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Mon Regard D’économiste Sur Le Débat Fcfa Vs Eco

Mon Regard D’économiste Sur Le Débat Fcfa Vs Eco

L’idée de créer une nouvelle monnaie, longtemps proférée mécaniquement en chœur comme une

alternative favorable à la préoccupante, et à l’embarrassante question du FCFA sera bientôt un vœu exaucé. A partir de juillet 2020, huit pays d’Afrique de l’Ouest, membres de l’Union Monétaire Ouest-Africaine (UMOA) vont d’abord changer de monnaie avant de l’élargir au sein de l’espace communautaire (La CEDEAO).Le FCFA sera remplacé par l’Eco. L’annonce a été faite conjointement par les présidents Alassane Ouattara et Emmanuel Macron lors d’une conférence tenue à Abidjan ce samedi 21 Décembre 2019 .En effet, depuis l’annonce de la supposée « fin » du CFA, le débat s’enfle, s’embrasse et l’exploitation est effrénée dans les médias. Si les chefs d’Etats africains s’enorgueillissent de cette nouvelle, du côté des pourfendeurs du FCFA, de la société civile, des activistes et des économistes : c’est le doute, la crainte et la circonspection qui les animent. L’Histoire ne se répète pas mais elle bégaie. Au début des années 90, alors premier ministre de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara fut aux avant-postes du projet de la première dévaluation du CFA en 1994. Il fut mandaté par son ancien mentor Michel Camdessus, ancien patron du FMI (Fonds Monétaire International).Aujourd’hui, 25 ans plus tard, c’est le même Ouattara qui annonce la suppression du FCFA au profit de l’Eco. Concours de circonstance ou destin croisé ? En tout cas c’est une bizarrerie. Economiste de formation, ancien gouverneur de la BCEAO, ancien directeur du département Afrique au FMI, donc nourri profondément dans les arcanes du monétarisme, Alassane Ouattara est un défenseur zélé du FCFA. Inutile donc de nous attarder sur lui et intéressons-nous sur les réformes annoncées.

1) Le changement de nom : Le FCFA (Franc des Communautés Françaises d’Afrique) va devenir Eco à partir de juillet 2020.Donc l’acronyme qui faisait polémique sera remplacé.

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2) La fin du dépôt des réserves de change au trésor public français : La BCEAO ne déposera plus la moitié de ses réserves de changes auprès de la banque de France. Cette obligation a toujours été perçue comme une servitude, une dépendance « humiliante ». Désormais, le compte d’opération sera

supprimé et la BCEAO sera libre de placer ses avoirs dans les actifs de son choix.

3) Le retrait de la France dans les instances des décisions : A partir de juillet prochain, la France ne nommera et ne siégera plus au niveau du Conseil d’administration et au comité de politique monétaire de la BCEAO.

Loin de moi, l’idée de tourner en ridicule ces nouvelles mesures, au contraire je les salue et les

respecte aussi. Cependant, en poussant notre réflexion plus profonde, nous constatons qu’il n’y a pas eu grand changement car les réformes les plus importantes non pas été prises.

-D’abord le maintien de la parité fixe : Comme le FCFA, la future monnaie Eco sera toujours arrimée à l’euro. Donc (1 euro sera l’équivalent de 655,957 Eco).Et c’est justement ici ou se trouve le problème et que les chefs d’Etat africains n’ont pas voulu changer. Du fait de son arrimage à l’euro qui est une monnaie forte, l’Eco ne sera pas une monnaie compétitive à l’exportation. En plus, avec l’Eco, nos économies seront encore extraverties car l’essentiel de ces pays sont des

exportateurs de matières premières et des importateurs de produits manufacturiers très couteux. Le taux de change surévalué impactera négativement nos exportations. Ainsi, la future monnaie Eco

nous placera comme le FCFA sur la trajectoire d’une économie de consommation et pas de

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production.

Outre cet impact, le maintien de la parité fixe va conduire toujours la BCEAO à mener les mêmes

politiques monétaires en ciblant l’inflation et en intégrant cette politique monétaire à celle de la

Banque centrale européenne. Cette fixité est pourtant fortement critiquée par les économistes et

principaux détracteurs du FCFA. Or, à en questionner les enjeux, il apparaît qu’elle ne correspond pas à nos économies. Nous avons des économies dépendantes de plus en plus des secteurs primaires et tertiaires. L’objectif c’est de développer le secteur industriel pour donner la priorité à la création

d’emploi plutôt que de lutter contre l’inflation. En ce sens, « La politique monétaire ne saurait être

assujettie à une règle mécanique de contrôle strict d’inflation », nous disait souvent mon ancien

professeur en macroéconomie monétaire, Rédouane Taouil.

Nous plaidons la fin de la parité fixe et l’adoption d’un régime de change flexible avec un panier de devises mondiales (le dollar, l’euro et le yuan chinois) pour plus nous aligner sur nos autres

partenaires économiques. Dans ce contexte morose de l’économie internationale, des règles flexibles s’imposent du fait même que la politique économique est souvent confrontée à des chocs

imprévisibles.

-La France jouera toujours le rôle de garant en cas de « secousses financières »: Donc toujours pas de rupture. Certes, la France décroche de la conservation des réserves de change mais s’agrippe toujours sur la monnaie en jouant le rôle de garant de dernier ressort. Ce qui veut dire qu’elle pourra toujours s’appuyer sur la planche à billet en cas de dérapage. Nos chefs d’Etat doivent comprendre que ce n’est pas la France qui garantit le FCFA encore mois lui assure sa stabilité. Car ces 7 dernières années, l’euro a perdu 25 % de sa valeur et continue de fluctuer avec le dollar et le yuan. Donc, quand l’euro s’apprécie le FCFA se déprécie ; ce qui se répercutera négativement sur nos exportations. Selon, les textes on nous demande que 20% pour respecter le principe de la garantie.Aujaurdhui, nous sommes à plus de 100% de couverture. Loin d’être neutre, ce chiffre atteste que c’est le FCFA qui assure sa

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stabilité lui-même. Vous comprenez alors que ce sont nos propres Etats qui garantissent le FCFA.

Par ailleurs, en poussant ma réflexion plus profonde, je regrette que l’introduction de ces nouvelles réformes torpille le projet de création d’une monnaie commune dans l’espace CEDEAO.Car, au rythme où évoluent les choses, tant que l’Eco sera toujours arrimé à l’euro, le géant Nigeria et d’autres pays comme le Ghana n’accepteront jamais d’adopter l’Eco comme monnaie. J’aurais voulu que le Nigeria ne soit pas négligé. Le Nigeria fait 72% du PIB de la CEDEAO.Aujuardhui, c’est le seul pays africain de la CDEAO ayant les capacités économiques et financières pour soutenir la monnaie unique. A cela s’ajoute, l’expérience de sa banque centrale dans la gestion d’une monnaie indépendante. Au regard de cette influence, on ne peut pas aller dans ce projet de monnaie commune sans le Nigéria ou le Ghana. J’aurais voulu que nos chefs d’Etat accélèrent les négociations et mener des études techniques suffisantes sur le respect des critères de convergences en vue de lancer l’Eco dans tout l’espace CDEAO. Mais, comme l’écrit Edgard Morin : «A force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel».

Mandela Ndiaye Touré

Fait à Grenoble le 23/12/2019

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