Senexalaat - Opinions, Idées et Débats des Sénégalais
Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Le Financement Du Tourisme National

LES REPERES

  1. . Le Tourisme : Un des secteurs prioritaires du PSE De réelles Potentialités Le tourisme est identifié comme secteur moteur par le Plan Sénégal Emergent, Plan de référence pour l’émergence du Sénégal en 2035. C’est ainsi que le PSE intègre dans ses Plans d’actions prioritaires (PAP I (2014- 2018) et le PAP II (2019-2023), deux projets phares pour le secteur du tourisme : Projet de Zones Touristiques Intégrées ; Plan Sectoriel de Développement du micro tourisme. En effet, le tourisme est le deuxième contributeur au PIB (5% direct et 10% de contribution indirecte via les activités transverses) et l’une des principales sources de devises au Sénégal avec 44% des exportations de services.

Des Performances en deçà des potentialités Le Sénégal compte 5 segments principaux de tourisme : le balnéaire, de loin le plus développé avec une forte saisonnalité (majorité des séjours sur la période Novembre-Février) et une forte concentration sur la petite côte ; l’éco-tourisme et le tourisme culturel, qui sont faibles et dont le potentiel est à développer ; le tourisme d’affaires en plein essor (11% de croissance annuelle moyenne entre 2006 et 2013).

Toutefois, bien qu’étant la destination majeure (la première en Afrique de l’Ouest), le Sénégal connaît une croissance relativement faible de son tourisme, comparée à celle des autres principales destinations africaines (Maroc, Kenya, Tunisie,…). La Destination Sénégal a enregistré certes des progrès dans ses performances. Des performances qui demeurent toutefois timides.

En effet, le nombre d’entrées de touristes est passé de 1 210 000 en 2016 à 1.365.000 en 2017. Mais ce chiffre reste en deçà de l’objectif fixé à 1 450 000. Du côté de l’offre, les statistiques disponibles au premier trimestre 2018 révèlent un nombre d’établissements d’hébergement agréés de 253 sur 255 dossiers étudiés, soit un taux d’exécution de 99%. Sur la base du nombre d’entrées de touristes obtenu en 2017, les recettes touristiques sont estimées à 482 milliards de FCFA contre une cible de 516 milliards de FCFA.

Les Objectifs visés

A travers le PSE, qui représente le cadre de référence de la politique économique et sociale du Sénégal, l’ambition est d’accueillir trois (03) millions de touristes par an à l’horizon 2023, de développer de nouveaux pôles intégrés et de requalifier les sites existants, ciblés autour des produits balnéaires, d’éco-tourisme, de culture, de sites religieux et d’affaires.

1.2. Le pilotage du secteur Le pilotage du secteur est dévolu au ministère en charge du tourisme       aujourd’hui dénommé ministère du tourisme et des transports aériens. Une articulation utile car les transports aériens domestiques comme internationaux constituent un maillon essentiel de la chaîne de valeur touristique. Le budget du ministère du tourisme a enregistré une hausse de 4,13% en 2018.Il passe de 12 098 672 580 à 12 598 672 580. L’objectif de cette hausse est de permettre au ministère de prendre en charge, de manière efficiente, ses prérogatives.

Le ministère du tourisme dispose, outre les orientations stratégiques et opérationnelles du PSE, de ses propres outils de planification stratégique, comme un Plan stratégique de développement (PSDDT 2014- 2018), d’une Lettre de Politique Sectorielle (LSPDT), d’un Document de Programmation Pluriannuelle des Dépenses (DPPD) et d’une revue annuelle conjointe (RAC), afin de mesurer les résultats des politiques publiques, selon l’approche de la gestion axée sur les résultats de développement(GARD). Le ministère, pour implémenter sa politique touristique, s’appuie principalement sur deux agences publiques d’exécution : la SAPCO SA chargée de l’aménagement touristique des sites et de la promotion des investissements et de l’ASPT (Agence sénégalaise de promotion touristique), chargée, elle, de la promotion touristique de la destination Sénégal.

1.3. Environnement des affaires touristiques et investissements de base structurants Sur le plan juridique, le Sénégal dispose d’un arsenal législatif qui vise l’amélioration qualitative du cadre des affaires touristiques. On peut citer, entre autres, la loi N°2004-06 du 6 Février 2004 portant Code des investissements, la Loi 2014-09 relative aux contrats de partenariat (PPP), la loiN°2015-13 du 03 Juillet 2015 dite loi Casamance portant Statut fiscal spécial des entreprises touristiques. Avec un environnement des affaires attractif, l’Etat du Sénégal, avec l’appui de ses Partenaires Techniques et Financiers (PTF), et dans le but d’assurer une visibilité et une compétitivité de la Destination, a organisé des évènements structurants et majeurs comme le Salon International du Tourisme (Salon TICAA), le Festival mondial des arts nègres ( FESMAN), le sommet de la Francophonie et en perspective les Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) de 2022.

A côté, Il a entrepris d’importantes réalisations déjà opérationnelles et d’autres en cours de finalisation. Ce sont entre autres , le Monument de la renaissance africaine (MRA), la Place du Souvenir Africain, Le Grand théâtre, et plus récemment le Musée des Civilisations Noires (MCN), les villes nouvelles de Diamniadio et du Lac Rose avec ses réceptifs hôteliers implantés et son Centre international Abdou Diouf (CIAD), le Train Express Régional (TER), les autoroutes, l’aéroport international AIBD, le lancement du Pavillon national avec la création d’Air Sénégal SA dotée d’une bonne flotte, la mise en route de deux navires reliant Dakar à Ziguinchor, le Programme de Réhabilitation des (7) Aéroports régionaux du Sénégal, le programme de reconversion de Saly ville verte et le réaménagement de Saly Portudal avec la remise en état des plages endommagées par l‘érosion côtière, dans le cadre du Programme de Développement du Tourisme et des Entreprises (PDTE), le lancement du programme de développement du site de Pointe Sarène, la réhabilitation de l’éclairage public sur Cap Skirring et la sécurisation du foncier dans le site du Delta du Saloum, le programme PROMOVILLE, le programme de réhabilitation des sites et monuments historiques, le programme de modernisation des Cités religieuses, etc…

Des Perturbations de la dynamique connues dans le temps Le tourisme a connu sa traversée du désert à travers une série de chocs qui ont perturbé son évolution. Il s’agit d’abord essentiellement de la politique d’ajustement structurel imposé par les Institutions de Bretton WOODS qui a impacté négativement sur les investissements touristiques et a induit une vague de dérégulation et de privatisation/liquidation des entreprises touristiques publiques créant du désordre et des destructions de valeurs touristiques. Tout ceci a conduit, à cette période, à un quasi abandon par l’Etat de son rôle d’impulseur et d’investisseur. Ensuite, la dévaluation du franc CFA en 1994 n’a pas donné les effets positifs attendus sur le secteur touristique.

Enfin, la disparition de la Société financière sénégalaise pour le développement de l’Industrie qui était le principal instrument financier du tourisme et de la Pêche- SOFISEDIT), finançant la majorité des investissements privés et productifs touristiques (Près de 90% des besoins de financements, principalement des hôtels et restaurants), a fini d’installer un marasme dans le financement du Tourisme. Pour pallier à cette situation, l’Etat, dès 2013-2014, a mis en place un dispositif financier articulé et composé de la BNDE pour le crédit, le FONSIS pour les prêts participatifs et le capital-risque et le FONGIP pour la garantie et le refinancement des systèmes Financiers Décentralisés. Ce dispositif a été enrichi récemment par la création de la DER/FJ (Délégation à l’Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes) et la mise en place d’un Crédit hôtelier et touristique pour adresser avec célérité la satisfaction des demandes de financement des acteurs économiques, notamment touristiques.

LE FINANCEMENT DU TOURISME

L’investissement touristique productif ne présente pas plus de risques que celui d’un autre secteur mais il est très généralement lourd et donc, amortissable sur une période relativement longue. Ainsi, le financement de ce secteur requiert que le bailleur dispose de ressources longues et très souvent avec des conditionnalités souples et adaptées. Il s’y ajoute dans les difficultés d’accès au crédit, la sempiternelle asymétrie d’information qui est particulièrement contraignante pour le tourisme, car peu de conseillers et chargés de clientèle des banques connaissent les réalités du secteur.

2.1. Le financement bancaire Il faut noter que globalement au Sénégal, le crédit à l’économie est relativement faible comparé à certains pays comme la Côte d’Ivoire et le Sri Lanka, conséquence d’une faible mobilisation de l’épargne privée nationale. Il se situe à 10% du PIB en 2016 contre respectivement 33,32% et 24% pour les deux pays précités à la même période. Le secteur du tourisme ne tire qu’une faible part des encours de crédit à l’économie : 1,92 % en 2014, 2,07% en 2015 ; 2,43% en 2016 ; 2, 46% en 2017 et 2,19% en 2018. Soit une part moyenne sur la période (2014- 2018) de 2,21%.

En volume, le secteur a reçu un encours total de crédit cumulé sur la période 2014-2018 de 296 494 millions de FCFA. Soit une moyenne de 59 298 millions de FCFA. Cet encours est réparti en sous activités comme suit : Restaurants, Hôtels et installations touristiques : Le Volume total cumulé sur la période 2014-2018 avoisine 265 428 millions de FCFA soit 89,5% du volume total du secteur.

Services récréatifs et culturels : Type de crédit 2014 2015 2016 2017 2018 Total 45044 49 771 62097 75 970 63 612 CT 13.217 24.539 31.789 21.499 33.695 MT 19.602 18.198 18.352 24.884 16.843 LT 12.225 7.034 11.956 29.587 13.074

Le Volume total cumulé sur la période 2014-2018 est de 31 066 millions de FCFA soit 10,5% du volume total du secteur. Source : BCEAO- Volume du crédit par type de maturité (en millions de FCFA) La répartition du crédit selon la période montre une part plus importante du crédit court terme, qui représente, en moyenne 42% contre 33% pour le Moyen terme et 25% pour le Long terme.

2.2. Les initiatives récentes dans le financement du tourisme Le financement par les structures du dispositif (FONGIP-BNDE- FONSIS-DER) Ce dispositif opérationnel dès 2014 a contribué au financement du tourisme. Faute d’avoir les données des autres structures, nous exposons ci-après celles du FONGIP. En effet, le FONGIP a apporté sa garantie pour un volume total de 353.270.116 FCFA à six établissements touristiques. Ce qui a permis de lever un crédit bancaire de 576.100.165 FCFA.

Le Crédit hôtelier et Touristique Constituant une belle initiative à saluer, le CHT a été créé par arrêté interministériel (Ministère en charge des finances et ministère en charge du tourisme) en date du 16Décembre 2016. Il dispose d’un budget de 5 milliards de FCFA. Il a, à ce jour, approuvé 60 projets pour un montant de financement de 2 424 258 933 FCFA.

2.3. Autres modes de financement du tourisme Le PPP (Partenariat Public Privé) Ce mode particulièrement adapté pour financer des infrastructures et autres immobilisations dans le tourisme n’a été que faiblement utilisé malgré l’existence d’opportunités d’investissements à cause de la faiblesse de la composante « privé ».

Les IDE (Investissements directs étrangers) Mode particulièrement présent dans l’implantation d’établissements touristiques appartenant à des chaînes internationales. Son développement reste tributaire de la présence dans le tourisme sénégalais de promoteurs étrangers. Les Transferts des émigrés Manne financière importante représentant annuellement près de 1000 milliards de FCFA, elle ne profite pas au tourisme. Son impact marginal est à situer dans le micro tourisme et dans les activités culturelles. Il convient de faire des offres fiables de réorientation d’une partie de cette manne vers les activités touristiques.

LE MECENAT

Existant dans les activités culturelles mais très peu développé, il n’existe pas ou peu dans les activités touristiques. Diversification de l’offre de crédit des banques et élargissement du périmètre d’intervention Le capital- risque, le crédit-bail, le financement participatif entres autres mécanismes très adaptés à l’activité touristique, tardent à être généralisés. A côté, on constate que des maillons entiers de la chaîne de valeur touristique et de son écosystème peinent à bénéficier dans le contexte actuel de financements adéquats – Ce sont les industries créatives, l’artisanat d’art.

III- CONCLUSIONS

Aujourd’hui, l’environnement et la dynamique du tourisme portés par le PSE sont propices pour agiter la problématique du financement du tourisme en vue de créer les conditions d’une prise en charge complète et adaptée de la demande de financements du secteur.

En effet, les développements antérieurs dans le texte ont démontré le rôle central de l’Etat dans le financement des investissements structurant et impactant pour le tourisme et ont aussi mis la lumière sur la faiblesse structurelle du crédit bancaire face aux besoins des activités productives privées touristiques. Les mécanismes doivent être améliorés en renforçant les ressources financières et les capacités opérationnelles du nouveau dispositif (FONGIP-BNDE-FONSIS-DER) et du crédit hôtelier et touristique pour appuyer, en plus des besoins déjà exprimés et insatisfaits, la réalisation des projets du PSE inscrits dans le PAP 2 concernant l’aménagement des sites touristiques et la promotion des filières (tourisme culturel, tourisme religieux, écotourisme,…).

A côté, il convient de développer les modes alternatifs de financement (IDE, Transferts des émigrés, Mécénat, PPP, financements participatifs …), généraliser les mécanismes comme le capital-risque, le crédit-bail pour étoffer l’offre bancaire et l’élargir à des segments (activités récréatives, industries créatives, artisanat d’art,…) jusqu’ici marginalisés. Alternativement, une étude exhaustive catégorisant et quantifiant tous les besoins en financements exprimés et à venir dans le cadre des projets déjà cités, devrait pouvoir être menée pour permettre une prise en charge effective de la problématique du financement du tourisme. L’Etat et les organisations professionnelles, dans une moindre mesure, devraient inviter le secteur privé national à investir davantage dans le tourisme en lui créant des opportunités et en lui offrant des incitations fiscales, mais également des facilités pour l’accès au foncier et au financement.

En effet, l’actif touristique et culturel est partie intégrante du patrimoine national. Si jusqu’ici, l’Etat s’est fortement impliqué dans la réalisation d’investissements lourds et structurants et continue à le faire, il est attendu légitimement du secteur privé national une forte contribution dans les investissements productifs privés. Enfin, il y a lieu d’envisager à terme la création d’une banque dédiée au tourisme et aux activités connexes des industries créatives et de l’artisanat d’art en transformant par exemple, le Crédit Hôtelier et Touristique en établissement de crédit.

Brahim SAKHO

est actuellement coordonnateur général du projet de mutation institutionnelle du FONGIP et anciennement Directeur du Pôle Finance et Gestion des Risques.

Ancien Coordonnateur de la Grappe TICAA (Tourisme, Industrie, Culture et Artisanat d’Art) à la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA-Primature).







Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *