« Tout homme injuste le regrettera un jour et tout tyran assurera sa propre perte» », Cheikh Ahmadou Bamba
Depuis un certain temps, beaucoup de Sénégalais agitaient et continuent d’agiter l’idée d’une grâce que le président Macky Sall devrait accorder à Khalifa Sall à l’occasion de la fête de l’Aïd el-Kébir ou après. Une pétition a été initiée par de jeunes khalifistes volontaristes pour inciter le président Macky Sall à se plier à la volonté populaire. Alioune Tine a même essayé de titiller la fibre musulmane du paterfamilias Macky Sall pour que l’ex-maire de Dakar puisse passer la fête du mouton en famille. Pierre Goudiaby Atépa s’est adressé, à genoux, à mains jointes, à madame la première Dame, Marème Faye Sall, croyant que cette dernière, talon d’Achille ou plutôt, prunelle des yeux de Sa Majesté, aurait pu avoir un pouvoir d’influence pour faire fléchir son mari chéri, resté sourd, muet, aveugle et inflexible sur le sort de Khalifa Sall. En sus de ces interventions publiques, il y a les intercessions souterraines de marabouts, de politiques et autres dignitaires qui se sont échinés pour décrocher une grâce en faveur de l’ex-maire de Dakar. Mais que nenni ! Le président Macky Sall est resté de marbre et à juste raison comme il l’a été depuis le début de cette affaire à propos de ces suppliques et quémandages incessants.
Il faut noter que l’article 47 de notre Charte fondamentale lui donne ce pouvoir quasi-divin de gracier qui il veut, quand il veut. Par conséquent, il est libre de d’user de cette prérogative constitutionnelle selon son bon vouloir. Pour mettre fin à ce bastringue médiatique qui lui troue les tympans, voilà que sa Majesté profite du sommet du G-7 pour déclarer au micro de sa radio de prédilection, RFI, qu’il ne « gracierait Khalifa Sall que lorsqu’il en aura la volonté ou le désir ». Limpide et suffisant pour que tous les agitateurs et autres illusionnistes qui croient à une grâce onirique de sa Majesté puissent déchanter.
La grâce de Khalifa Sall obéit à un agenda politique. Libérer Khalifa Sall tant qu’un nouveau calendrier pour les locales n’est pas encore fixé constitue un danger pour la majorité. Libérer Khalifa Sall avant que ces locales ne soient pas organisées constitue un péril électoral pour Macky, le PS et tous les autres partis lilliputiens de Bennoo. Un Khalifa Sall qui sort avant les locales, même interdit juridiquement de toute représentation électorale, peut influer sur les résultats à Dakar. Il appert que politiquement Taxawu Dakar est affaibli du fait de plusieurs trahisons, mais un Khalifa Sall martyr libre peut récolter les dividendes populaires de sa détention arbitraire. Etant donné que le pouvoir actuel est obnubilé par la conquête de la capitale lors des prochaines municipales, il serait donc suicidaire de laisser libre un tel homme politique dont la popularité locale et l’emprise sur la capitale ne souffrent d’aucune contestation. C’est pourquoi, l’agenda politique de Macky Sall commande à ce que l’ex-maire de Dakar continue d’expier sa peine à Rebeuss nonobstant les conjurations itératives et pressantes venant d’horizons divers.
Indépendamment des calculs politiciens du chef de la coalition présidentielle, il y a l’équation de la succession de Tanor au poste de Secrétaire général au sein du Parti socialiste (PS). Libérer Khalifa en ce moment de méli-mélo politique risquerait d’envenimer les remous et la confusion qui règnent au sein du PS. Un Khalifa Sall qui sort en ces moments de repositionnement et d’ambitions avouées, risque de compromettre le plan de tous ces mammouths qui barrissent pour faire main basse, pour des raisons crypto-groupusculaires, sur le patrimoine politique de Léopold Sédar Senghor, Mamadou Dia, Lamine Guèye, Abass Guèye, Ibrahima Seydou Ndaw et autres personnalités politiques du BDS (Bloc démocratique sénégalais) et ensuite du BPS (Bloc populaire sénégalais).
Et en ce moment où des voix socialistes réputées pour leur anti-khalifisme notoire réclament le Secrétariat politique du PS pour reprendre en main le parti senghorien en décrépitude, libérer Khalifa serait synonyme de retraite politique pour certains éléphants qui ont conspiré dans son incarcération. La voix la plus audible est celle d’Abdoulaye Gallo Diao, ancien responsable du MEES (Mouvement des élèves et étudiants socialistes), Coordonnateur du Forum des jeunes socialistes, membre du Bureau politique du PS, Secrétaire National adjoint chargé des TIC et membre de la cellule de communication du PS. Récemment, il avait déclaré dans le site Xalima que « le PS aura son candidat porteur de son projet de société et de son programme politique en 2024 issu de ses rangs et que le meilleur profil se trouve être Khalifa Ababacar Sall ». Et à nouveau, il réprouve, dans le même site, les propos du président Sall à RFI. « Cette sortie maladroite et inopportune du président Macky Sall prouve à suffisance que Khalifa Sall demeure et reste son otage politique. Et si finalement les mêmes causes produisent les mêmes effets, Macky prendra sa place à Reubeuss et Khalifa Sall la place de Macky Sall au Palais ».
Et aujourd’hui, ils sont nombreux au sein du PS qui sonnent la jacquerie contre la nomenklatura socialiste réactionnaire et penchent pour Khalifa, successeur de Tanor au Secrétariat général. Mais les caciques, qui rechignent à voir Khalifa truster le promontoire de l’instance faîtière du Parti de Colobane, joueront à fond leur carte pour prolonger la douleur carcérale de l’ex-maire de Dakar. C’est pourquoi, il est temps que les pétitionnaires volontaristes et autres personnalités politiques, religieuses ou de la société civile mettent fin à leurs implorations humiliantes pour obtenir la libération de Khalifa Sall. Seuls l’agenda politique de Bennoo et les décisions des apparatchiks du PS dictent au président Sall la conduite à tenir sur le cas Khalifa.
Pour finir, je demande au président mouride Macky Sall de bien méditer ces sages propos que le guide et fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, a adressés à Samba Laobé Fall, 33e Damel du Cayor :
« Sache que le pouvoir que tu détiens actuellement en ce monde ne t’est parvenu qu’après avoir été soustrait des mains d’autres rois comme toi qui t’ont précédé. Et qu’un jour viendra où ce même pouvoir te sera repris des mains pour être cédé à d’autres rois qui te succéderont.
Donc, s’il arrive certains jours où la vie te semble favorable et t’assiste contre tes adversaires, sache qu’un jour elle favorisera tes adversaires. Et si quelques fois elle t’a fait rire, quelques fois aussi elle te fera pleurer.
Que donc la joie qu’elle t’inspire ne t’abuse pas car ce monde est par nature trompeur et fourbe. Il arrive souvent qu’il se retourne brutalement contre toi pour te leurrer et te faire tomber dans son piège.
Aussi, je te recommande de toujours persévérer à assister les plus faibles, les pauvres et les nécessiteux, et de ne jamais tomber dans la tyrannie et l’injustice car tout homme injuste le regrettera un jour et tout tyran assurera sa propre perte.
N’oublie jamais que la puissance que tu détiens et toutes les faveurs qui en découlent ne te sont, en vérité, parvenues qu’à travers la mort d’autres personnes qui les détenaient avant toi et du fait que ces mêmes faveurs se sont départies de ces dernières pour de bon. Par conséquent, attends-toi à ce que ces mêmes privilèges te délaissent un jour de la même façon qu’ils te sont parvenus.
Fais donc preuve de persévérance dans les actes qui te seront utiles dans les deux mondes, ici-bas et dans l’au-delà, avant que tu tournes un jour définitivement le dos à ces avantages ou bien que ceux-ci se détournent à jamais de toi.
C’est ici que s’achèvent les recommandations que je te donne ; si jamais tu consens à t’y conformer, ce sera à ton profit, autrement tu en assumeras les conséquences car nous appartenons tous à Dieu et c’est vers lui que nous retournerons. »