Les élections de renouvellement du conseil de l’Ordre national des médecins prévues le 26 octobre prochain viennent d’être reportées. C’est le second report après celui du 15 juin dernier. Ces renvois successifs ne constitueraient-ils pas une preuve de l’amateurisme de l’équipe dirigeante actuelle de l’Ordre des médecins ? En réalité, le mal est beaucoup plus profond.
Pour rappel, la Cour d’appel, en sa séance du 2 juillet 2015, avait rendu l’arrêt n°1 annulant les élections de renouvellement partiel du conseil de l’Ordre national des médecins du Sénégal, qui s’étaient tenues le 20 décembre 2014. Suite à cela, le ministère de la Santé en avait tiré des conséquences de droit, à savoir la dissolution du conseil litigieux et à titre de mesure transitoire, la prorogation du mandat de l’ancien conseil, pour évacuer les affaires courantes.
Prétextant d’une erreur matérielle, certes réelle, portant sur la date, les membres du conseil ont alors réfuté l’annulation des élections du 20 décembre 2014 et refusé d’appliquer une décision de justice dûment rendue. Ce faisant, ils ont travaillé dans la plus totale illégalité depuis bientôt quatre ans, sans même tenir compte de la périodicité de renouvellement du conseil de l’Ordre, qui est de deux ans. Or, l’erreur matérielle susmentionnée n’altère en rien l’acte dans la mesure où aucune décision d’une juridiction supérieure n’est venue officiellement contredire la décision de la Cour d’appel, dans les délais légaux. On pouvait dès lors le considérer comme revêtu de l’autorité de la chose jugée.
Cela veut dire, que consciemment ou non, le conseil de l’Ordre national des médecins du Sénégal semble avoir choisi de se mettre en marge de la loi, ce qui serait extrêmement grave. N’oublions pas, en effet, que l’Ordre, en tant que personne morale de droit public dotée de la personnalité civile et de l’autorité financière (article 14), est censé assurer la régulation déontologique de la profession médicale dans notre pays. La question qui vient à l’esprit concerne la validité juridique des actes posés par un conseil non reconnu par la loi.
Par ailleurs, le conseil actuel veut, dans le processus de mise en place et de renouvellement des organes de l’Ordre, se substituer au ministère de la Santé et à la commission prévue par le décret d’application de la loi portant exercice de la médecine et à l’Ordre des médecins. Cela va à l’encontre des dispositions du décret n° 68-701 du 18 juin 1968.
C’est précisément pour cette raison que les élections prévues le 26 octobre prochain ont été reportées, à cause de la signature, le 15 octobre 2019, du décret n°2019-1727, portant nomination de la commission chargée de l’organisation du renouvellement des organes de l’Ordre des médecins.
C’est le lieu de préciser, que le prochain renouvellement devra être intégral, parce que, d’une part, que les instances issues des élections annulées du 20 décembre 2014, n’ont jamais eu d’existence légale et aussi, du fait que le dernier renouvellement date de presque cinq ans. Il faut y ajouter le mandat caduc de celui qui fait office de conseiller juridique, président des formations disciplinaires dans la mesure où le ministère de la Justice a nommé, depuis bientôt deux ans, son remplaçant qui attend la mise en place d’organes légitimes pour prendre fonction.
Enfin, le ”non-mandat”, qui tire à sa fin, a été aussi marqué par l’étroitesse des liens entre l’Ordre national des médecins du Sénégal et l’organisation syndicale regroupant la plupart des médecins sénégalais. Malgré tout le respect dû à ces confrères syndicalistes et sans pouvoir pointer du doigt, une quelconque immixtion du syndicat dans les affaires internes de l’Ordre, nous les exhortons à clarifier une situation, qui peut parfois prêter à confusion. Un syndicat est un organisme de droit privé, qui a pour objet la défense d’intérêts communs, alors que l’Ordre est un organisme public institué par une loi, investi d’une mission de service public.
En termes de perspectives, nous appelons tous les confrères à se mobiliser pour se réapproprier leur Ordre, qui peut, certes se targuer de moyens financiers importants, source de convoitise de toutes sortes, mais pèche tout de même énormément, sur le plan de la transparence et de la redevabilité, en somme de la bonne gouvernance.
Au-delà des détournements, qui ont eu lieu dans le passé, il est surtout question de se conformer aux dispositions légales et aux textes régissant l’Ordre, lesquels sont susceptibles d’être améliorés en étroite collaboration avec l’autorité de tutelle.
Dr Mohamed Lamine LY
Médecin, membre de l’Ordre