L’accoutumance au scandale a presque fini d’anesthésier notre capacité d’indignation.
On épiloguera encore quelques jours sur la prévarication des ressources publiques à la lumière des rapports de mission de contrôle de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics.
Et pourtant, la clameur populaire devrait aussi s’indigner du sort de Ousseynou Diagne, mort par la non-assistance des hôpitaux publics de Dakar.
Bien sûr, c’est tout ce qu’il faut éviter. L’accoutumance au scandaleux, au point de ne plus s’indigner. On ne sait même plus s’il faut s’indigner des agissements du régulateur qui se signale et s’impose à nous quand on ne l’a pas sonné ?
Ou plutôt de ce qu’il nous permet de voir l’étendue des dégâts dans la conduite des affaires publiques et de la prévarication de nos ressources et à tous les niveaux. On fait vraiment joujou avec notre argent. Et ça devient grave qu’on ne soit même plus choqué.
Tant pis finalement si on s’habitue pour ne plus s’indigner, mais comme le dit un proverbe wolof dans sa traduction littérale : « les propos d’un tel ne valent pas de chicoter son enfant », tellement la parole du régulateur est discréditée.
Les manquements à la gestion vertueuse et transparente semblent la règle générale.
Mais la réputation de l’organe de contrôle nommé ARMP est tellement entamée, son directeur tellement discrédité par la bienveillance du pouvoir central à son égard, lui qui devait être un empêcheur de dormir du sommeil du juste pour les administrateurs de deniers publics mais qui est finalement un somnifère pour le peuple. C’est terrible qu’on en arrive à se dire boff, c’est du Saer Niang quoi !
Et d’ailleurs, c’est écrit d’avance que toute la semaine on aura droit à la litanie habituelle de tous ceux qui ont été épinglés qui viendront contester et le fond et la forme des rapports qui ont abouti aux constations de l’ARMP sans que l’on ne puisse dire au final qui a raison, qui à tort : c’est paroles pas crédibles contre personnalité discréditée. Kif-kif alors !
Tant pis, parce que dans le Sénégal de Novembre 2019, il y a finalement des choses beaucoup plus graves et qui vous glacent le sang.
Heureux comme ceux qui n’ont pas écouté le récit de Assane Diagne, ce grand bonhomme de la banlieue qui nous racontait les minutes de la mort de son frère jumeau Ousseynou 39 ans, victime d’un accident de la circulation le 27 octobre au croisement Keur Massar.
Un véhicule de l’armée sénégalaise et entré en collision avec un car de transports en commun. Ousseynou s’en tire avec les jambes broyées et fracture ouverte.
Son calvaire ne faisait que commencer.
Son évacuation sanitaire pour le sauver est digne d’un traquenard. Les pompiers ont dû vider leur réservoir de carburant, tellement on les balloté de structures hospitalières en structures hospitalières sans qu’aucun service d’urgence ne daigne voir le patient accidenté.
L’hôpital de Grand Yoff, ex CTO a prétexté n’avoir pas la logistique pour prendre en charge cet accidenté désespéré.
Direction l’hôpital principal d’abord puis l’hôpital Aristide Ledantec où, il faut dire les choses comme tel, le personnel trouvé sur place doit avoir une pierre à la place du cœur pour avoir refusé d’aider ce blessé et sa famille.
On ne pourra jamais reprocher à la clinique de la madeleine, structure privée, d’avoir exigé le dépôt de caution de 1 million de francs CFA pour admettre le patient. Évidemment que la famille de Ousseynou n’avait pas le million.
Et je ne savais pas que dans ce pays des malades en détresses pouvaient être orienté chez les policiers ou les gendarmes.
En désespoir de cause, les pompiers, bravo à eux, ont trimbalé le blessé accidenté. D’abord au commissariat central, qui les envoie à la gendarmerie de Thiong ou l’agent de garde leur demande de retourner à la gendarmerie de Keur Massar, leur point de départ en banlieue de Dakar.
Que n’aurait pas fait la famille et l’ambulance des pompiers pour sauver Ousseynou, mais hélas c’est sur l’autoroute à péage direction, tenez-vous bien, la gendarmerie de Keur Massar que le seigneur à abréger sa souffrance de Ousseynou sous les yeux de son frère jumeau.
Ousseynou Diagne est mort par la négligence et la non-assistance des hôpitaux publics, CTO, l’hôpital principal et le Dantec.
Me vint à l’esprit le j’accuse de Dreyfus.
Et l’élégie pour Ousseynou est adressée au ministre de la santé en premier.
Ce n’est pas possible que cette affaire reste sans une enquête diligente.
On n’a quand même pas le droit de mourir comme ça, au Sénégal.
Et n’oubliez pas de faire dissoudre le Fonds de Garantie Automobile dont la mission est de ne plus laissé les accidentés de la route sans les premiers secours. Un fonds de garantie qui ne garantit personne.