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La StratÉgie Du Langage À Double Fond

La StratÉgie Du Langage À Double Fond

Le président Macky Sall a bien tiré les leçons de son premier mandat. Emporté par l’excitation de la campagne d’entre les deux tours en 2012, et sous l’euphorie des premiers mois de son accession à la magistrature suprême, il s’était laissé aller à plusieurs déclarations, hasardeuses et contradictoires, au sujet du mandat présidentiel. On lui a suffisamment rappelé lesquelles, avec les archives sonores et visuelles désormais à la portée de tout le monde. On ne l’y reprendra plus. Ni lui ni quelqu’un des siens ! Les mesures récentes prises à l’encontre de quelques téméraires qui ont abordé le sujet brûlant du troisième mandat sont édifiantes à cet égard.

En réalité, la question qui fâche est sans objet pour peu qu’elle soit mieux posée. La Constitution du Sénégal, en son article 27 dispose en effet :

« La durée du mandat du président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »

Le président Macky Sall nous a récemment rappelé que la Constitution sénégalaise était rédigée en français ( !) Bien fait pour les 70% de sénégalais qui ne parlent ni ne lisent dans cette langue. Traduisons quand même pour les malentendants qui restent :

Le président Macky Sall a effectué un premier mandat de sept ans. Dans son esprit, comme dans celui des rédacteurs de sa Constitution, sept ne veut pas dire cinq… en bon français en tous cas ! Donc, ce mandat-là ne fait pas partie du décompte. J’attends d’être démenti. Autrement dit, le mandat en cours est son premier mandat de cinq ans. Il pourra, si le cœur lui en dit, se présenter pour un second mandat de cinq ans. La question juridique est donc sans objet.

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Il reste la question politique : celle de la troisième candidature. Celle-ci interpelle toute la classe politique, du pouvoir comme de l’opposition, mais surtout et en dernier ressort le peuple qui choisit ceux qui doivent conduire ses affaires. A tous de se demander si le bilan du président Macky Sall à la tête du Sénégal est si élogieux que personne ne puisse lui refuser un nouveau bail ? Du côté du pouvoir, n’y aurait-il personne qui se sente, digne et capable, de prétendre à la succession du président Macky Sall ? Et d’abord, une question préjudicielle : était-il dans l’esprit du référendum, après les batailles de principe de l’année 2011 sur l’idée d’un troisième mandat, de piéger les électeurs dans un article à double fond taillé sur mesure pour le président Macky Sall ? Il appartient au peuple sénégalais de trancher la question et de se mobiliser pour dire son fait aux uns et aux autres. Car en effet, on peut être candidat et perdre ! Le « troisième mandat » est hors du champ de la volonté humaine. Il suffit de demander aux deux prédécesseurs du président Sall…

Au lieu donc de spéculer sur la mauvaise question du « troisième mandat » qui ne dépend, en principe que de la volonté du peuple sénégalais, l’opposition gagnerait à être vigilante sur les voies et moyens de sécuriser le processus électoral de bout en bout. Et d’abord tirer les leçons du dernier scrutin présidentiel, analyser les pièges du système du parrainage, se préparer en conséquence par la formation des personnels qui auront en charge toutes les opérations électorales. Je proposais la mise sur pied d’un état-major de crise aux différentes composantes de l’opposition, entre autres pour mutualiser les informations et préparer les prochaines échéances en se donnant les moyens d’anticiper les mauvais coups de l’adversaire. Parce qu’il semble désormais établi que la politique est devenu l’art de la tromperie et de la manipulation, et que les élections peuvent être programmées pour favoriser un candidat au pouvoir ! Il est temps que les leaders de l’opposition se consacrent à la sécurisation de notre système électoral afin que seule la volonté du peuple souverain sorte des urnes. Ce travail profitera à tous et ne devrait pas être l’objet de rivalités. Bien au contraire, des synergies inattendues pourraient naitre d’une meilleure identification des compétences et des tempéraments des uns et des autres. Dans les deux prochaines années, telles me semblent être les tâches prioritaires. Car, et je suis au regret de le dire, les suites du « dialogue politique » tel qu’il est engagé ne me semblent pas prometteuses. J’ai même le sentiment que cela entre dans le cadre d’une anesthésie générale avant une opération chirurgicale qui va désarticuler l’opposition et ouvrir la voie à la troisième candidature. Eh ! Oui ! La stratégie du langage à double fond nous invite à toujours nous attendre au pire. Le bouleversement du calendrier électoral nous en offre un avant-goût… 

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