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Nul N’est Economiste S’il Est Protectionniste

La conviction du ministre en charge du Suivi du Plan Sénégal Emergent (PSE) est qu’on ne peut asseoir le développement d’une Nation à partir des rentes attendues des matières premières. Dans un éditorial retentissant paru dans le dernier numéro du magazine Tam Tam de l’émergence, Dr Cheikh Kanté explique que l’Afrique doit nourrir les Africains, et les décideurs africains doivent mettre en place un financement efficient du système social, pour arriver à une croissance durable, mais également inclusive et équitable.

A quelque chose malheur est bon. L’homme, sage, sait tirer du malheur et des épreuves de salutaires leçons pour l’avenir. La moralité de ce proverbe, en usage déjà au XVIIème siècle, est que souvent le malheur affermit l’expérience de l’homme de bien et a une influence certaine sur l’état de son âme. La crise de la COVID 19, qui affecte profondément tous les systèmes productifs et la croissance économique de nos pays, a renforcé ma conviction qu’un malheur procure parfois quelque avantage imprévu. Cette pandémie inédite nous offre, en effet, l’opportunité d’initier un débat objectif etlarge, afin d’évaluer nos politiques, et d’analyser les perspectives essentielles qu’il nous faut réinventer et réaliser. Pour nous relever de cette situation lourde de dangers, et mettre en œuvre les transformations structurelles qui s’imposent, nous devons bâtir une vision stratégique et consensuelle, soutenue par des politiques économiques et sociales réalistes. Au demeurant, on ne peut asseoir le développement d’une Nation à partir des rentes attendues des matières premières. L’Afrique doit nourrir les Africains, et les décideurs africains doivent mettre en place un financement efficient du système social, pour arriver à une croissance durable, mais également inclusive et équitable. La problématique des priorités africaines, pour une croissance inclusive et durable qui doit nous mener vers l’émergence, doit être reconsidérée sur le plan individuel et collectif, en tirant la leçon des apprentissages de la crise que nous vivons aujourd’hui. Il s’agit d’une question de dignité, de souveraineté, et de volonté politique qui doit se fonder sur l’amour de sa patrie, et du Continent. L’équation est pourtant simple : comment sortir le paysan, l’éleveur et le pêcheur africains de la pauvreté, et les mettre en situation de nourrir l’Afrique ? La résolution de cette équation est fondamentale, et la COVID 19 a bousculé nos certitudes et mis à nu nos multiples fragilités sectorielles, individuelles et collectives. Le Coronavirus a bouleversé les bases mêmes de l’humanité, et nous a fait prendre conscience que les immenses richesses naturelles dont dispose l’Afrique doivent être exploitées par les Africains.

FACE A L’AFRIQUE, LA SOLIDARITE INTERNATIONALE A TOUJOURS ETE TIMIDE

Notre continent ne doit plus être cette gigantesque arène de prospérité où s’affrontent les gladiateurs occidentaux, et où se côtoient les espérances d’émergence des populations africaines et les désespoirs qu’engendrent la faim, les guerres et le terrorisme. Face à l’Afrique, la solidarité internationale a toujours été timide. La communauté internationale promet et prend des engagements qu’elle peine à respecter. Depuis la Conférence Internationale sur le financement du développement de Monterrey, en Mars 2002, en passant par la Déclaration de Rome, en 2003, celle de Paris, en 2005, et l’importante Déclaration d’Accra, en 2008, qui confirmait toutes ces mesures par l’ « Agenda d’Accra pour l’action», les engagements des pays donateurs pour favoriser le financement du développement de l’Afrique n’ont jamais, ou très peu, été suivis d’effets. La Déclaration de Doha de Décembre 2008, tout comme les engagements de Doha de 2013, suite à l’Examen mutuel de l’efficacité du développement en Afrique, examen initié par les décideurs africains et les Partenaires au développement pour financer une croissance inclusive en Afrique, sont restés lettre morte, obligeant certains de nos pays à revoir leurs ambitions à la baisse, et à s’endetter pour financer leurs plans de développement. La dette vis à vis de l’Afrique est lourde et inique. Elle remonte à l’esclavage et à la colonisation qui ont institutionnalisé une pauvreté chronique et structurelle. On ne doit pas fonder la stratégie de croissance inclusive d’un pays sur une rente attendue des matières premières.

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La COVID19 a confirmé que la malédiction des matières premières, connue sous le concept de « Durch disease», est une pathologie qui peut s’étendre par contamination à d’autres secteurs comme le tourisme, le secteur informel, le commerce, les transports aérien, terrestre et maritime, les transferts de la diaspora, entre autres. La chute vertigineuse du prix du baril de pétrole, résultant de la crise sanitaire, en est une preuve palpable. Les pays comme l’Angola, l’Algérie, le Nigéria, la Guinée équatoriale, entre autres, sans oublier les petits producteurs comme la Côte d’Ivoire, le Congo, le Tchad, le Gabon, le Ghana, et le Kenya ont vu leurs planifications bouleversées et leurs rêves brisés. De multiples programmes d’investissement sont rangés dans les tiroirs, à l’image des projets gaziers et miniers, dans des pays comme le Mozambique, l’Afrique du Sud, la RDC et la Zambie. Selon les estimations des professionnels du secteur, le pétrole et le gaz naturel devraient être durablement affectés. Les pays africains ne produisent pas assez pour nourrir leurs populations, et procèdent à des importations massives de denrées de première nécessité qui pèsent négativement sur leurs balances commerciales.

L’AUTOSUFFISANCE ALIMENTAIRE DOIT ETRE UNE PRIORITE

La production locale est souvent découragée par l’importation des produits subventionnés, en provenance des pays industrialisés, qui inondent les marchés africains. Plusieurs filières prometteuses comme le coton, le riz, le maïs, l’arachide, la tomate, le lait et produits dérivés, la viande, les fruits et légumes, entre autres, ne résistent pas à ces produits subventionnés et meurent, accroissant la misère dans nos villes et campagnes africaines. Il est plus facile, à court terme, d’importer que de produire.

Par ailleurs, les «commissions» enrichissent certains individus, et des taxes importantes renflouent les caisses des Etats. Les objectifs de développement agricole doivent être corrigés et doivent prendre en compte les questions cadastrales et le statut foncier, les intrants, les semences, la motorisation et la mécanisation, les infrastructures de stockage et de conservation, l’organisation des marchés pour une bonne distribution, la formation du capital humain et les prix, l’autonomisation des femmes et la responsabilisation des jeunes. Dans ce processus, le commerce intra-africain, encore trop faible (moins de 15%), doit jouer un rôle important par le biais des programmes communautaires.

Cette pauvreté de l’Afrique, inacceptable sur le plan éthique dans ce 21ème siècle finissant, est la résultante de politiques économiques inadaptées, mises en œuvre depuis les Indépendances, et qui engendrent un ensemble de comportements sociaux, culturels et politiques. Cette pauvreté institutionnelle rejoint quelque part la définition du philosophe français Michel Onfray. Dans son ouvrage « Politique du rebelle, Traité de résistance et d’insoumission», Paris, Grasset 1997, il distingue trois cercles centrés sur la pauvreté : le premier qui correspond à celui des damnés (la tribu des mendiants qui ne survit que grâce à l’aumône); le second cercle correspond à celui des éprouvés (malades, délinquants, clandestins et refugiés); enfin le dernier cercle correspond à celui des exploités (emplois précaires, déplacés, prolétaires et paysans sans terre ou éleveurs sans troupeaux). Les conséquences économiques de la COVID19 nous permettent de mieux comprendre la position anglaise du protectionnisme.

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L’économiste britannique, William Nassau Senior, «un des plus grands économistes anglais de son temps» et héritier d’Adam Smith, soutient que : «Nul n’est économiste s’il est protectionniste ».Evidemment, vivant comme ses contemporains dans un monde profondément protectionniste, ce n’était ni un blâme, ni même un reproche. Il se cantonnait à expliquer sa conviction profonde que l’économiste doit favoriser le libre- échange, et en faisant baisser les prix, il améliore le pouvoir d’achat des populations. Par contre, le protectionniste, en empêchant la concurrence, avantage certains secteurs au détriment des consommateurs.

Dans la logique économique qui motive son raisonnement, le rôle de l’économiste est de concevoir les politiques qui améliorent la situation globale de la population. Dans ce cadre, le protectionniste est celui qui choisit de favoriser une partie de la population au détriment de l’autre. Son raisonnement n’est pas faux. Les décideurs anglais de l’époque connaissaient bien ces théories économiques, mais avaient courageusement choisi de défendre leur production nationale de blé, pour plusieurs raisons : d’abord, pour garantir le pouvoir, la richesse et le statut social des Nobles, propriétaires terriens, ensuite, pour s’assurer qu’en cas de nouveau blocus continental, comme celui mis en place par Napoléon 1er, l’Angleterre serait en mesure de nourrir sa population. Cette observation empirique pose le problème épistémologique du fondement d’une décision et, au-delà, pose le débat, toujours d’actualité, de la perception de l’économiste face au discernement du décideur politique.

L’économiste développe sa logique en termes de coûts de production et de pouvoir d’achat, le décideur politique prend sa décision en considérant d’autres paramètres. C’est bien le sens que je donne au bien-fondé des décisions du Président Macky Sall, soutenues par une logique cartésienne d’organisation et de méthode. Il découle de ces postulats que l’économiste ne doit pas influencer l’action du décideur par ses théories, mais il doit lui fournir tous les outils et les moyens d’analyser la situation, de prendre les actes utiles pour les populations, et d’évaluer les conséquences de ses décisions.

Par transposition expérimentale, et analysant les conséquences de la pandémie COVID 19 sur l’Afrique, il est aisé de noter un taux élevé de dépendance globale des économies africaines, à tous les niveaux. Si cette crise inédite se prolongeait, l’Afrique pourrait connaître une asphyxie généralisée, engendrant la famine, d’autres pandémies, des ré- voltes et bouillonnements sociaux indescriptibles. Il est donc urgent de repenser et de promouvoir des politiques essentielles, susceptibles de réaliser pleinement le potentiel de développement de nos pays. La cause de la sous-performance économique de l’Afrique doit être analysée, afin de faire revenir nos pays sur le chemin d’une croissance économique durable.

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L’ELEVAGE SENEGALAIS ET LE PSE

Ainsi, avant la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE), le sous-secteur de l’élevage a souffert de l’absence d’une démarche participative, et d’une volonté politique forte d’allouer à ce secteur des ressources suffisantes, sur la base d’une concertation institutionnalisée et d’un dispositif de participation plus ancrée dans le groupe socio-culturel des acteurs à la base. Les acteurs privés, producteurs et organisations intéressés ont, en effet, rarement été impliqués dans la définition des programmes et réformes qui devaient les conduire à se mobiliser autour d’objectifs dynamiques de croissance et de productivité. C’est pourquoi, dans la définition du Programme National de Développement de l’Elevage (PNDE), les consultations à la base, au niveau des communautés rurales, ont été privilégiées. Cette démarche nouvelle a permis de construire un consensus avec tous les acteurs, validé au cours d’un atelier, en juin 2013. Au Sénégal, l’élevage contribue largement à la réduction de la pauvreté. En 2018, il est évalué à hauteur de 4,4% du PIB national, et il compte pour 25%de la valeur ajoutée de l’agriculture.

Cette activité touche 28,2% des ménages, dont 73,9% en milieu rural, et 26% en milieu urbain. L’essentiel des enjeux de ce sous-secteur porte sur la qualité et la quantité des différentes productions animales, la sécurisation des systèmes pastoraux et agropastoraux, l’approvisionnement régulier des marchés des industries animales et leurs développements, la santé animale et la professionnalisation du secteur.

Depuis les indépendances, les politiques de promotion du sous-secteur peuvent se résumer en dix (10)temps forts :

– 1970 : Période des grands projets du Ferlo : PDESO et SODEP (Projet de commercialisation du bétail suivant une stratification des productions animales par zones) naissance en zone pastorale, réélevage en zone agropastorale et embouche en périurbain ;

– Années 1980 : Plans d’ajustement structurel et nouvelle politique de forages ;

– Fin des années 1980 : Création de ré- serves sylvo- pastorales et déclassement concomitant de superficies importantes comme Déaly, Boulal, MBéggé etc., en faveur d’exploitants agricoles ;

– Années 1990 : Création du PAPEL (projet d’appui à l’élevage) et mise en place des Unités Pastorales (UP),Ranchs et Fermes modernes, Projets de Laiteries Industrielles comme Nestlé ;

– 2004 à 2008 :Nouvelle initiative sectorielle pour le développement de l’élevage avec la promotion de fermes privées, mise en place du Centre d’impulsion et de Modernisation de l’Elevage (CIMEL), création du Fonds d’appui à la stabulation (FONSTAB);

– 2008 : Crise alimentaire et restructuration du MEL, intégration de la CDMST : gestion axée sur le résultat(GAR);

– 2009 :Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (GOANA);

– 2011 : Plan National de Développement de l’Elevage (PNDE), suivi d’une relecture en 2013 ;

– 2014 : préparation de la loi foncière et rédaction et discussion du code pastoral ;

– 2015 : Mise en œuvre du projet d’appui au pastoralisme au Sahel (PRAPAS) 2015-2017.

CONCLUSION

Sans aucun doute, le PSE a fortement contribué à renforcer la dynamique de générations de politiques en matière d’élevage. Les résultats probants obtenus sont en parfaite adéquation avec la priorité accordée par le Président Macky Sall à cette activité importante, en étroite interaction avec l’agriculture.







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