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A Mboro Ce Qui Lui Revient :

Des populations de Mboro et Darou khoudoss manifestant contre les industries extractives.

La zone des Niayes, abritant Mboro, est par excellence un espace économique d’envergure en ce qu’elle constitue un cadre fécond, propice au développement d’activités maraîchères, pastorales, touristiques, maritimes, minières, industrielles qui s’y déploient à un rythme croissant, attirant ainsi un nombre de plus en plus important de populations. En attestent une densité frisant 10 mille hbts/km2 et une croissance urbaine de l’ordre de 9%, pour ce qui concerne Mboro. Cela est le résultat d’un dynamique front minier, accompagné d’une boulimie foncière alimentée par des concessions minières accordées par les pouvoirs publics. En guise d’illustration, près de 100 mille ha sont accordés aux unités industrielles présentes dans la zone. Cela a comme corollaire un amenuisement de l’espace vital.

L’un dans l’autre, la jeune commune créée par le décret 2002-171 du 21 février 2002 fait face depuis belle lurette à un épuisement manifeste de sa réserve foncière qui compromet sérieusement toute possibilité d’extension, et menace tout simplement sa survie.

Pis, avec l’Acte 3 de la décentralisation consacrant la communalisation intégrale, Mboro apparaît comme un petit appendice de Darou Khoudoss, une commune voisine qui a conservé, contre toute attente, son ancien périmètre de communauté rurale. En termes clairs, Mboro est à la fois cernée par les entreprises extractives et étouffée voire étranglée par Darou Khoudoss, confinée qu’elle est dans une petite portion de territoire (environ 3 km2 contre 320 pour la commune voisine nouvellement créée). Egalement, pour ne rien arranger, avec l’érection de Méouane en chef-lieu d’arrondissement, Mboro se retrouve davantage isolée et éloignée de la sphère de décision administrative.

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Cette cascade de décisions, j’allais dire d’errements, prises dans un contexte ou climat d’impréparation fait d’amateurisme ou de règlements de comptes politiciens, a fini d’installer notre commune dans une atmosphère intenable et constitue un cocktail explosif.

Il convient alors de corriger de toute urgence cette incohérence territoriale comme nous y invite d’ailleurs l’exposé des motifs de l’Acte 3 de la décentralisation en ces termes : «Corriger les faiblesses objectives du cadre organisationnel et fonctionnel de la décentralisation pour la promotion d’un développement territorial, corriger le manque de viabilité du territoire pour la valorisation des territoires.» Cette double volonté coïncide parfaitement avec la situation qui prévaut entre Mboro et Darou Khoudoss.

Il s’agit, en termes de correction, de rendre à Mboro ce qui lui appartient. C’est dans cette logique que s’inscrit l’invite du président de la République lors de la Conférence nationale sur l’aménagement quand il déclarait : «Il faut une nécessaire correction territoriale. Chacun a son petit gâteau. Il nous faut une analyse scientifique et objective.» Le Président en appelle alors à un redécoupage réfléchi, raisonnable, cohérent pour garantir plus d’équité et de sécurité, et assurer un développement harmonieux.

A Mboro ce qui lui appartient pour une meilleure politique infrastructurelle. En effet, élargir l’espace communal de Mboro, c’est offrir une bouffée d’oxygène à cette commune s’étouffant. Cet élargissement d’une nécessité impérieuse serait salutaire, car il permettrait l’érection d’infrastructures de base indispensables pour tout développement et dont Mboro a grandement besoin.

A Mboro ce qui lui appartient pour aider à contenir la forte poussée démographique qui apparaît comme une bombe à retardement face au taux galopant du chômage. L’élargisse­ment serait une soupape de sécurité pour cette fourmilière humaine attirée par les entreprises et permettrait de prévenir les tensions éventuelles d’un trop-plein de population.

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A Mboro enfin ce qui lui appartient pour plus d’équité, de justice sociale, mais surtout de cohérence territoriale, car il est inhabituel de voir une commune qui en enjambe une autre, chose tout de même paradoxale.

Il convient alors, chers décideurs, de procéder diligemment à une juste correction du mauvais découpage pour coller à l’esprit de l’Acte 3 de la décentralisation. Et il importe dans ce contexte de méditer ces sages propos de Albert Camus : «Le pouvoir ne se sépare pas de l’injustice. Le bon pouvoir est l’administration saine et prudente de l’injustice.»

Cheikh Ahmed Tidiane SALL

Professeur au

Lycée Taïba-ICS de Mboro

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