Je partage le texte ci-dessus que j’ai eu le plaisir de traiter en présence d’éminents compatriotes dans le cadre du panel organisé par le magazine ContinentPremier.com le 13 novembre à l’atrium de la BU de l’UCAD
Face à la réalité de la mondialisation, comment allier ouverture et protection ? Cette question n’est pas strictement sénégalaise. Elle est posée à l’entièreté du monde.
Patriotisme économique avez-vous dit ? Est-ce ce nouveau slogan guerrier ou est-ce d’abord une attitude intelligente et responsable qui interpelle le consommateur, l’entreprise et l’État dans leurs postures et choix de tous les jours ?
En vérité, nous devons reconnaître la complexité du chantier patriotique économique dans un monde «mondialisé» appelée village planétaire.
D’emblée, nous refuserons d’être dans le discours tranché, manichéen et clivant dressant une ligne Maginot entre bons et mauvais patriotes.
Vous nous permettrez chers compatriotes de partager ici notre optimisme parce que nous croyons plus aux vertus dynamisant de l’optimisme qu’aux vices dynamitant ou neutralisant du pessimisme. Je crois comme l’éminent philosophe Alain que le pessimisme est d’humeur alors que l’optimisme est de volonté.
L’optimisme fait bouger et la quête de patriotisme économique a besoin de mouvements. nous sommes optimistes parce que des progrès sont avec le Plan Sénégal émergent en cours de correction progressive du modèle d’extraversion de notre économie.
Nous sommes optimistes parce que nous mangeons de nos jours nos pommes de terres après les records de production, et nous n’hésitons pas à bloquer les importations pour protéger nos producteurs de pommes de terre, d’oignons et de carottes qui aussi battent des records.
Nous sommes optimistes parce que notre production céréalière a été plus que doublée et celle du riz triplée pour nous permettre de manger beaucoup plus de « ceebu waalo » grâce à la politique de régulation intelligente des importations.
Nous sommes optimistes parce que des efforts énormes sont faits en équipements post récoltes pour les femmes même s’il reste encore du travail à faire collectivement sur les questions logistiques globales de stockage, de conservation et de transformation à valeur ajoutée.
Nous sommes optimistes parce que le défi agricole n’est plus essentiellement à la résorption des déficits mais bien dans la mise en place d’agropoles pour la transformation industrielle massive à valeur ajoutée comme prévues dans le Plan sénégal Émergent (Pse).
Nous sommes optimistes parce que le « dallu ngaay » est prisé au Sénégal, en Afrique et dans le monde même si le jeune consommateur dakarois n’en a pas encore fait sa chaussure de tous les jours, même si aussi il reste encore au cordonnier de ngaay de faire plus vite le pas vers plus de productivité. nous sommes optimistes parce que l’aiguille du Sénégal est toujours au top avec des tailleurs et couturiers talentueux à qui il manque sans doute la prouesse de faire comme en Malaisie un costume en deux heures et non plus en deux semaines. nous sommes optimistes parce que nous voyons que de jeunes compatriotes s’essaient déjà à la conception robotique, aux drones et aux voitures « made in Sénégal » au moment où l’état agit avec vigueur sur le recentrage de la formation vers plus de technique et de professionnel.
Nous sommes optimistes pour avoir vu de nos yeux lors de notre tournée dans les quatorze régions du Sénégal l’immensité des efforts d’investissements productifs faits par l’état mais aussi pour avoir pris le pouls de l’ampleur des potentialités de nos terroirs qui demandent plus d’organisation en clusters pour éviter le mimétisme concurrentiel fratricide dans les productions entre nos régions. nous sommes optimistes parce qu’à Laboya à Tambacounda au milieu des champs modernes du vieux Mamadou Oumar Sall, nous avons mieux compris au vu des investissements en place pourquoi notre pays produit chaque année entre 30 000 et 40 000 tonnes de bananes vendues d’abord dans les marchés régionaux, et nous avons eu un pincement au cœur de voir que Dakar par snobisme ou non maîtrise de la chaine logistique continue de dévorer des bananes importées. nous sommes optimistes parce que les femmes des villages de Diakhaba et Bembou, à Kédougou sont heureuses de transformer le fonio avec la machine financée par le Fonds national de recherche agricole et agroalimentaire (Fnraa).
Nous nous disons et si tous les sénégalais se mettaient à manger plus de fonio pour mieux accompagner le décollage de 30% de la superficie nationale composée des régions de Tambacounda et Kédougou. le fonio est renouvelable et le minerai ne l’est pas.
Savez-vous que le fonio via d’autres filières du commerce équitable, arrive déjà dans les magasins spécialisés européens où il est prisé pour sa teneur sans gluten en acides aminés et minéraux ? À quand à côté du «ceep» le fonio collectif de midi ?
Nous sommes optimistes parce que l’état a fait beaucoup plus de routes et pistes du développement vers les terroirs.
Nous sommes optimistes parce que des efforts immenses sont en cours de Dagga à Baïla en passant par Saraya et Ourossogui pour plus de transformations de produits locaux. nous pensons que le secteur privé doit tisser un peu plus les chainons manquant entre industrie et artisanat de production agricole pour nous faire faire des bonds spectaculaires en termes de gains de productivité.
Nous sommes optimistes parce que nous avons une industrie. nous avons aussi une politique industrielle. en dépit des difficultés, nous sommes optimistes parce que le potentiel industriel de notre pays est là.
Nous sommes optimistes quand nous voyons en vrai le Parc industriel international de Diamniadio dans sa première phase avec déjà des fabriques de tuyaux PVc, d’équipements sportifs exportés aux etats unis d’Amérique, de panneaux solaires, de vélos et tricycles électriques, d’emballages plastiques, de cartes biométriques et j’en passe.
À terme, ce sont 23 000 emplois qui sont attendus dans le parc industriel de Diamniadio sans compter le Parc industriel de Sandiara en cours et bientôt la Zone Économique spéciale de Diass qui sera la véritable révolution grandeur nature. le challenge sera que notre secteur privé plonge en masse dans l’esprit et la réalité des parcs industriels. nous sommes optimistes parce qu’il y a un doublement des capacités installées même s’il faut continuer de renforcer le dispositif de réduction de la facture énergétique des industries comme c’est le cas actuellement avec la politique mise en place par l’État.
Nous sommes optimistes parce que nous comptons sur un sursaut patriotique du consommateur. Faut-il être optimiste face à nos habitudes de consommation ? en vérité, le défi commercial en dépit des déficits d’offre locale de certains produits manufacturés, est d’abord culturel et interpelle le citoyen. le subjectivisme de certains consommateurs face aux produits locaux nécessite un remède culturel d’abord. dans un autre registre, les difficultés du secteur privé national pour mobiliser assez de ressources constituent un des handicaps à une politique de préférence nationale pour plus d’accès à certaines commandes notamment publiques.
Avouons-le nos entreprises doivent s’adapter et l’État aussi doit continuer à les aider. nos entreprises souvent familiales ont elles le réflexe d’aller dans des schémas de sociétés anonymes plus costauds pour mieux s’imposer ?
Il est clair que les efforts ne doivent pas seulement venir de l’État central mais aussi du secteur privé qui doit créer de grands ensembles. Il est à saluer les initiatives en cours dans ce domaine notamment au niveau des organisations patronales qui, de plus en plus créent des synergies à caractère économique. Il nous faut comprendre que le patriotisme économique est une affaire de tous et ne doit pas être vu sous l’angle d’un chauvinisme incantatoire ou revendicative, mais dans une démarche intelligente de discrimination délicate. nos entreprises doivent être protégées parce que créatrices et distributrices de revenus, mais cette protection pour ne dire ce protectionnisme doit tenir compte des aspirations du consommateur bénéficiaire final.
Nos consommateurs aussi doivent être protégés, mais dans l’intérêt global des chaînes de valeurs économiques et sociales créatrices d’emplois.
Nos chaînes de valeurs également doivent être protégées, sans surcharger indûment en terme de coût le panier du consommateur. comme on le voit, l’exercice du patriotisme économique peut ressembler à une gageure tant est complexe son équation à plusieurs inconnus qui n’en demeure heureusement pas la quadrature du cercle. nous croyons et affirmons que notre pays est avec le Pse sur la bonne voie. Face aux exigences du patriotisme, il faut faire sa part comme le colibri dans la foret face à l’incendie. chacun doit faire sa part. en vérité, être patriote économique c’est d’abord consommer local. le faisons-nous assez ? en avons-nous fait assez un réflexe pour anticiper sur la zone de libre échange continentale africaine qui fera fondre les règles de protection inter-état dans un marché plus vaste avec un milliard deux cent millions consommateurs ?
Chers amis «gingembreurs», puisque le gingembre vient historiquement des indes, nous empruntons chez l’écrivain indien Rabindranàth Tagore : «Je ne veux pas prier d’être protégé des dangers, mais de pouvoir les affronter.» parlait en plumes le célèbre Tagore. il avait raison. Nous devons certes protéger nos économies, mais nous ne devons pas le faire dans une perspective de devoir toujours les protéger dans un monde où nous n’avons pas toutes les cartes en main. le dire et le reconnaitre n’est ni un renoncement encore moins une abdication mais bien une posture réaliste pour affiner sans tambours ni trompettes notre stratégie d’attaque plus que de défense. nous devons ensemble préparer nos entreprises à se passer de la protection par une robustesse à toute épreuve via de grands ensembles. Autrement, notre modèle d’entreprise familiale passera à la broyeuse du temps. nous devons chacun revoir notre rapport au patriotisme économique et éviter le simplisme du débat populiste et moralisant sur les bons et mauvais patriotes. en éternel optimiste, nous croyons que ce combat nous concerne tous et nous devons le faire épaule contre épaule, mes plus que frères en consommant d’abord local et en résolvant ensemble les équations logistiques et financières qui sont des adjuvants indispensables pour mettre en pole position les acteurs de l’équipe nationale économique du Sénégal.
Le Sénégal entre ouverture et protection : quelle place pour le patriotisme économique avez-vous demandé ? me réponse est sans équivoque. le patriotisme économique est inscrit au fronton des priorités et actions du Pse parce qu’en plus des projets structurants nous apportons de plus en plus de la résilience à l’ensemble des territoires. Colle
ctivement, dans le respect, la patience vertueuse et le pragmatisme, nous arriverons comme nous sommes en train de le faire à allier ouverture et patriotisme dans nos choix économiques. ne perdons pas de vue, la patrie c’est l’afrique en perspective. Je vous remercie de votre attention.