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Ousmane Sonko, Les Limites D’une Stratégie

Clivant. C’est le sort que s’est volontairement (?) choisi le leader du parti Pastef. Avec lui, c’est pour ou contre. Un perpétuel référendum sur ses prises de position, ses coups de gueule, ses dénonciations et ses dérobades. Et toujours, ses partisans qui ne souffrent la moindre contradiction sur les attendus de leur mentor, ferraillant avec fougue contre tous ces citoyens qui ne le perçoivent pas de la même manière. Et les mots volent, souvent, très bas. Avec Ousmane Sonko, le débat est souvent très physique. Dans le contexte actuel de publication du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire du titre foncier 1451/R, aussi appelée «affaire des 94 milliards» et le dépôt de la plainte de Mamour Diallo, les nerfs sont à vif de part et d’autre.

Il faut dire que l’ancien inspecteur des domaines devenu lanceur d’alertes puis homme politique, ne laisse personne indifférent. Son discours contre le système et son insistance sur la «fracture» entre le peuple et les élites dirigeantes ont été, pour lui, un positionnement politique intelligent, même s’il a ensuite été ensablé par ses œillades à Wade devenu subitement fréquentable après ses envies de «fusiller» les anciens présidents. Sa stratégie politique qui l’oblige à toujours danser au bord du précipice lui vaut un succès médiatique indéniable. Il a fait sienne la formule de Jean-Marie Le Pen : «En politique, la transgression est une méthode de progression».

Quel sera le prix de ces franchissements éthiques ? La majorité qui le renifle depuis si longtemps pour le pousser à la faute depuis qu’il a ouvert la porte du soupçon sur les contrats pétroliers tient, peut-être, la bonne occasion avec l’affaire des 94 milliards. Sonko n’a jamais paru aussi fragile que sur ce dossier. Arrivera-t-il à apporter les preuves de ses accusations devant la Justice ? L’avenir nous édifiera. Mais, pour la première fois, le leader de Pastef semble sentir le sol se dérober sous ses pieds, au point de lancer un appel à la résistance à Ziguinchor. : «Je ne suis pas régionaliste mais je suis fier d’être casamançais! Je lance un appel à dire non !». Désir de transgression et goût de la surenchère, un cocktail explosif pour un homme politique qui ambitionne de s’installer à la Présidence de la République.

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Il reste que pour parvenir à cette fin, Ousmane Sonko devra beaucoup soigner sa communication. Ses glissades sur la sortie du franc Cfa, et la renégociation des contrats pétroliers, sa posture de boutefeu prêt à exploser ses contradicteurs à l’Assemblée nationale et le lynchage organisé de ses concurrents sur les réseaux sociaux ne sont pas de nature à rassurer une opinion attachée à la paix sociale. L’écrivaine française Yasmina Reza n’a pas tort d’écrire que «les mots sont partie prenante du réel. Prononcés ou écrits, ils empruntent des chemins imprévus qui peuvent être destructeurs. Il faudrait les arrêter à temps.» Oui, destructeurs pour ceux à qui ils sont destinés, mais destructeurs aussi pour celui qui les produit. Car ce qui risque d’arriver à Sonko, c’est de devoir livrer une opposition au long cours, comme un certain Abdoulaye Wade à qui il rappellerait sa jeunesse. En a-t-il le souffle ?

Pendant très longtemps, Me Wade n’a pu convaincre une bonne partie de l’opinion sénégalaise qu’il avait une vraie stature d’homme d’Etat. Nombre de nos compatriotes, les plus âgés en particulier, l’ont toujours pris pour un incendiaire et n’ont jamais pris le risque de voter pour lui. Comme Sonko aujourd’hui, Wade avait le soutien d’une partie de la jeunesse, mais la classe populaire, faiseuse de roi, a toujours misé sur une forme de stabilité qu’incarnait Abdou Diouf, homme au verbe rare et de retenue. Plus tard, Macky Sall a fait tomber le même Wade grâce aux promesses d’apaisement qu’il a charrié tout au long de sa quête du pouvoir. Les Sénégalais ont toujours préféré la ligne claire de la paix sociale au trait obscur de l’embrasement.

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Un mot, enfin, sur le procès qui s’annonce entre les deux principaux protagonistes de l’affaire des 94 milliards. Ma certitude est qu’il n’en sortira rien de bon pour le pouvoir si ce n’est un goût amer impossible à vidanger. C’est le lot des polémiques où le jugement précède un procès.

Mettre Sonko en prison, c’est lui ouvrir un boulevard vers le pouvoir. Ce n’est pas parce qu’on tient entre ses mains une mousquetade et une étoupille qu’on fait forcément feu sur son adversaire. Le plaisir de tirer ne doit pas l’emporter sur l’utilité de viser juste.







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