Il a cru devoir installer la police de la pensée pour faire face au débat sur un éventuel troisième mandat. Sa solution radicale est d’amener à la guillotine toute personne qui passera outre la consigne du chef. Il n’accordera aucune marge d’erreur, pas même à ceux ou celles dont la langue a simplement fourché !
Ce sujet est grave pour le Prince qui croyait que son second mandat, décroché avec plus de 58% des voix, à la suite d’un processus chahuté, allait être un long fleuve tranquille. Il met surtout mal à l’aise un président pris en flagrant délit de rupture de contrat de confiance avec son peuple au sujet de la durée de son premier mandat (il avait promis de faire cinq ans et finalement …).
Mais qu’est-ce qui fait autant peur à Macky Sall ? Si la présidentielle de 2024 n’est plus un enjeu pour lui, qu’est-ce qui expliquerait cette colère noire du président sortant, chaque fois qu’un membre de son camp évoque la question ? Et si la discipline de parti qui veut mettre tous les membres de la majorité présidentielle au pas, n’était qu’un prétexte pour cacher l’essentiel ?
L’approche psychologique ou psychanalytique de cette question nous aidera, peut-être, à démêler les secrets du divan. En entrant par effraction dans la tête du premier des Sénégalais. Nous ne résistons pas à l’idée de penser que le président est en train de vivre la fin de son pouvoir comme un trauma. Même le choix d’un dauphin n’apaisera pas sa «mélancolie». Il est, comme qui dirait, dans le temps de la «solitude des mourants» pour parler comme Norbert Elias.
La perte du pouvoir dont il avait refoulé l’idée, est désormais de l’ordre de la réalité, à mesure que les heures, les jours, les années passent. Imparable et incontournable, la fin s’imposera à un pouvoir que le Prince croyait éternel. Rien qu’à penser à cette idée, ça fait peur ! Pas qu’il ignore que le pouvoir des hommes est éphémère, mais les oripeaux et les accessoires de celui-ci l’ont conduit à mettre entre parenthèse la réalité tangible d’une fin irréversible, pour se laisser bercer par la conviction fausse d’être éternel. C’est la réponse concoctée pour faire un croc-en-jambe à l’impensable, à l’insupportable fin de cycle. Le temps de la séparation arrive à grands pas, l’inéluctable finitude sera le tombeau du corps présidentiel qui a entamé le processus de dégénérescence. Son rapport au temps change, puisqu’il n’est plus autorisé de parler au futur.
Tout s’organise désormais autour du passé et du présent. Il aurait souhaité que le temps suspende son envol pour vivre éternellement ses instants de déplacements présidentiels : escorte, gyrophare, bodyguards aux lunettes noires, garde présidentielle, griots tailleurs d’arbres généalogiques, militants de conviction et militants de circonstance, etc. Olympe ! «La couronne est un objet singulier, son pluriel n’a pas de sens», affirment Jacques Séguéla et Thierry Saussez dans leur ouvrage : La prise de l’Elysée.
Le président semble habité par l’angoisse de devoir perdre cette «couronne» un jour et devenir Monsieur-tout-le-monde. Rien qu’à y penser…. ça donne le vertige !
Ces défénestrations tous azimuts ont tout l’air de traduire l’agacement contre l’irréversible, la perte de contrôle de soi, mais aussi la fragilité d’un homme qui prend conscience qu’il n’est qu’un colosse aux pieds d’argile.
Cet emportement pourrait aussi mettre à nu l’impuissance d’un chef qui n’a visiblement pas les moyens de ses ambitions pour un Sénégal émergent. Les promesses électorales dorment encore dans les tiroirs, attendant beaucoup de milliards pour être traduites en actes.