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À La Poursuite D’omar Blondin Diop

À La Poursuite D’omar Blondin Diop

Qui était Omar Blondin Diop ? Né le 18 Septembre 1946 à Niamey, mort le 11 mai 1973 indique seulement l’épitaphe sur sa tombe dans le vieux cimetière de Soumbédioune. Mort dans la sinistre prison qui était encore sur l’ile de Gorée, comme chacun le sait. Les causes de son incarcération aussi sont plus ou moins connues.

Il avait été extradé du Mali, accusé d’avoir préparé le kidnapping de l’ambassadeur français au Mali pour faire libérer ses deux frères et leurs camarades qui venaient d’être arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison, pour avoir selon l’accusation, incendié le Centre Culturel Français de Dakar et préparé un attentat contre le cortégé du président français George Pompidou en visite officielle au Sénégal.

Mort en prison, il se serait suicidé, selon le rapport officiel. Assassiné, maintiendront ses parents. Ils porteront plainte pour homicide auprès du doyen des juges d’instruction qui après enquête inculpera trois policiers. Mais il sera relevé de ses fonctions quelques jours après. L’enquête en restera donc là.

Mais qui était donc Omar Blondin Diop ?

Brillant produit du prestigieux lycée Louis-Le Grand de Paris, admis à l’Ecole Normale de Saint Cloud, promis à l’agrégation de philosophie avant ses 30 ans :

Dandy reconnu parmi la jeunesse dorée du Paris des années 1965. Dirigeant à coté des Daniel Cohn Bendit, du mouvement du 22 mars, qui sera le fer de lance du Mai 1968 français Acteur du film culte La Chinoise de Jean Luc Godard. Affilié à un moment à la mouvance situationniste. Membre du mouvement maoïste de la Jeunesse Marxiste Léniniste au Sénégal. Personnage complexe et déroutant.

C’est à cette complexité que s’attaque Vincent Meessen dans ce film dont il a achevé le tournage à Dakar en Juin dernier. Titre : Juste Un Mouvement.

Attention, Juste Un Mouvement n’est pas un film ordinaire. C’est plutôt un document qui mêle images, expressions politiques (témoignages sur Omar Blondin Diop), réflexions sur la politique, l’actualité, l’art, etc. C’est une œuvre à la fois de cinéaste, d’analyste politique et de sémiologue (« l’étude des signes linguistiques à la fois verbaux ou non verbaux ».)

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Vincent Meeseen avait auparavant consacré une exposition de photos et de textes divers intitulée « Omar en Mai »  au Centre Pompidou de Paris du 28 mars 2018 – 28 mai 2018. Ainsi qu’un livre en français et en anglais titré The Other Country/L’Autre Pays qui explore les relations de l’Internationale Situationniste et de l’Afrique.

On a dit avec justesse, je crois, que l’œuvre de Vincent Meessen tente de révéler le sens de la réalité post moderne et post coloniale en télescopant par l’image la réalité contemporaine et l’histoire oblitérée.

Voici ce que Vincent Meessen dit d’Omar Blondin Diop et de « Juste Un Mouvement », le film qu’il lui consacre.

Vincent Meessen, pourquoi ce film sur Omar Blondin Diop ?

Oumar ou Omar Blondin Diop faisait partie des jeunes africains qui, à la fin des années soixante, ont emprunté des voies nouvelles pour mettre fin au status-quo néocolonial qui perdurait dix ans après les indépendances. Bien que décédé il y a plus de quarante ans, il reste une référence pour les gens qui l’ont connu et fréquenté mais aussi pour une génération plus jeune qui se réfère à lui sans très bien connaître ni son parcours ni ses idées,…Le fait que sa famille et certains de ses proches demandent aujourd’hui encore la réouverture de l’enquête judiciaire sur les circonstances réelles de son décès en captivité indique l’importance de l’enjeu de mémoire, qui est donc à la fois un enjeu familial, national et intergénérationnel.

A quel public en particulier destinez-vous votre film ?

J’espère que le film trouvera des publics très divers : les Sénégalais en priorité qui découvriront un personnage complexe en recherche de changement rapide et décisif mais le film est aussi destiné à un public de spectateurs internationaux, intéressés par la potentialité du cinéma à (re)mettre en mouvement un imaginaire social. Aujourd’hui les horizons sont souvent bouchés par les diktats de l’audience et contraints par des formes narratives convenues. Ce sera un cinéma qui demande au spectateur d’être actif, de se mettre en mouvement lui-même.  

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Vous vous êtes abondamment documenté sur Omar Blondin Diop, vous avez rencontré et recueilli beaucoup de témoignages sur lui, après de sa famille, de ses amis et compagnons. Tout ceci a-t-il changé la perception initiale que vous aviez de lui ? Comment ?

Bien entendu. Je ne savais d’Omar que ce que j’avais pu en lire de loin. Ce que j’ai pu retrouver dans divers fonds d’archives tant journalistiques et plus tard diplomatiques m’a permis d’étayer ce que la famille et des proches m’ont raconté. Peu de visions concordent car souvent les gens l’ont fréquenté à diverses époques ou dans des cadres différents.

Vous avez intitulé le film « Juste un Mouvement ». Que voulez-vous dire par là ?

Dans le film “La Chinoise” de Jean-Luc Godard, Omar interrogeait ses camarades sur ce que sont  les “idées justes”.  Plus tard, Godard a souvent parlé non pas “d’image juste” mais de “juste une image”, une façon de pointer combien toute image est contextuelle et demande son actualisation. Mon titre réfère donc à ce double agenda qui renvoie tant à la question de la justice, celle qui reste à rendre à la famille d’Omar, qu’à celle de la justesse, celle que le film tente de formaliser.

Vous avez inséré dans votre film des passages du film de Jean Luc Godard « La Chinoise » dans lesquels Omar apparaît. Pourquoi ?

Le film est à la fois un portrait d’Omar en son absence et un essai cinématographique qui interroge le cinéma comme exercice et comme forme, donc comme pragmatique et comme poétique. Omar reste très vivant grâce au cinéma de Godard mais celui-ci l’enfermait dans une forme de fiction réductrice. Omar est un personnage qui jouait son propre rôle, il s’agit donc en partie de  lui rendre sa dimension documentaire tout en s’interrogeant sur les capacités de cette fiction à anticiper le réel. 

Vous avez tourné plusieurs scènes du film à l’Institut Confucius de Dakar, dont une scène d’une Sénégalaise parlant de la « Chinoise » de Godard en chinois, une autre sur l’inauguration du Musée des Civilisations Noires de Dakar par un officiel chinois, d’autres sur une leçon d’art martial chinois avec notamment un actrice chinoise. Pourquoi toutes ces références à la Chine ?

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Omar a fréquenté les maos à Paris et la Gauche prolétarienne. J’en profite pour me poser la question des relations sino-africaines à Dakar. Le monde a totalement changé. Quels sont les rapports de force et les priorités, la portée des transferts culturels et la teneur des formes véhiculées ?  

Vous inscrivez vous en tant que cinéaste dans le sillage de Jean-Luc Godard ?

Qu’on l’accepte ou non, Godard a marqué tous ceux qui se piquent d’utiliser les “images en mouvements”, du cinéma traditionnel en passant par le cinéma dit d’auteur ou le cinéma expérimental. Je n’ai donc aucune prétention à vouloir m’extraire de cette influence, pas plus que j’aurais l’outrecuidance de m’en réclamer. Godard est l’un des artistes majeurs du vingtième siècle. Il exige beaucoup de son spectateur qui reste toujours libre car avant tout son  travail n’a d’autre prétention que de se constituer en méthode poétique pour rester libre de ses mouvements dans ce monde fliqué et si possible d’aider ses spectateurs à s’armer pour résister, penser, sentir, aimer et…se mettre eux-mêmes activement en mouvement. 

Est-ce que le grand public au Sénégal et en Afrique pourra voir votre film ? Quand ?

Une première version d’environ 60 minutes sera finalisée en novembre à destination d’Arte, la chaîne de TV franco-allemande. Ensuite, j’espère terminer la version finale du film (bien plus longue) fin janvier et puis le présenter en première dans un festival de référence. Après quoi le film vivra sa vie en festivals, en diffusion au Sénégal et dans des expositions muséales. Il y a entre autres une discussion en cours pour une possible exposition à Dakar en 2021. 

Retrouvez chaque semaine sur SenePlus, le billet de notre éditorialiste, Alymana Bathily

abathily@seneplus.com







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