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L’afrique A Besoin De « présidents Normaux »

L’affaire du troisième mandat, qui peuple la corbeille du débat politique guinéen, avait été prédite par certains analystes politiques. Cheikh Yérim Seck, à qui on peut reprocher tout sauf d’être un bon analyste politique dont le regard sur la Guinée attire beaucoup d’attention, avait fait un excellent édito sur la situation en guinée. Yérim postule, dans un style qu’on lui connait, que « Alpha Condé va brûler la Guinée, impacter le Sénégal et déstabiliser l’Afrique de l’Ouest ».  Comme en échos, le Directeur de rédaction de Jeune Afrique, le très brillant François Soudan, avait également promené un regard critique sur les tares du pouvoir de  Condé. 

Alpha Condé, porté au pinacle pour son parcours, ses combats, ses exploits, son leadership, est aujourd’hui cloué au pilori par toutes les personnes éprises de justice, de paix et de stabilité. Il a surpris son monde et continue d’étonner tous ceux qui avaient une estime pour lui, pour avoir osé rentrer au pays et apporter sa pierre à l’édifice. Le président Condé est de ces hommes politiques africains qui ont connu les affres de l’opposition à l’image de Maître Aboulaye Wade, Etienne Tsikedi, Robert Mugabe, Laurent Gbagbo… Ces derniers ont porté des combats nobles dans l’opposition avec des sacrifices énormes. Ils ont consacré une partie de leur vie à la cause des populations.

Il faut dire que le président Alpha Condé a été victime du pouvoir de Sékou Touré. Il a été condamné à mort par contumace et contraint en exil. Il débarque en 1991 en Guinée et il fut emprisonné par Lansana Conté. En 2000, Condé est encore condamné à 5 ans de prison pour « atteintes à l’autorité de l’État et à l’intégrité du territoire national ». Libéré de prison par une grâce présidentielle, le chef du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) poursuivra son chemin de soldat. Après presque 40 ans d’opposition contre l’injustice, la  » dictature « , la mal gouvernance, la corruption…, Alpha Condé sera élu président de la République de Guinée avec 52,52 % en 2010.

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Docteur d’État en droit public de la Faculté de droit de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, le président Condé a débuté sa carrière professionnelle dans les amphithéâtres. Il a dispensé des cours à la faculté de droit et sciences économiques de Paris I Panthéon Sorbonne. Cet homme chauve qui a professé le droit, connait certainement cette phrase de Robert Badinter : « le juge constitutionnel doit exercer un devoir d’ingratitude en vers celui qui l’a nommé ». C’est-à-dire, lorsque la vérité est en jeu, lorsque l’avenir de la démocratie est en jeu, il doit se départir de ce qu’il doit à l’autorité publique pour dire le droit.

Alexis de Tocqueville a raison : « tous les pays du monde, toutes les sociétés du monde s’acheminent de façon inexorable vers la démocratie ». C’est fondamental ! Parce que la démocratie, c’est la liberté et la légalité. Aucun homme sur terre ne peut se déclarer comme une autorité absolue. L’Afrique a connu des présidents qui ont intégré cette maxime et avaient, au besoin, abandonné volontairement leur charge. Soit qu’ils aient démissionné, soit qu’ils aient renoncé à se présenter ou à se représenter devant les électeurs.

En effet, Léopold Sédar-Senghor a été, en 1980, le premier à quitter de lui-même la magistrature suprême. Le Camerounais Ahmadou Ahidjo lui emboîtera le pas en 1982. Suivront Julius Nyerere (Tanzanie) en 1985 ; Amadou Toumani Touré (Mali) en 1992 ; Liamine Zéroual (Algérie) et Hassan Gouled Aptidon (Djibouti) en 1999 ; France-Albert René (Seychelles), en 2004 ; Joachim Chissano (Mozambique), en 2005. Sans oublier le Sud-Africain Nelson Mandela, qui, en 1999, a choisi de ne pas briguer un second mandat. 

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L’Afrique d’aujourd’hui a la malchance d’avoir des hommes politiques au parcours héroïque qui, in extremis, deviennent des « dictateurs ». Rarement parcours aura été aussi exemplaire que celui de Robert Mugabe, de Laurent Gbagbo, de Mouammar Kadhafi et autres, mais ils ont tous fini par la petite porte. Le pouvoir du peuple est plus fort. Un bon chef d’État doit parfois avoir le tact et l’intelligence de décoder le message de son peuple.

Le problème de certains de nos présidents africains c’est la finalité… Ils sont souvent brillamment élus et tristement chassés du pouvoir. Le rapport qu’ils ont avec le pouvoir, qui est de s’enrichir, fait qu’ils refusent d’accepter la volonté du peuple. C’est la grande équation à résoudre en Afrique : après avoir été élu avec acclamation, comment quitter avec respect, séduction et considération ? Je disais à un ami qui aime bien Paul Kagamé que la finalité de son pouvoir m’inquiète. Va-t-il faire encore comme les autres après plus de 20 ans au pouvoir ?

Pendant ce temps, le débat sur le troisième mandat sonne la cloche au Sénégal ? Macky va-t-il s’imposer comme il sait bien le faire… ?  Va-t-il renoncer à sa parole comme il l’a fait plusieurs fois ? Mais, je le crois, Macky est…normal.

Alpha Condé doit prendre de la hauteur, de la distance et cesser de vouloir être, avec la meilleure volonté du monde, le président de tout et partout. À Conakry comme ailleurs, l’Afrique a fort besoin de présidents normaux.

El Hadji Omar Massaly est chroniqueur, essayiste 

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