Parler de l’Université et de ses problèmes est souvent tabou au Sénégal. Les personnes
qui sont les mieux placées pour en parler sont soit des enseignants soit des docteurs ou
doctorants en attente d’être recrutés. Dans tous les cas, elles se sentent très mal à l’aise
pour dénoncer ou fustiger. C’est une triste réalité car les premiers ne souhaitent pas se
mettre à dos les puissants syndicats des universitaires, les seconds risquent de se
condamner ou de se retrouver dans la ligne de mire. Voilà les principales raisons qui
expliquent le silence assourdissant face aux injustices et aux difficultés dans le monde
universitaire sénégalais.
L’un des premiers problèmes est la question du recrutement. L’Université ne fait pas de
distinction entre les nationaux et les étrangers. Et ceci n’est pas normal. Dans la plupart
des pays responsables les nationaux sont préférés surtout dans les domaines où il existe
des profils capables de faire le travail. En France, il y a le CNU et tout est bien organisé
pour que les intellectuels français soient les premiers bénéficiaires. Les sénégalais n’ont
qu’un seul pays et ce n’est pas normal que des postes importants soient attribués à des
étrangers alors que des nationaux qui ont le même niveau se tournent les pouces.
D’ailleurs, il n’y a que les gens bien casés qui défendent la position contraire comme le Pr
Mary Teuw Niane de l’UGB.
Le second problème et le plus grave encore est celui du « parrainage ». Certes, tout le
monde n’est pas concerné mais dans beaucoup de Départements (principalement à
l’UCAD) si vous n’êtes pas le « protégé » de quelqu’un, on vous barre la route. À plusieurs
reprises, il y a des plaintes auprès du recteur, des scandales répétitifs mais le mal
demeure. Ce problème est endémique, le Pr Cheich Anta Diop (et tant d’autres encore)
avait connu la même chose des années durant. C’est inacceptable. Les services de l’État
et les responsables de l’Universités doivent être plus regardants sur ce qui se passe dans
certains Départements. Nous sommes tous des sénégalais et nous devons avoir les
mêmes droits, les mêmes chances. Si on prend le cas de l’UVS, le népotisme (ou le
régionalisme) y est tellement flagrant… tout le monde le sait et personne n’ose parler.
Par rapport au troisième point, nous pouvons souligner le manque d’équilibre en ce qui
concerne les facultés (ou Départements). Il y a une vraie politique de deux poids deux
mesures. Certaines disciplines sont reléguées au second plan malgré une demande très
forte. Ceci est peut-être la faute des dirigeants de certains départements ou la preuve
d’un manque de volonté de la part des autorités étatiques. Il existe des disciplines qui
sont présentes dans toutes les Universités alors que d’autres sont tombées aux
oubliettes. Prenons le cas de la Philosophie. Cela fait une quinzaine d’années que le pays
est en manque de professeurs. Aujourd’hui, ce sont des sociologues et autres qui sont
recrutés en masse dans les lycées pour résoudre cette carence. À l’Université, le
Département de philosophie est débordé. Il n’y a pas assez d’enseignants et le nombre
d’étudiants augmentent d’années en d’années. Que se passe-t-il ? Depuis les
indépendances, il n’y a qu’un seul Département ; même les nouvelles disciplines
récemment créées sont présentes dans presque toutes les nouvelles universités. Chaque
année l’État promet la création d’un nouveau Département mais le projet traine (s’il y a
projet !).
Dr Malao Kanté
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