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À Notre Ami Adama Gaye

En pensant à ta rencontre avec le juge d’instruction demain, le 29 août,  je suis  habité par des sentiments mitigés.

D’une part, je me dis que le « crime élastique et désuet  de lèse-majesté  – offense au chef de l’État   » -, dont tu es accusé ne mérite pas que l’on passe plus d’un mois en prison dans un pays dit démocratique au 21e siècle. Dès lors, j’imagine joyeusement les titres de certains journaux – que je regarderai demain sur internet dès mon réveil inchAllah (décalage horaire oblige) : Adama Gaye enfin libre ! ; Le grand journaliste et homme d’affaires retrouve sa famille après un mois de détention… Je suis d’autant plus optimiste quant à ta libération que je me dis que tu n’as ni volé ni tué, et que ton nom n’apparait dans aucun rapport de l’IGE et/ou de l’Ofnac, au moment où certaines personnes citées dans de graves dossiers où plusieurs  milliards du contribuable sont en jeu, vaquent librement et en toute impunité à leurs occupations. Pourtant c’est à ce moment, où d’aucuns susurrent même des plans d’ajustement structurel, que le pays a tant besoin d’argent. Bien utilisé, celui-ci pourrait ne serait-ce que permettre de trouver plus de moyens à nos forces de l’ordre afin de les armer davantage pour mieux faire face aux agresseurs de plus en plus nombreux, équipés et décidés d’en finir violemment avec leurs victimes, d’améliorer les conditions de circulation et de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux nombreux accidents mortels sur les routes, sans mentionner les inondations endémiques aux moindres tombées de pluie dans la capitale dans d’autres villes du pays et le désencombrement des prisons comme Reubeuss où vient de survenir une bousculade mortelle il y a quelques heures.

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D’autre  part, mon optimisme est quelque peu refroidi quand je repense aux malheureux mots, ô combien révélateurs de la conception de la grâce, et partant de la justice de notre président lors de sa dernière sortie sur RFI. Surtout si l’on sait que, dans le pays, la justice est souvent aux ordres de l’exécutif dont il est l’incarnation. De plus, avec l’essoufflement noté dans les mouvements réclamant justice dans l’affaire Aliou Sall-Petrotim, quelque chose me dit qu’il n’a ni intérêt, encore moins le désir et la volonté (mots à la mode) de voir ce débat soulever vivement a nouveau par des gens qui connaissent beaucoup de choses sur le dossier. Par conséquent, les stratégies de pourrissement, d’atermoiement, de musellement peuvent être de mise pour neutraliser tout « récalcitrant ». Or, ayant le courage de tes idées, toi qui connais bien les dossiers du pétrole tant au niveau nation qu’international, tu  pourrais représenter « une source de trouble »  pour les questions des contrats de pétroles, à l’instar de  Clédor Sène, qui  aurait pu te rejoindre à Reubeuss…

Bien que les mots de Babacar Gaye, de certains des amis du groupe d’Adama Gaye, de Guy Marius Sagna, d’Amsatou Sow Sidibé, nous faisant part – après t’avoir rendu visite – du courage dont tu fais montre en traversant dignement cette dure épreuve soient réconfortants, je serais plus rassuré de te voir retourner chez toi. Car on a beau avoir un moral de fer, les longues journées en prison, les conditions  de détention  difficiles peuvent finir par le rouiller. Surtout quand on n’a plus sa vigueur de 20 ans. Dès lors, je te souhaite de retrouver ta famille. En outre, bien qu’on ne puisse pas emprisonner un esprit, en enfermant un corps, on enferme aussi des activités, car certains problèmes que tu aurais pu régler au téléphone à défaut de pouvoir le faire physiquement demeurent irrésolus. Surtout dans ton cas, toi, qui as été souvent invité à de grandes conférences internationales, non pour servir du dessert, mais pour partager ton immense expérience dans bien des domaines. De plus, à l’instar d’une cavale, un enfermement coûte cher aussi bien au détenu qu’à ses proches amis et parents. Le premier nommé voit ses activités s’arrêter ou ralentir quant aux seconds, ils dépensent beaucoup de temps, d’énergie et de moyens pour les visites et autres…

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Ce qui est tout de même réconfortant c’est de voir le rang de ceux qui te soutiennent grossir de jour en jour aussi bien dans le pays qu’à l’extérieur. Il le faut parce que malheureusement certains dirigeants sous nos tropiques acceptent de faire sous la pression, surtout extérieur ce qu’ils ne sont pas prêts à faire dans les règles de l’art.  C’est dans ce sens que la pétition signée par d’éminentes personnalités mondialement connues a dû peser sur la balance de la liberté provisoire accordée à Guy M. Sagna.

Tous les gens qui te soutiennent ne sont certes pas d’accord avec tout ce que tu dis, mais ils en ont marre de l’injustice qui règne dans le pays, du deux poids, deux mesures selon son appartenance familiale ou politique. Les mots de Marat me viennent à l’esprit pour te dire au revoir tout en espérant de te voir libre dès demain : « La liberté de tout dire n’a d’ennemis que ceux qui veulent se réserver la liberté de tout faire. Quand il est permis de tout dire, la vérité parle d’elle-même et son triomphe est assuré », Jean-Paul Marat « Les chaînes de l’esclavage ».







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