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Jean-yves Le Drian, Foccart RÉincarnÉ

Jean-yves Le Drian, Foccart RÉincarnÉ

Question du journal Le Point adressée à Jean Yves Le Drian le 12 juin 2019: «Cela fait sept ans que vous sillonnez la planète, d’abord à la Défense, puis au Quai d’Orsay. Quel est votre diagnostic sur la marche du monde?» Parce qu’il est le chef de la diplomatie pour le compte de son pays, il doit savoir structurer sa réponse. Celle que fournit le Breton impressionne par sa façon subtile de prendre à bras-le-corps les sujets qui minent l’humanité: «Nous vivons aujourd’hui dans un monde qui devient sans foi ni loi». Derrière le propos tournoie un lustre d’impartialité qui, paradoxalement, flotte dans le registre diplomatique. Soit par provocation, soit par conviction. En tout cas, Jean Yves Le Drian s’y plaît. Lui qui éblouit par la splendeur des mots sans aller droit à la vérité de la chose.

«Partenaire»

D’emblée, on peut reconnaitre un homme bien au faîte de son époque. On découvre un homme qui a des choses à dire et qui sait les dire. Bien-pensant à défaut d’être un donneur de leçons. Et cela permet au patron du Quai d’Orsay d’exister politiquement tout en étant un client médiatique suffisamment puissant. Emmanuel Macron l’a compris. En le cooptant pour diriger la diplomatie française, le maître actuel de l’Élysée a misé sur un baron madré, à la fois dans la paperasserie et dans l’opérationnel. Grâce à une conscience politique vertébrée par sa connaissance des dossiers, c’est lui qui parle en Afrique au nom de la France. Depuis son magistère à la Défense (qualifié par Serge Dassault de «meilleur ministre de la Défense qu’on n’ait jamais eu» et de ministre le plus populaire du gouvernement avec une cote de confiance de 46% selon le dernier sondage Harris publié le 3 septembre 2019 par le journal Les Échos) jusqu’au couloir des Affaires étrangères, Jean Yves Le Drian a épaissi son carnet d’adresses dans les capitales africaines. Il est l’interlocuteur privilégié des chefs d’État. Ils en tutoient plusieurs. Ici comme là-bas, il tape durement sur les uns, un peu moins sur les autres, pas du tout sur certains. Certains chroniqueurs parlent couramment, soit du réseau Le Drian au singulier, soit des réseaux Le Drian au pluriel.

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«Lorsqu’on parle du réseau Le Drian au singulier, il s’agit du réseau des réseaux, c’est-à-dire l’ensemble des réseaux de Le Drian au sens large et polysémique du terme, ce qui inclut à un pôle, les réseaux purement relationnels et licites. De l’autre côté, lorsqu’on évoque les réseaux Le Drian au pluriel, on fait plutôt allusion aux réseaux occultes sinon illégaux» renseigne le politologue camerounais Belinga Zambo. Dit autrement, «il doit se conformer à l’esprit des lois tout en utilisant parfois des moyens que la morale réprouve», commente (amusé) un ancien conseiller diplomatique camerounais. Le retraité s’oblige d’ailleurs un constat: «Quand on est l’homme qui gère la politique africaine de la France, le pire côtoie très minimalement le meilleur». Plus poliment, il est à cheval sur le formel et l’informel.

«Avocat»

Considéré comme un fin stratège politique sachant s’adapter aux manoeuvres tortueuses qui se jouent dans les couloirs des palais nationaux, il multiplie les voyages éclair sur le terrain et garde bien secret le livre des sauvageries et des injustices. Exemples: récemment, il était au Cameroun. Il n’y était pas pour demander que les défauts de la politique française envers Yaoundé soient corrigés ni que ses excès soient maîtrisés, encore moins que les mauvaises conséquences soient réparées. Tout au plus, il s’est appliqué à donner une résonnance maximale à la volonté française. «La France va tenir sa place en Afrique, face à la concurrence chinoise et russe. En Afrique nous devons tenir notre place…parfois on a tendance à oublier que la France a des qualités industrielles et entrepreneuriales dans ce domaine», a-t-il affirmé sans ambages.

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Une certaine chronique révèle par ailleurs qu’à Yaoundé, Le Drian a plaidé la cause des entreprises françaises, confrontées à de nombreuses «difficultés administratives et fiscales». À la même occasion, il a obtenu la relance du processus de désignation d’un concessionnaire au port de Douala. «Il est évident qu’au-delà de la revue des troupes des politiciens aujoulatistes, le ministre français Le Drian est venu à cette occasion sauver le soldat Bolloré éjecté de la sélection depuis un an», a constaté le Manidem (Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie). À Kinshasa et à Ndjamena en mai 2019, il a enfourché la trompette du «soutien de la France». Dans les coulisses, le mot «soutien» a pris une autre connotation; très voisine de «tutorat» de Paris sur la République démocratique du Congo et le Tchad. Ailleurs, la chronique retient qu’il a été directement impliqué dans les opérations déclenchées par François Hollande au Mali et en Centrafrique. Il a également été au coeur des négociations commerciales qui ont débouché sur plusieurs gros contrats d’armement dans plusieurs pays du continent.

«Barbouzes»

Et là, on touche le principal: le lien entre Jacques Foccart et Jean Yves Le Drian. «L’un comme l’autre, il s’agit de deux barbouzes en chef de la politique africaine de la France», décrit Belinga Zambo. Petite nuance cependant: né en 1913 et décédé le 19 mars 1997, le premier a oeuvré à la construction du pré carré, c’est-à-dire de la zone d’influence française en Afrique, établie sur les cendres de l’empire colonial; dans sa démarche, le second est chargé de gérer ce «patrimoine ». Au-delà, les traits communs entre les deux hommes sont évidents. Intermédiaires indispensables entre Paris et ses anciennes colonies africaines, on leur impute (à tort ou à raison) plusieurs manoeuvres souterraines. Face à la presse, ils restent évasifs et éludent avec fermeté les questions.

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Clairement, ils n’ont jamais dit que la Françafrique est une nébuleuse d’acteurs économiques, politiques et militaires, en France et en Afrique, organisée en réseaux et lobbies, et polarisée sur l’accaparement de deux rentes: les matières premières et l’aide publique au développement. Au mieux, ils ont toujours parlé d’une relation «d’amitié» et de coopération avec des chefs d’État qu’ils considèrent comme les «amis de la France», afin d’ouvrir «le progrès» au continent africain. En son temps, Foccart l’avait dit.Dans les colonnes du Figaro du 21 janvier 2018, Jean Yves Le Drian déclarait: «La France mène une diplomatie sans trompe-l’oeil. J’ambitionne une politique étrangère qui, plutôt que de s’en tenir aux commentaires, ne soit pas hors sol et agisse concrètement. C’est «l’idée même de la diplomatie». Commentant ce dernier propos, Médiapart parle d’un «guerrier sans merci».







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