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Secrets D’alcÔve

Rien ne lasse un peuple patient. De nos jours, les bavardages de coulisses inondent la société pudibonde. Même les secrets les plus enfouis s’étalent sur la place publique qui s’en délecte avec avidité. Le danger rôde partout. Dans un monde ouvert comme un livre, le rôle et la place du secret se modifient.

La parole libre, avatar des lieux de rencontres virtuelles supplante la liberté de parole qui fut sans doute l’une des plus belles conquêtes de la vie humaine. Au fil du temps, hélas, elle est devenue un épouvantail. Ceux qui l’agitent sont à la fois redoutés et craints, admirés et honnis. En un mot détestés, donc malaimés dans une société qui sait de moins en moins ce qu’elle veut. Elle sait ce qu’elle ne veut pas, en principe.

Mais parce qu’elle ne le dit pas avec force sa parole se couche. Or l’attrait de la vie en société reposait sur une adhésion à des règles et à des causes préalablement discutées entre esprits clairvoyants. Ceux-ci deviennent peu visibles. Ils existent et vivent en repli. La vertu se voile dans sa pudeur. Le vice s’affiche dans une repoussante ostentation. Ce qui laisse libre cours à l’exhibitionnisme des médiocres.

Un tel renversement de perspectives, autant dire une perversion des valeurs, secrète un mode de vie hybride, sibyllin, une mystérieuse manière d’être qui inquiète et horrifie. Des personnages retors peuplent la scène et manient avec une dextérité tortueuse des intrigues de couloirs. Dépourvus de pudeur, ces finauds d’une insoutenable légèreté, hantent le sommeil des justes souvent pris pour des « cibles » à abattre dans le simple but de les réduire au silence ou de les voir se confiner dans des espaces de réclusion.

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Ainsi, cette privation volontaire de mouvement affecte beaucoup d’honnêtes citoyens perdus aujourd’hui dans une société méconnaissable, gagnée de surcroît par la froideur, l’indifférence et la cupidité. Cette dernière tare éclipse, à elle seule, la grandeur de la société sénégalaise, en attendant de l’éliminer pour de bon. Elle perd petit à petit ses propres moyens de défense. Elle se défigure. Pas que : elle mute pernicieusement à travers des irrégularités d’humeur qui brouillent son essence, sa singularité, son identité propre. Bref sa spécificité.

Qui s’en émeut aujourd’hui ? Peu de monde, à dire vrai tant les préoccupations du moment, autrement dit les moyens de vivre, prennent le dessus sur les raisons de vivre. Le quotidien s’appauvrit chaque jour un peu plus quand s’amplifie la précarité sociale alors que la solidarité ne fonctionne plus. En s’accentuant, ces phénomènes affaiblissent le tissu social. Pour peu, l’on y verrait une entreprise de démolition initiée par des « mains invisibles ».

La permanence de la polémique ôte tout crédit au discours et transforme les « parloirs » (studios, salons et amphithéâtres) en des foires d’empoigne qui n’ont rien à envier aux rings et aux arènes. Les failles, les faillites, les forfaits et les mécomptes trouvent toujours des défenseurs souvent même plus brillants que les « gardiens de l’orthodoxie ».

Une sage-femme épinglée pour faute lourde dans un hôpital régional bénéficie d’un large soutien de ses pairs. Lesquelles, attachées à leur « dignité de rang », invoquent l’environnement de travail pour disculper leur collègue fautive. L’incompétence de la sage-femme a coûté la vie à deux êtres humains : la maman et son enfant en gestation. A ce scandale s’ajoute, dans une autre entité sanitaire, l’irresponsabilité d’une infirmière cette fois, qui expédie au purgatoire, à savoir la morgue, « une innocente vie » au motif d’une mort constatée.

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L’erreur de diagnostic a été fatale puisque, ramenée parce que « vivante », l’enfant a fini par rendre l’âme dans une indescriptible pagaille hospitalière. La directrice de l’unité de santé, sans doute inspirée, joue l’apaisement en relevant la vigilance citoyenne, désormais établie et active, pour mieux plaider la performance des plateaux médicaux. Pour un cas su et vilipendé, combien d’autres passent à la trappe et disparaissent sans laisser de traces ?

L’émotion n’est plus de saison. Le mal de nos hôpitaux réside dans cette affligeante omerta où les uns et les autres se couvrent de leurs turpitudes le long des couloirs de la mort. Une réorganisation de la santé publique s’impose chez nous. Il est loin le temps où la médecine au Sénégal était portée aux nues. Ce prestige bat de l’aile maintenant. D’autant que la multiplication des unités de soins a entraîné une désertion des hôpitaux publics au profit des cliniques privées où affluent patients fortunés, médecins et professeurs.

Or l’hôpital était le point d’ancrage, la référence sanitaire, le sanctuaire de la notoriété et le lieu privilégié de l‘éclosion des talents universitaires. Les CHU étaient ce creuset de savoir. Dakar a eu de ce fait son « printemps de la santé », son heure de gloire avec des hôpitaux qui respiraient la… santé. Les réputations d’alors n’étaient pas surfaites parce que les échelons de responsabilités et les protocoles sanitaires obéissaient à des règles intangibles auxquelles rien ni personne ne portaient atteinte. Inimaginable en ces temps vertueux.

La nation se construisait avec pour toile de fond la reconnaissance du mérite comme seul et valable critère d’attribution de faveurs et d’ascension sociale. La dégradation ou la descente aux enfers viennent de la surenchère entretenue comme un fond de commerce par de viles forces de jouissance immédiate. L’inégalité de l’accès à l’information crée une situation de rente qui profite à une vilaine « caste d’initiés » voraces devant le gain qu’ils se disputent presque « à couteaux tirés ». Tout s’obtient avec véhémence.

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A l’intérieur des hôpitaux, la confraternité affichée cache une haine héréditaire entre barons des plus hautes hiérarchies médicales où prévalent des pratiques d’un autre âge. Faudra-t-il s’attendre à une évolution des mœurs dans la santé ? Une certitude demeure cependant : tout finira par se savoir même à l’intérieur des bureaux capitonnés.

La dynamique démocratique et les ressorts de puissance d’une presse professionnelle (parce que responsable) participent du renouveau de la vie publique nécessaire à la restauration de la confiance entre malade et traitant. L’ampleur du discrédit justifie ce retour aux fondamentaux.







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