamais vu un contrat de travail concernant un mineur », indique-t-il.
Protéger les enfants
Au Sénégal, lors du Conseil des ministres du 13 juin 2019, « le président de la République s’est dit préoccupé par la maltraitance des enfants et des groupes vulnérables, et a rappelé au Gouvernement la place centrale de la protection sociale des groupes vulnérables dans le Plan Sénégal émergent »
Et c’est ainsi que le chef de l’Etat a instruit le Gouvernement d’évaluer la mise en œuvre de la stratégie nationale de protection de l’enfant, de veiller à l’adoption urgente du projet de loi portant code de l’enfant, et de bien préparer l’organisation de la journée africaine de l’enfance, prévue le 16 juin 2019.
Selon le responsable de la Communication de la Caisse des dépôts et consignations, Matar Diop, ces instructions ont été répercutées à la Cdc qui fera des propositions prenant en compte la rémunération des enfants mineurs se produisant dans les films, les spots publicitaires, clips musicaux et autres productions de spectacles.
Cet argent fera l’objet d’un placement bancaire et générera des intérêts qui iront à l’ayant droit à sa majorité.
En effet, au Sénégal, les productions publicitaires, les séries, clips et feuilletons mettent en scène des enfants alors que les conditions de rémunérations contractuelles de ces mineurs ne sont pas des plus orthodoxes ; et surtout parce qu’il n’y a pas de loi faisant obligation aux producteurs de spectacles mettant à contribution des enfants de verser l’argent à la Caisse de dépôts et consignations.
D’ailleurs, cette dernière, dans les textes l’organisant, ne comporte pas une disposition lui donnant prérogative de percevoir l’argent payé à des enfants ayant tenu un rôle de mannequin, de comédien…
En fait, il n’y a pas de loi prévoyant cette sécurisation du cachet de l’enfant artiste. Mais, assure le conseiller en communication de la Cdc, la situation va bientôt changer au Sénégal à la faveur des innovations que le chef de l’Etat veut entreprendre portant sur « la stratégie nationale de protection de l’enfant, de veiller à l’adoption urgente du projet de loi portant code de l’enfant ».
Pratique informelle dans les structures de productions
En attendant, les maisons de production de séries, feuilletons télévisuels continuent de faire jouer des enfants, mais ne signent des contrats qu’avec les parents et tuteurs des petits artistes.
Une pratique dont Moussa Niang, administrateur de Leuz Média, une compagnie de productions audiovisuelles dakaroise, confirme l’existence.
« Si nous voulons faire jouer un enfant dans nos productions, nous signons un contrat avec les parents et leur versons l’argent. Nous ne contrôlons pas la destination de l’argent, ni ne vérifions s’il est dépensé au profit exclusif de l’enfant ».
Du côté de l’agence Pikini, Ndèye Awa Lô Ndiaye déclare que l’enfant est engagé sur la base d’un contrat signé par un de ses parents présentant une carte nationale d’identité établissant la paternité de l’enfant. Et l’argent est directement versé au signataire du contrat et non pas à une quelconque structure du type Caisse de dépôts et consignations mandatée par la loi.
Comédien de renom, depuis son adolescence, dans le secteur de la production de feuilletons et séries, Ibrahima Mbaye Sopé, témoigne n’avoir jamais, du temps où il était mineur, bénéficié de protections légales particulières pour ses rémunérations.
A en croire M. Mbaye, l’engagement d’enfants dans des séries, films et spots publicitaires, se fait suivant des « procédures informelles » (sic).
Dans certains cas, il s’agit de négocier pour se faire prêter un enfant par-ci, un bébé par-là ; et la rémunération est versée directement aux parents ou leur représentant qui signe le contrat et empoche le chèque.
« Je ne sais pas l’utilisation qui est faite de la rémunération », souligne-t-il.
Philippe Godeau, réalisateur du film « Yao » est cité par Mbaye Sopé comme référence dans le traitement d’un mineur engagé dans le tournage de son film.
A l’en croire, Godeau a suivi Lionel Basse et payé des cours de rattrapage des heures que le petit comédien aurait manquées à l’école.
Un traitement bien différent de celui de certains enfants par des agences peu scrupuleuses.