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Le SÉnÉgal, La Tunisie Et Les Inquisiteurs

Quand j’étais étudiant à Paris, j’avais des amis tunisiens. Quand on discutait, ils avaient souvent le réflexe d’aller fermer la fenêtre, tellement la dictature de Ben Ali avait convaincu les Tunisiens qu’elle les suivait et les espionnait partout. La dictature n’est rien d’autre qu’une démocratisation de la peur. Aujourd’hui, la Tunisie qui a été pétrifiée et tétanisée par le peur pendant des décennies, sauve l’honneur du monde arabe en montrant que la démocratie est soluble dans le monde arabe, contrairement ce que nous veulent faire croire les thèses culturalistes.

La révolution du printemps arabe est née en Tunisie. Ce printemps arabe a souvent débouché sur l’hiver islamiste avant la restauration des Etats dynastiques (Syrie, Yémen) ou des dictatures militaires comme en Egypte. L’été démocratique est un ouragan qui s’annonce. Il partira de Tunisie, traversera la frontière pour emporter les vestiges du régime militaro-politicien en Algérie.

La Tunisie et le Sénégal sont des exceptions en Afrique, parce que ces deux pays ont eu la chance d’avoir des sociétés civiles fortes et dynamiques. La démocratie fonctionne en Tunisie parce que ce pays a une société civile qui est une sorte de troisième voie entre le régime dictatorial et les islamistes. C’est cette absence de société civile qui réduit dans les pays arabes le jeu démocratique à un face-à-face entre les Etats corrompus et les islamistes. Donc en cas d’élection, l’alternance se fait automatiquement au profit des islamistes. Cette donne est en train de changer, car le printemps arabe, même s’il a débouché sur des restaurations autoritaires, a permis l’émergence de sociétés civiles plus fortes et plus organisées. C’est cette société civile qui est en partie à l’origine de la chute de Bouteflika et qui a de fortes chances de sortir des urnes, car les islamistes sont dans les poubelles de l’histoire.

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Une démocratisation de la Tunisie et de l’Algérie aura un effet domino dans le monde arabe, comme en rêvaient George Bush et les intellectuels néo-conservateurs avec leur croisade en Irak qui devait être le point de départ de la démocratisation du monde arabe, avec un effet domino. La démocratisation du monde arabe avec effet domino à partir de l’Irak a été un fiasco dramatique. La démocratisation à partir de la Tunisie a plus de chance de faire tache d’huile pour une raison simple. En Irak, le changement a été importé dans les bagages de l’Us Army, alors qu’en Tunisie et en Algérie, le changement – la révolution – est endogène comme ce fut aussi le cas au Burkina qui est passé d’une démocratie de façade, issue de la Baule, à une vraie démocratie après la révolution.

Le Sénégal et la Tunisie ont été des exceptions parce qu’ils ont eu la chance d’avoir des présidents comme Senghor et Bourguiba qui ont eu la sagesse de laisser de la place à la société civile pour faire respirer leurs systèmes politiques. La société civile sénégalaise a joué un grand rôle dans la marche vers notre première alternance en 2000 et a été à la pointe de la croisade contre le projet monarchique de Wade avec le 23 juin, le début de la fin de la dévolution monarchique. Malheureusement pour notre démocratie, cette société civile a capitulé non pas face au pouvoir, mais face aux rentiers de la tension religieuse et électorale. Notre démocratie est constamment braquée par des inquisiteurs qui font feu de tout bois, qui avancent voilés à Jeanne d’Arc et veulent réécrire une histoire générale du Sénégal qui ne saurait qu’être conforme avec leur point de vue.

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Avec cette histoire générale du Sénégal, l’Etat vient d’ouvrir la boîte de pandore. Dans une démocratie, une histoire officielle est toujours accueillie avec des «mécanismes du soupçon». L’Etat n’a pas à écrire une histoire officielle. Il doit laisser l’histoire aux historiens, car comme en matière religieuse, il n’appartient pas à l’Etat d’arbitrer un «conflit d’interprétations» lié à l’histoire ou à la religion.







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