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Quand La Corruption Au Sein De L’administration Tue Les Projets Au Senegal

Quand La Corruption Au Sein De L’administration Tue Les Projets Au Senegal

Avec une urbanisation rapide et le nombre de propriétaires de voitures qui augmente, le Sénégal et sa capitale en particulier, Dakar, est confrontée aux problèmes d’embouteillages, d’accidents sans oublier les émissions des transports urbains qui affectent la population. C’est ainsi, qu’officiellement, le gouvernement a lancé le 28 octobre, le projet de Bus Rapid Transit (BRT), qui devrait relier la gare de Petersen à la banlieue, pourrait fluidifier la circulation dans la capitale sénégalaise où les embouteillages sont un frein majeur au développement économique.

De tels projets ont vu le jour dans d’autres pays africains et nous allons analyser comment la mise en place de ces infrastructures de transport public a affecté la vie des citoyens des pays concernés. Cela pourra nous permettre d’éviter que ce projet soit un éléphant blanc qui risquerait de détruire des milliers d’emplois. Avec le cas du Sénégal, il faut souligner que la Banque mondiale va apporter son expertise sur la table. Cette banque a accompagné la mise en place des BRT de Lagos, Accra, Dar Es Salam, Addis Ababa, Nairobi entre autres et maintenant Dakar pour la réalisation de ce projet BRT. Quelles sont les forces et faiblesses du système BRT au Sénégal ? Un projet qui a marché dans certaines capitales et a échoué dans d’autres capitales africaines.

Forces et faiblesses du BRT

Une étude a été réalisée sur la fréquence, l’embarquement, la descente et le transfert sur les zones que les bus vont traverser et les tarifs proposés sont en ligne avec les tarifs existants sur le marché. Avec un tarif moyen de 400 FCFA pour 320 000 passagers, soit 128 millions FCFA par jour. Si nous déduisons les jours fériés et week-ends, on est à 250 jours, ce qui donnera environ 32 milliards FCFA par an. Un tarif complet ne sera envisageable que pour 80 % des passagers et près de 20 % des passagers paieraient moins que le tarif complet dans le cadre d’un programme social que le gouvernement déterminera. Une simulation donne une estimation de 26 milliards FCFA. Pour ce qui est de la main-d’œuvre, du carburant, de l’entretien, des coûts administratifs et autres, il faut compter environ 30 millions de dollars par an soit 17 milliards 640 millions FCFA. Il ne faut pas oublier la signature d’un contrat de concession avec la société chinoise China Road and Bridge Corporation (CRBC) et le remboursement des dettes octroyées. Il y aura aussi d’autres frais variables bien sûr, mais à vue d’oiseau, le BRT est un projet conçu pour être rentable. Il faudra aussi compter la fluidité du trafic qui aura une répercussion positive sur l’économie. Comme dans chaque transaction, il y a des forces, mais aussi des faiblesses. Il faut d’abord savoir que la corruption au Sénégal est une chose réelle et selon le rapport sur la compétitivité mondiale de 2017, qui a pour but d’évaluer le paysage de la compétitivité des économies mondiales, les entreprises faisaient état d’une confiance insuffisante dans l’indépendance du pouvoir judiciaire.

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Les paiements irréguliers et les pots-de-vin en échange de décisions judiciaires favorables sont assez courants, la société civile a aussi critiqué le système judiciaire pour ne pas avoir donné suite aux affaires portées à son attention par l’agence anti-corruption sénégalaise et aucun des cas identifiés dans le rapport 2016 de l’OFNAC n’a fait l’objet d’une enquête judiciaire. Les pots-de-vin et les paiements irréguliers sont courants lorsqu’il s’agit de services publics et il n’est pas rare que les investisseurs se plaignent d’obstacles bureaucratiques. Il y a une fréquence de demande de pourboires aux niveaux les plus bas, afin de faire progresser les dossiers. Il ne faut pas oublier que deux tiers des informations reçues par l’OFNAC, sont liées à la corruption dans l’administration publique. Selon les rapports d’audit des comptes au 31 décembre 2018 du BRT, il y a eu des irrégularités et l’auditeur a qualifié ces irrégularités de « graves et non-conformes aux dispositions de la convention avec l’AGEROUTE ».

L’audit ajoute en disant qu’ils invitent le CETUD à demander à l’AGEROUTE de restituer les fonds. Parmi ces irrégularités, on note :

 • « Le versement d’indemnisations d’un montant de 338 millions de Francs CFA à des Personnes Affectées  par  le  Projet  (PAP)  en l’absence d’actes formels de justification de la propriété des terrains ou des bâtiments faisant l’objet d’indemnisation ; selon l’auditeur, seules les attestations sur l’honneur lui ont été présentées pour justifier les indemnisations, ce qui exposerait le projet à des risques de contentieux 

• Le prélèvement d’un montant de 200 millions de Francs CFA sur l’avance de 347 millions de FCFA faite à l’AGEROUTE pour la constitution d’un dépôt à terme (DAT) rémunérée à hauteur de 3 % auprès d’une banque commerciale alors que la convention ne prévoit pas cette pratique ; 

• L’inéligibilité d’une partie de l’achat de carburant d’un montant de 21 millions de Francs CFA qui a servi à la fois aux activités du BRT et à celles propres à l’AGEROUTE ; • Le paiement sans le respect des procédures de l’IDA d’un montant forfaitaire de 11 millions de Francs CFA à la personne supposée assurer la coordination du projet au niveau de l’AGEROUTE ». 

Récemment, nous faisons appel aux entreprises chinoises à travers les PPP et cela est dû à la facilité de faire des affaires avec la Chine, mais aussi et surtout à cause de la facilité de la corruption dans les projets d’infrastructures. Le comportement des Chinois en Afrique est un exemple qui montre la montée en agressivité pour la poursuite de leurs propres objectifs sans trop se préoccuper des problèmes causés dans les pays concernés. Il y a aussi le fait que la Chine fait signer aux gouvernants africains un contrat qui leur permet d’utiliser exclusivement leurs matériaux, de la main-d’œuvre qualifiée et de la technologie made in China dans la réalisation d’un projet.

Conséquemment, cela limitera la possibilité de recruter la main d’œuvre qualifiée et le transfert de technologie. Les entreprises chinoises sont aussi connues pour être indifférentes aux droits politiques et aux droits de l’homme du pays hôte. Combien de fois la Chine a été épinglée à remettre des pots-de-vin aux dirigeants africains pour s’assurer de la réalisation de ses objectifs ? À ce rythme, les Chinois risqueraient d’être vus comme le nouveau type de colonisateur et que ce ressentiment contre eux pourrait devenir plus grave que les mouvements anticoloniaux du temps de la colonisation.

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L’échec du BRT à Johannesburg

L’échec du BRT à Johannesburg Afin de fluidifier son trafic, la ville de Johannesburg a décidé de mettre en place le nouveau bus rapide, la Rea Vaya qui veut dire « nous allons ». Le réseau a été déployé par étape et le plan opérationnel des trois étapes est comme suit : la première phase longue de 25,5 kilomètres, 27 stations, 143 bus pour une capacité de 70 000 passagers par jour, la seconde phase longue de 43,5 kilomètres, 43 stations, 277 buses pour une capacité de 137 000 passagers par jour et la phase finale longue de 122 kilomètres, 150 gares, 712 bus pour une capacité de 434 000 passagers par jour.

De o à 5 kilomètres le prix est de 315 FCFA, de 5,1 à 10 kilomètres, le prix est de 375 FCFA, de 10,1 à 15 kilomètres, le prix est de 460 FCFA, et de 15,1 à 25 kilomètres, le prix est de 545 FCFA. Nous nous arrêterons à 25 kilomètres vu que notre BRT couvre 18,3 kilomètres. La Rea Vaya avait pour but de compléter d’autres initiatives visant à améliorer l’infrastructure des transports en commun en prévision de la coupe du monde de 2010. La Rea Vaya a eu du mal à se faire accepter et elle a été négativement critiquée par l’industrie des taxis locale. Elle a dû fermer certaines lignes à cause d’une demande insuffisante de passagers et d’un marketing inadéquat. On était à moins de 7 mois de la coupe de monde et le gouvernement sud-africain ne pouvait pas se permettre d’échouer pour un projet de 270 millions de dollars. Les bus, d’une capacité totale de 112 passagers, n’étaient en moyenne pleins qu’à 25 %.

 Les principaux problèmes étaient les difficultés pour acheter les billets, une mauvaise commercialisation du service, des itinéraires et des horaires. Certaines gares ne disposaient pas de panneaux indiquant les itinéraires ou les horaires, même s’il y avait le personnel disponible pour répondre aux questions des passagers. Il y avait aussi un problème de marketing et de la cherté des billets, ce qui faisait que de nombreux navetteurs empruntaient encore les minibus, bien que dangereux, mais le moyen de transport le plus pratique. Il y avait aussi l’opposition persistante avec les minibus et les taxis, qui estimaient que le système BRT allait réduire leur part du marché. Par conséquence, certaines routes de desserte avaient été fermées pour éviter d’éventuels conflits avec les chauffeurs de taxi et minibus. Hélas, des manifestations violentes avaient eu lieu contre le système BRT, mais ont été calmées par les membres du gouvernement.

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La réussite du BRT à Lagos

Après l’introduction du programme Bus Rapid Transit à Lagos, de plus en plus de propriétaires de voitures à Lagos laissent leurs voitures pour des trajets plus rapides en bus dans les quartiers d’affaires de Lagos. La société Lagos Bus Asset Management Company, l’une des deux sociétés exploitant ce service, a parcouru environ 37,5 millions de kilomètres et a transporté plus de 34,5 millions de passagers pour 1,5 millions de voyages, tandis que l’autre société locale a transporté environ 62 millions de passagers au cours de sa première année d’exploitation. Le BRT était une option plus populaire pour les navetteurs de Lagos. Il faut noter que le gouvernement nigérian avait créé l’Agence des transports de la région métropolitaine de Lagos, une agence gouvernementale assistée par la Banque mondiale, chargée de planifier et de mettre en œuvre un plan de transport en commun. Des millions de passagers ont été transportés au cours de la première année du programme.

Récemment, les deux opérateurs ont étendu leurs liaisons et les bus qui étaient déjà en place exploitent les terminaux de stationnement relais, ce qui encourage les navetteurs à laisser leurs voitures et à prendre le bus pour se rendre en ville. Le trajet aller-retour coûte 1000 FCFA plus les frais de stationnement de 600 FCFA, ce qui est plus économique en temps et en argent. Il faut noter que le même trajet qui prend une heure (Lagos – Ibadan) par BRT peut prendre deux heures à trois heures en temps normal. Il faut aussi noter qu’au Nigeria, le BRT a généré 2 000 emplois parmi les conducteurs d’autobus, les inspecteurs, les vendeurs de billets et les mécaniciens sans oublier 10 000 emplois indirects supplémentaires. Maintenant, au Sénégal, nous avons le choix de suivre la voie de la réussite ou la voie de l’échec. Pour que ce projet puisse réussir, il faut que nos fonctionnaires soient des patriotes, aiment le Sénégal et pensent aux générations futures. Dans une société en perte de valeurs, et de vergogne, pensez-vous que la corruption pourra être éradiquée ? Tant qu’il y aura la corruption dans l’administration, peu importe le projet et le montant alloué, le projet sera voué à l’échec. Chers Fonctionnaires, il est temps de penser au Sénégal plus que vous ne pensez à vos comptes bancaires.

Mohamed Dia

Consultant bancaire Dakar

Références : World Bank: Doing Business 2017 US Department of State: Investment Climate Statement 2017 Global Integrity: Africa Integrity Indicators 2017 https://projects.worldbank.org/en/projects-operations/document-detail/P1… Development Gateway: Open Contracting Scoping Study Senegal 2017







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