Le Sénégal est un pays avec une majorité de musulmans et une minorité catholique. De fait il est pluriel. Les musulmans comme les chrétiens devraient être en mesure de se mobiliser sur les vrais enjeux du présent dont les plus importants sont l’égalité citoyenne devant les services publics, la recherche d’une justice sociale, la mise en œuvre d’une politique de l’emploi volontariste une gestion transparente des ressources nationales et la lutte contre le clientélisme, etc.
Tout le monde constate et se désole d’une désaffection politique et sociale des citoyens, ce qui ne peut entraîner qu’un dessèchement démocratique et un recul des valeurs éthiques. Le corps social est de plus en plus un terrain de rivalités sectaires, de revendications de supériorité, d’intolérance à l’égard d’autres Sénégalais, de construction de frontières invisibles, de replis entre soi. Le sentiment d’appartenance nationale est de moins en moins intériorisé. Le risque que les Sénégalais se retrouvent à couteaux tirés devient une hypothèse sérieuse, voire une menace pour la cohésion sociale.
Faut-il rappeler que ce que nous avons à partager en commun et les raisons empiriques et normatifs qui nous font vivre ensemble sont supérieures aux pires ambitions personnelles ou communautaires, aux stratégies d’influences, aux volontés de domination, aux discours tendancieux. La préservation de la paix, de l’enracinement et de l’ouverture, la volonté de tisser ensemble une communauté nationale est de moins en moins un défi collectif. J’ai vu, entendu et lu sur la rédaction de l’histoire générale du Sénégal, qui à mon sens à eu le tort principal d’avoir été rédigé à la va vite, des débats enflammés, une cristallisation des dissensions confrériques sur l’héritage du passé. Un passé plus souvent mystifié que véridique. Le même constat peut être fait sur le champ intellectuel.
Est -il besoin de rappeler que nul n’est infaillible fusse Cheikh Anta Diop ! Sa personne m’intéresse moins que les discussions que son œuvre provoque sur ce qui lui manque et ce qui reste à faire. Sur un autre registre l’islam dit “salafi” est opposé à l’islam dit “soufi” et cela au détriment de l’esprit de l’islam. Cette opposition qui n’est pas irréductible, n’est pas à l’abris de toute instrumentalisation sous forme d’exclusion, dans un sens comme dans l’autre, pour mobiliser des ressources, négocier un soutien électoral ou une récupération politique. Cette situation serait- elle possible si les partis politiques avaient des idées, des programmes et des projets de réformes crédibles d’alternative ?
Je ne le crois pas. Les conflictualités dans une société ne sont vertueuses que si celle-ci offre un cadre dialogique et un climat de sérénité. Malheureusement, le manque d’éducation à une profonde compréhension religieuse, l’esprit critique, à l’effort intellectuel a comme corollaire l’imitation sans discernement, le dogmatisme et l’extrémisme.
Pourtant tout citoyen à partir de son ancrage à des valeurs, est en droit de s’engager dans la vie publique, prendre des positions, dénoncer des excès et des déviations, exprimer ses convictions dans le respect d’un corpus de valeurs au sens d’une éthique appliquée aux affaires publiques ou au bien commun, tel l’islam ou le christianisme.
Quant à l’Etat, son devoir majeur de nourrir en chacun de nous un désir d’avenir partagé. Un des moyens efficaces pour le faire est par exemple, de rendre accessibles toutes les données sur lesquelles se fonde la conduite des affaires publiques pour un meilleur contrôle et une gestion plus efficiente des ressources nationales, de réaliser une amélioration collective du niveau de vie, de briser la croyance que la politique est la seule voie de réussite soit par cooptation ou transhumance, de revitaliser notre contrat social au bord de la fatigue, d’avoir un souci permanent de liberté, de justice et d’équité sociale, de sortir de la forme exclusivement représentative de la démocratie, de redonner confiance et reconnaissance aux citoyens. Ce pays est ce que nous avons en commun. Nous dépendons tous les uns des autres.
La fraternité humaine est notre condition. Chaque Sénégalais dans le cadre d’une discipline sociale doit avoir le souci d’améliorer la société. Dans un monde de plus en plus complexe, marqué par un combat des idées et des valeurs, l’Islam nous donne le libre choix de nos représentants politiques, nous invite à être sélectif dans l’ouverture, à ne pas perdre de vue ses finalités propres en matière de coopération humaine .L’Islam a conféré à l’humain une profondeur morale, spirituelle et intellectuelle pour penser et agir quelque soit son espace et son temps au service de l’humanité.
LY Oumar Amadou