Les horaires classiques et uniformes 8h-17h partent du postulat que tous les employés se ressemblent. De plus, ils sont l’héritage d’une époque révolue – Révolution industrielle – où l’on pensait qu’un employé doit être surveillé et contrôlé. Ils ne sont pas adaptés à la manière de travailler de tout un chacun, ce qui est l’une de leurs plus grandes limites ; si je prends mon cas, je suis plus productif le matin et le suis beaucoup moins le soir. Parce qu’ils ne sont pas flexibles, ils donnent l’impression que le quantum horaire est plus important que l’atteinte des objectifs.
Cette opinion que les employés doivent être contrôlés relève d’un préjugé, comme le démontra McGregor, un grand théoricien du management, avec sa théorie X et Y. En résumé, les employeurs pensent que les employés X sont irresponsables, paresseux et indignes de confiance tandis qu’ils perçoivent les Y comme responsables, proactifs et fiables. Selon comment le manager perçoit un collaborateur, il adoptera une attitude qui confirmera ses pensées. Si nous pensons que Moussa est un incapable, nous le traiterons tel, et il y aura de fortes chances que cette pensée devienne réalité. Si au contraire nous pensons que Moussa est un employé responsable et digne de confiance, nous le traiterons comme tel, et il démontrera ses compétences.
Aussi les entreprises et leurs managers gagneraient-ils à croire que les Y sont plus nombreux que les X. Ainsi, ils seront plus enclins à faire confiance à leurs employés, leur accorder plus de liberté et éviter le micro-management.
Faire confiance à ses employés signifie leur fixer des objectifs, des objectifs réalistes, ni inatteignables pour éviter le stress ni trop faciles pour éviter l’ennui, puis les laisser choisir comment ils les atteindront. C’est laisser Moussa décider de travailler plus tôt, ce qui lui donnera le temps d’aller faire du sport et lire le soir. Cela lui évitera de stresser sur des choses qui ne concernent pas le bureau, car il sait qu’en fin de compte, ce qui importera est l’atteinte de ses objectifs et non le respect des 40 heures de travail.
Faire confiance à ses employés ne veut pas dire leur accorder la licence. L’entreprise doit atteindre ses objectifs, être rentable, pouvoir payer ses fournisseurs et distribuer des dividendes à ses actionnaires et associés. Pour montrer que la liberté ne suffit pas, qu’elle doit être complétée par la responsabilité, Victor Frankl écrivit : «Je recommande que la Statue de la liberté soit complétée par une Statue de la responsabilité sur la côte ouest».
L’entreprise doit accorder l’autonomie aux employés, mais ces derniers doivent s’évertuer d’atteindre leurs objectifs ; d’où le concept de «Results only working environment (rowe)». C’est un environnement de travail où n’importe que l’atteinte des objectifs, la manière de les atteindre est de la responsabilité des employés. Un employeur qui adopte ce concept dira à ses employés : je ne vous connais pas mieux que vous-mêmes, voici vos objectifs, à vous de déterminer comment vous les atteindrez. Steve Job a résumé cet esprit du «Results only working environment» : «Cela ne fait aucun sens d’embaucher des gens intelligents, puis de leur dire ce qu’ils doivent faire. Nous enrôlons des gens intelligents afin qu’ils nous disent ce que nous devons faire.» Y a-t-il un sens à engager une personne intelligente et lui dire ce qu’elle doit faire ? Ne serait-il pas préférable de lui accorder la liberté pour qu’elle puisse améliorer les procédures, trouver les moyens de faire mieux et plus vite ?
Le «Results only working environment» commence par recruter les ressources humaines adéquates. Jim Collins est l’auteur du livre De la performance à l’excellence. Il attribue une large part de la performance de ces entreprises qui ont obtenu des résultats exceptionnels, alors qu’elles étaient auparavant médiocres, à la qualité de leurs ressources humaines. Il écrit dans le chapitre 3, «D’abord qui puis quoi» : «Si l’on a les collaborateurs adéquats à bord, le problème de leur gestion et motivation est pratiquement inexistant. Ils n’ont aucun besoin d’être étroitement dirigés, ils se motiveront eux-mêmes pour produire les meilleurs produits et prendre part à la création de l’excellence.»
Cela voudrait dire deux choses :
Primo, les ressources humaines sont plus importantes que la vision. L’employeur a beau avoir une vision formidable, sans les ressources humaines adéquates, il ne pourra la réaliser.
Secundo, recruter les ressources humaines adéquates facilite la tâche de l’employeur, car elles n’auront pas besoin d’être surveillées, elles s’imposent l’excellence.
En prônant la confiance plutôt que le contrôle, l’entreprise diminuera le stress de ses employés et leur improductivité. Combien de fois nous est-il arrivé d’être au bureau, sans y être parce que nous avons une urgence : notre enfant est malade, nous avons un problème à régler ? Si le concept de Rowe était implanté, un employé pourrait aller régler son problème, puis retourner tranquillement au bureau. Le principal danger d’une vision quantum horaire serait résolu : le plus important n’est pas le nombre d’heures passées au bureau, mais l’atteinte de nos objectifs.
Aujourd’hui, la plupart des entreprises africaines sont encore figées dans un modèle de management qui n’a plus cours. Elles gagneraient à responsabiliser leurs employés, ce qui permettrait à ces derniers d’apporter plus de valeur ajoutée : dans le monde d’aujourd’hui, il ne suffit pas de bien faire son travail, mais il faut être capable d’innover, d’apporter de la créativité. C’est en leur accordant la liberté, en s’éloignant du micro-management, en les laissant choisir comment atteindre leurs objectifs qu’une entreprise pourrait pousser ses employés à aller au-delà des tâches assignées.
C’est ce qu’ont compris ces entreprises qui accordent à leurs employés un jour par semaine pour réfléchir à des problèmes qui ne concernent pas directement leur travail, à sortir du carcan du bureau. C’est durant ces moments que le Post-it, Gmail furent créés. Cela n’en vaut-il pas la peine ? Les entreprises africaines en général, et sénégalaises en particulier, doivent changer de paradigme : moins de contrôle, plus de confiance, moins de micro-management, plus de liberté. Feraient-elles cela, elles verraient les résultats positifs : une plus grande créativité de leurs employés et parce qu’elles auront un plus grand sentiment de contrôle, une augmentation de leur motivation.
P.S : J’ai souvent regardé des vidéos sur des entreprises qui appliquent le «Result only working environment» – Google, Apple, Facebook en sont des adeptes. Cela ne les empêche pas d’être très productives et rentables – au moment où j’écris , Google et Apple sont les entreprises qui disposent de la trésorerie la plus importante au monde.
Moussa SYLLA
moussasylla@live.fr