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Quelle Politique Fiscale Pour Le Nouveau RÉgime Dans Un Contexte Économique Difficile ?

La construction d’un système fiscal est largement tributaire des mouvements socioéconomiques et des changements politiques qui s’opèrent dans un pays. La trajectoire du Sénégal indépendant permet d’établir que son système fiscal a connu des modifications et adaptations, au gré des alternances politiques, des contingences économiques et de la construction d’un espace communautaire.

L’arrivée au pouvoir des libéraux, en 2000, a entraîné une vague de réformes tendant à attirer les investisseurs, en réduisant notamment le taux de l’impôt sur les sociétés de 35 % à 33 % avant de le stabiliser à 25 % en 2006, et en portant des mesures fiscales dérogatoires dans différents textes, dont le code des investissements.

À la faveur de la loi n°2004-12 du 6 février 2004, modifiant le code général des impôts, des mesures visant à simplifier le système d’imposition, et partant, élargir l’assiette fiscale, ont été prises, avec la création de la contribution globale unique (CGU). Ces mesures ont globalement créé une inflation législative et accru les dépenses fiscales, dont l’évaluation n’a commencé qu’en 2009, tout en ne réussissant pas nécessairement l’objectif d’une embellie économique du Sénégal, malgré une augmentation non-négligeable des recettes fiscales. Le PIB du pays évoluera de manière irrégulière, avec une pointe basse à 1,3 % en 2011, selon les données de la banque mondiale. La deuxième alternance politique de 2012 portera ainsi comme ambition de rationaliser les mesures fiscales dérogatoires, à travers la loi n°2012-31 du 31 décembre 2012, portant code général des impôts, qui devient le référentiel fiscal unique. L’ambition du nouveau régime est alors de rendre cohérent le système fiscal, tout en continuant le chantier de la simplification, notamment de l’impôt sur le revenu, l’élargissement de l’assiette fiscale et l’augmentation des ressources fiscales (le taux de l’impôt sur les sociétés sera ramené à 30 %.).

A partir de 2020, pour soutenir les politiques de l’Etat, principalement le PSE, une stratégie de mobilisation des recettes à moyen terme est mise en place. Dans le même temps, l’administration fiscale a résolument renforcé son plan de développement stratégique, engagé des plans de modernisation et d’élargissement de l’assiette fiscale pour tenter de hisser le taux de pression fiscale aux standards communautaires.

Au soir du 24 mars 2024, le Sénégal a connu sa troisième alternance politique. Celle-ci intervient dans un contexte économique difficile. Outre le ralentissement de la croissance, sous la pression de l’inflation mondiale entre autres, on note un endettement qui a atteint des sommets, pour se chiffrer à 77 % du PIB1, dépassant les limites communautaires fixées à 70 % au sein de l’UEMOA, une masse salariale importante et un coût de la vie très cher.

Si les recettes fiscales se portent plutôt bien, avec des recettes en progression de 7 %, s’établissant à 2 206 milliards en 20232, il n’en demeure pas moins que le potentiel fiscal est encore sous exploité, l’assiette fiscale pas assez élargie et la modernisation des structures et des modes de travail de l’administration n’est pas totalement aboutie.

Le rétrécissement des marges de manœuvre budgétaires, sous l’effet du poids de la dette implique nécessairement de nouvelles orientations en matière de politique fiscale.

Instrument de politique économique, la fiscalité est un levier sur lequel les nouvelles autorités devront miser, pour le financement des mesures sociales, dédiées notamment à la baisse de la cherté de la vie.

Sous ses différentes déclinaisons techniques, légales et structurelles, il est possible de bâtir une nouvelle politique fiscale, en procédant d’une part, à des réajustements du dispositif légal en cohérence avec des niches de recettes identifiées et d’autre part, en modernisant le cadre organisationnel et les modes de travail de l’administration fiscale.

Les axes de renforcement du système de taxation à travers l’identification de nouvelles niches de recettes et la rationalisation des dépenses fiscales

La politique fiscale poursuit principalement deux objectifs. Elle permet, d’une part, d’améliorer le niveau des prélèvements fiscaux destinés à la dépense publique et d’autre part, de servir d’instrument de politique économique pour les autorités gouvernementales.

Ces fonctions, qui semblent s’écarter dans leurs finalités, sont complémentaires pour assurer une pleine efficience du système fiscal ; c’est-à-dire d’obtenir des recettes essentielles au financement des dépenses publiques, sans décourager l’activité économique.3

A cette fin, les nouvelles autorités auront l’épineuse tâche de rechercher de nouvelles sources de recettes qui n’emporteront pas des effets pervers sur la conjoncture économique.

C’est pourquoi les mesures de renforcement du dispositif légal que nous proposons sont orientées vers des niches de recettes peu ou pas taxées et qui ne polarisent pas des secteurs vitaux pour l’économie.

Elles visent également la simplification et l’amélioration de certains mécanismes de taxation, notamment les impôts locaux, ainsi que la rationalisation de certaines dépenses fiscales.

Dans cet ordre d’idées, des modifications majeures doivent être apportées à la fiscalité indirecte et plus spécifiquement au dispositif de la Taxe sur la valeur ajoutée, qui représente 32,44%4 des recettes fiscales projetées pour l’année 2024.

En effet, il urge de remettre en cause l’exonération de la TVA sur les jeux et paris sportifs, consacrée par le décret n° 2018-489 du 26 février 2018, approuvant le cahier des charges de la LONASE.

La pertinence d’une telle exonération se pose à l’aune de l’absence d’un enjeu vital des jeux et paris sportifs pour notre économie nationale, mais aussi à l’heure où ce secteur pose avec acuité le débat sur l’addiction, qui tend à devenir une question de santé publique.

Au regard de la portée de cette exonération, qui bénéficie non seulement à la LONASE, mais aussi à tous les acteurs présents dans son réseau commercial (revendeurs et distributeurs agréés), sa remise en cause pourrait faire accroître significativement la ligne des taxes recouvrées sur les biens et services.

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L’application de la TVA sur les paris sportifs aura également un effet induit sur les frais de service et les mises des parieurs, qui pourrait aboutir à décourager les candidats à ces jeux et partant, rétrécir l’ampleur du phénomène.

Dans le même registre, la location de locaux meublés par des particuliers, qui connaît aujourd’hui une évolution importante, sous l’effet de l’apport des plateformes numériques de mise en relation, pourrait être taxée davantage.

Il est utile de souligner que la mise en œuvre d’une telle mesure, nécessite qu’une politique tendant vers une meilleure maîtrise du secteur de l’immobilier locatif soit menée. En outre, il s’agira, avec cette mesure, d’assurer un meilleur contrôle de ce secteur qui est considéré comme une niche pour le blanchissement d’argent.

Le Centre Affordable Housing Finance in Africa (CAHF) alertait déjà en 2018, dans son rapport intitulé « Comprendre et quantifier les marchés locatifs en Afrique », indexant le fait qu’il n’existe pas au Sénégal d’organisme chargé de collecter de manière régulière les données sur les fournisseurs de logements comme une insuffisance institutionnelle.

A ce sujet, la formalisation du statut de courtier immobilier ainsi qu’une meilleure réglementation des agences immobilières sont nécessaires, avec à la clé, l’insertion dans le dispositif légal d’un droit de communication automatique à leur égard, concernant l’identité de leurs clients, les propriétés données en gérance, la nature des locations pratiquées et le montant des loyers encaissés pour leur compte.

Concrètement, le renforcement de la taxation des loyers sur les locaux meublés, qui est un marché important à appréhender pour les raisons sus évoquées, pourrait se traduire par l’instauration d’un nouveau taux spécifique de TVA à 20 %, qui est le taux maximal autorisé au niveau communautaire. Ce taux s’appliquera à toutes les personnes physiques effectuant des prestations de location de locaux meublés, non-constitutifs d’établissements touristiques agréés au regard de la réglementation.

Le recouvrement de cette taxe pourrait être facilité par l’entrée en vigueur prochaine du dispositif sur la TVA numérique (qui devait être opérationnel en début avril 2024), pour ce qui concerne les locations effectuées à partir des plateformes de mise en relation, à l’exemple d’« Airbnb » et de « Booking ».

Pour sécuriser davantage les recettes concernant ce nouveau dispositif de taxation et garantir l’aboutissement de la réforme, il pourrait être pertinent de mettre à la charge des agences immobilières une obligation de précompter et de reverser la TVA collectée sur les loyers taxables perçus pour le compte de leurs clients.

Comme dernier point de réforme du cadre légal de la TVA, il est utile de veiller à une mise en application effective de l’arrêté n°34269 du 08 novembre 2023, relatif au dispositif de la TVA sur les prestations de services numériques réalisées par les assujettis étrangers. Dans un contexte de forte digitalisation de l’économie, le Sénégal doit réussir le défi de tirer avantage des opportunités qu’offrent les services numériques, à travers une fiscalité indirecte adaptée. Il s’agit, en outre, de rétablir une certaine équité fiscale, en soumettant à l’imposition toutes les personnes physiques ou morales intervenant dans les prestations de services numériques et le commerce électronique.

Pour la réussite d’un tel chantier, une collaboration active avec les assujettis ciblés (plateformes en ligne) et les partenaires institutionnels (ministère des télécommunications notamment à travers l’ADIE et l’ARTP, fournisseurs d’Internet, etc.) doit être menée, ainsi qu’une mise à niveau des moyens logistiques et humains.

Par ailleurs, la stratégie de refonte du dispositif fiscal ne devra pas occulter la fiscalité locale, afin de permettre un renforcement des moyens d’intervention des collectivités territoriales. A l’ère de la territorialisation des politiques publiques, la gouvernance locale a connu un regain d’intérêt pour les décideurs. L’ambition de créer un développement de la base vers le sommet, partant des collectivités territoriales, se heurte à la problématique de la prise en charge financière des compétences transférées à ces dernières. La réforme emblématique de la fiscalité locale, le remplacement de la patente par la contribution économique locale, même si elle a introduit une volonté d’équité dans la répartition des recettes fiscales locales, n’a pas réglé toutes les difficultés des collectivités territoriales.

Les réformes à implémenter devront donc viser principalement l’accroissement du rendement budgétaire des impôts fonciers locaux, en leur garantissant plus d’équité, plus d’efficacité et une simplification des méthodes d’évaluation de leur assiette.

Conjointement, une réforme de la contribution globale unique est nécessaire, dans la perspective d’une meilleure fiscalisation du secteur dit informel5. En effet, il serait opportun d’élargir la CGU aux PME réalisant un chiffre d’affaires compris entre 50 et 200 millions, y inclure de nouveaux secteurs d’activités, notamment certaines professions libérales, tout en ouvrant une possibilité d’option aux PME personnes morales.

Au titre de la contribution globale foncière également, le seuil du revenu foncier imposable à ce régime peut être porté à 50 millions.

Somme toute, le réajustement de ces impôts dans leurs méthodes d’assiette et de liquidation devra nécessairement s’accompagner d’une révision de leurs modalités de mise en recouvrement. Cela tient à l’absence de cohérence dans la gestion de la fiscalité locale, qui est éclatée entre les services de la DGID et de la DGCPT. La discontinuité des tâches d’assiette et de liquidation d’une part, et de recouvrement d’autre part, est à la source d’une asymétrie d’informations entre les services, qui peut affecter le rendement de leurs efforts. Il s’agit donc d’apporter les corrections législatives ou réglementaires qui siéent pour, à défaut d’un transfert de recouvrement ou une fusion des deux administrations, permettre une meilleure gouvernance de la fiscalité locale.

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En dernier lieu, une attention particulière devra être portée sur les dépenses fiscales, en procédant à leur évaluation en termes quantitatifs et de portée, ainsi qu’à leur rationalisation. Pour rappel, elles désignent des mesures dérogatoires au droit fiscal commun, qui entraînent une perte de recettes pour l’Etat.

Les dépenses fiscales qui représentaient 35,4 % de nos recettes fiscales en 20216, soit 952 milliards en valeur absolue, montrent leur poids exorbitant par rapport à nos ressources budgétaires. Dès lors, le débat sur l’efficacité des mesures fiscales préférentielles est légitime.

D’après le dernier recensement général des unités économiques au Sénégal, moins de 3% exercent dans le formel et par conséquent, près de 97,1% des entreprises recensées ne sont enregistrées dans aucun registre administratif en plus de ne pas tenir une comptabilité écrite reconnue. (DPEE, Rapport d’évaluation du potentiel fiscal du secteur informel, novembre 2022)

A ce titre, l’audit du régime fiscal des entreprises franches d’exportation (EFE) agréées avant la réforme du droit commun incitatif de 2012 devra être mené à bon escient. Il s’agit surtout de jauger la pertinence de l’exonération permanente de ces entreprises à la Contribution économique locale (CEL) et à l’impôt de distribution (IRVM sur les dividendes). L’idéal serait plutôt de leur accorder une exonération temporaire sur les cinq (05) premières années d’exploitation, ou sur une durée suffisamment raisonnable pour l’amortissement de leur investissement initial et qui puisse leur permettre d’arriver à un niveau de rentabilité.

Dans le même sillage, le droit accordé aux entreprises industrielles, agricoles et de télé services qui exportent au moins 80 % de leur production, de déduire 50 % de leur bénéfice imposable pour le calcul de l’impôt sur le revenu, doit faire l’objet d’une évaluation objective, quant à son rendement économique.

Nos mesures fiscales incitatives sur le plan économique partagent le mal d’être fortement orientées vers les activités d’exportation. Elles doivent faire l’objet d’une répartition plus parcimonieuse et penser à les orienter vers les activités de transformation et de production locale.

Les mesures incitatives instaurées en 2018, pour promouvoir la fabrication locale de biens destinés à la production d’énergies renouvelables, doivent se poursuivre, en donnant plus de place aux industries manufacturières, dans les dépenses fiscales.

Les pistes d’amélioration du cadre organisationnel et des modes de travail de l’administration fiscale

L’efficacité des politiques fiscales est très largement fonction de l’organisation de l’administration fiscale qui, in fine, met en application les orientations. Cette organisation, autant dans la structure que dans les modes de travail, laisse subsister des insuffisances à combler, malgré la volonté manifeste de modernisation portée par différents projets.

Le chantier de la dématérialisation est bien entamé au sein de la DGID (il existe différentes plateformes pour réaliser des formalités fiscales), et le processus de maturation doit être poursuivi afin de rendre les services fiscaux plus accessibles.

Il s’agira de généraliser la réalisation des formalités fiscales (déclaration, paiement) et le dépôt des demandes (quitus fiscal, contentieux, etc.) à tous les contribuables, et la stabilisation du réseau/serveur qui connaît des lenteurs pendant les échéances fiscales.

Dans la même veine, il convient de constater l’existence de diverses applications dédiées aux formalités fiscales, dans l’environnement digital de la DGID. Face à cette situation, le défi sera de parvenir à une convergence applicative de ces plateformes, afin d’en faciliter la gestion ainsi que l’accès pour les contribuables.

En outre, il est possible de densifier le réseau des partenaires de la DGID, pour le paiement de tous les impôts et taxes, via les opérateurs de mobile money.

Aussi, il est important de tenir compte des spécificités des usagers du service public. La digitalisation des procédures n’est pas une panacée, dans la mesure où certaines zones n’ont pas un accès stable à internet, et des populations ne sont pas familières avec l’utilisation des applications déployées pour la réalisation des formalités fiscales. Il nous semble ainsi plus pertinent d’assurer un meilleur maillage du territoire par la DGID, pour qu’elle devienne réellement une administration de proximité, et combler les déserts administratifs qui existent de fait. A l’état actuel, la présence de ses services reste limitée, en dehors de Dakar, aux chefs- lieux de régions, à l’exception de quelques départements. Cette faible présence induit de très longs déplacements pour certains contribuables, pour rejoindre les services fiscaux, qui impactent négativement sur l’adhésion au système fiscal, et partant, sur les recettes. En outre, cette présence insuffisante crée une distorsion naturelle dans le traitement des contribuables, dans la mesure où les agents sont davantage orientés sur la maîtrise de l’assiette fiscale située dans les zones les plus accessibles. Les insuffisances en ressources humaines et matérielles ne permettent pas de couvrir toute la zone de compétence et un angle mort plus ou moins important peut se former.

L’élargissement du réseau de la DGID, en plus d’avoir des impacts positifs sur les recettes fiscales et les services rendus, sera l’occasion de corriger les incohérences liées à la carrière des agents des impôts et des domaines. Il sera nécessairement accompagné d’une dotation importante en ressources humaines bien formées et en matériels. Dans l’immédiat, les agents des collectivités territoriales pourraient être mis à profit pour constituer des contacts des usagers, dans les zones sans présence de la DGID, pour la délivrance des informations et renseignements de premier niveau.

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Concernant les procédures fiscales, le débat sur leur simplification paraît relever d’un vœu pieux. La matière fiscale n’étant pas des plus simples, il en découle des procédures parfois complexes. A défaut de les simplifier dans le fond, il est possible d’en faciliter au moins la réalisation. En effet, la réduction des temps de présence des contribuables, quand ils se déplacent, est un enjeu majeur. Les bureaux de gestion sont congestionnés, pris entre le flux de la gestion des dossiers fiscaux et la réception des usagers. Il est impératif de penser le modèle d’accueil, d’orientation et d’information des usagers, avec des agents spécialisés et ainsi permettre aux agents gestionnaires des procédures fiscales de s’atteler pleinement à ces tâches pour accélérer les délais de traitement.

L’évolution des structures de la DGID, quand bien même elle est importante, ne permet pas encore de fluidifier le traitement des demandes des contribuables. La chaîne hiérarchique demeure toujours longue et la délégation de signature au profit du directeur général de l’administration fiscale sur les procédures contentieuses telles que les dégrèvements, remboursements et restitutions porte sur des montants qui sont relativement dérisoires.

Cette forte centralisation, autant à l’intérieur de l’administration fiscale qu’au niveau du ministère, n’est pas de nature à écourter les délais de traitement, et partant, à favoriser une adhésion au système fiscal. Il est nécessaire, pour permettre une meilleure qualité de services, de décentraliser davantage les décisions et les niveaux de contrôle. Une administration plus proche de ses usagers est aussi une administration dans laquelle la prise de décision est rapide, parce que décentralisée et où les services fiscaux sont plus proches des contribuables.

Dans l’optique de notre politique concernant l’imposition des revenus fonciers, la maîtrise de l’assiette fiscale peut passer par la création de sections uniquement dédiées au recensement, à l’enrôlement et à la gestion des propriétaires fonciers, au sein des centres des services fiscaux. La mise en place d’un système d’échange de renseignements automatisé et quotidiennement mis à jour entre les bureaux des domaines, du cadastre, de la conservation foncière et d’assiette, consultable par les agents habilités des centres, permettra d’animer ces sections. Il s’agira aussi de renforcer les commissions de fiscalité locales mises en place dans les collectivités territoriales, pour qu’elles viennent en appoint aux services dans l’identification et le recensement des propriétés imposables.

Aussi, pour garantir l’efficience des mesures législatives portées, il est urgent de relever le taux de contrôle fiscal des centres dits « traditionnels » et régionaux. En effet, ce taux, qui correspond au nombre de dossiers fiscaux contrôlés sur pièces ou sur place au cours de l’année, reste en moyenne en dessous de 30 %. Cette situation est largement imputable à un manque de moyens humains, mais aussi à la diversité des missions conduites par les bureaux chargés de la gestion, des services aux contribuables, du contentieux et du contrôle fiscal. Pour le rehausser, nous proposons la création de bureaux du contrôle fiscal dans ces centres, sur le même modèle que les bureaux chargés du contrôle à la Direction des grandes entreprises et à la Direction des moyennes entreprises.

Ce dispositif de renforcement du contrôle fiscal s’accompagnera d’un renforcement des moyens d’intervention de la Direction du renseignement et des stratégies de contrôle fiscal (DRESCOF) pour un meilleur appui aux services opérationnels et la mise en application de la volonté affirmée par le président de la République de déclencher des poursuites pénales contre les délinquants fiscaux notoires.

Dans la continuité de cette politique de renfoncement de la DRESCOF et partant, de la gestion du renseignement fiscal, il est utile d’interconnecter les services de l’APIX et de la DGID, afin de garantir, in fine, une unification de la chaîne de création et d’immatriculation des entreprises au niveau des administrations7. Aussi, la présentation d’un document attestant l’attribution d’un identifiant fiscal devrait être rendue obligatoire pour toute entreprise ou opérateur économique voulant procéder à l’ouverture d’un compte bancaire.

La politique fiscale n’est pas une réalité figée. Elle s’adapte aux orientations politiques données par le régime politique, tout en s’adaptant aux contingences et aux réalités socio-économiques. Le Sénégal a un cadre législatif fiscal globalement stable, qui offre des garanties certaines aux entreprises. Il demeure qu’il doit s’adapter à des activités économiques en constante mutation, à des entreprises de plus en plus innovantes.

En outre, la politique fiscale sénégalaise ne peut pas traiter le secteur informel comme une anomalie, au regard de sa part constante dans l’économie. Ce dernier mérite des mesures fortes, un accompagnement efficient, afin d’exploiter au maximum son énorme potentiel. Le relèvement du taux de pression fiscale passera inexorablement par une meilleure fiscalisation de l’économie dite informelle, des services numériques, une rationalisation des dépenses fiscales et une modernisation structurelle de l’administration fiscale. En outre, au-delà des aspects simplement budgétaires, la politique fiscale doit accompagner l’éclosion et la maturation des entrepreneurs de toute nature, qui interviennent dans les différents secteurs de l’économie. La réforme de la contribution globale unique est une parfaite solution pour y parvenir.







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