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Coronavirus, Une ÉpidÉmie Au Temps De La Lutte Pour L’hÉgÉmonie Mondiale

Le sociologue britannique Philip Strong qui a observé le développement et la propagation du VIH Sida et a étudié les grandes épidémies qui ont frappé l’Europe depuis le moyen-âge faisait remarquer il y a quelques années « l’apparition d’une nouvelle épidémie mortelle généralement suivie rapidement d’un accès de peur, de panique, de suspicion et de stigmatisation ».

Les réactions suscitées par l’apparition du coronavirus, en Chine et à travers le monde, peur, panique, suspicion et stigmatisation, confortent en tous point l’observation de Philp Strong.

Voyez la panique qui s’est emparée du mondé entier le 30 janvier dernier quand l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a qualifié l’épidémie de coronavirus  d’«urgence internationale ».

Plus d’une vingtaine de pays, des Etats-Unis à la Russie, au Bangladesh,  à la Thaïlande, à l’Algérie ont immédiatement entrepris d’évacuer leurs ressortissants.

Pratiquement toutes les compagnies aériennes internationales à la suite de British Airways et de Lufthansa ont arrêté toutes leurs liaisons aériennes avec la Chine.

Les pays frontaliers de la Chine que sont la Russie, le Kazakhstan et la Mongolie ont fermé leurs frontières. Même Hong Kong qui est une province chinoise (quoi que jouissant d’une certaine autonomie) a été contrainte par une partie de son opinion publique à faire de même.

En même temps, la Chine et les Chinois sont l’objet de toutes sortes de suspicions et de stigmatisations. Le quotidien français Le Monde fait état du témoignage d’un responsable de l’Association des Chinois de France qui rapporte qu’un de ses compatriotes « s’est fait sortir d’un train bondé par deux individus » et qu’un « père de famille a suggéré à son enfant de s’éloigner d’une personne d’origine asiatique ». Le Monde ajoute que ce responsable de l’Association des Chinois de France « fait même état d’agressions sur des personnes asiatiques ».

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Les réactions des pays et des individus face au coronavirus s’expliquent d’abord par le fait qu’il s’agit d’une maladie contagieuse et mortelle dont on ne connait pas l’origine et pour lequel il n’y a encore ni de vaccin, ni de traitement.

Le bilan de l’épidémie établi par l’OMS au 15 Février courant fait état de  50 580 malades dont 526 enregistrés dans 25 pays différents et de 1 52 4 morts dont 2 en dehors de la Chine.

Il s’agit là assurément d’une situation  grave, épidémique. Déjà, au moment ou nous écrivons ces lignes, le bilan établi par l’OMS pour le 15 Février est dépassé : on parle aujourd’hui 16 Février de pus de 60 000 malades et de plus de 1700 décès.

Pourtant, tout en déclarant l’épidémie « d’urgence internationale » dès son apparition, l’OMS en a fait donné la juste mesure en indiquant que 82% environ des cas répertoriés de cette maladie sont considérés comme mineurs, 15% graves et 3% «critiques».  

L’organisation Mondiale de la Santé tentait alors de contenir les réactions à travers le monde en déclarant par la voix de son Directeur Général qu’il n’y avait pas lieu « de limiter les voyages et les échanges avec la Chine … ».

Mais l’épidémie est devenue un enjeu dans la lutte pour l’hégémonie mondiale qui oppose la Chine aux Etats-Unis et aux puissances mondiales.

La Chine a cru devoir faire voir au monde entier les mesures inimaginables partout ailleurs de confinement à résidence de millions de personnes et de contrôle strict des mouvements de population à travers tout le pays. Ceci pour démontrer que le Parti Communiste Chinois avait appris de sa gestion maladroite de l’épidémie du SARS de 2002/2003 et qu’il était désormais capable à faire face à toutes les situations.

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Il s’agissait aussi de montrer au monde le haut niveau de discipline du peuple chinois, sa capacité à se mobiliser autour de ses objectifs et sa maitrise des dernières techniques et technologies modernes.

La Chine voulait ainsi montrer au monde qu’elle était à la hauteur de son rôle de superpuissance mondiale et qu’elle était capable d’en assumer toutes les responsabilités.

L’information sur la construction de ces deux hôpitaux ultra modernes en moins de 10 jours participe de cette volonté de démonstration de puissance et d’efficacité.

Les Etats-Unis et les pays occidentaux ont tenté quant à eux de prendre le contrepied de cette stratégie de communication de la Chine.

Leurs médias se sont évertués plutôt à donner l’impression que l’épidémie était hors du contrôle des autorités chinoises, que celles-ci avaient tenté encore une fois de cacher la réalité de l’épidémie au monde contre l’avis de leurs propres spécialistes et qu’elles avaient maintenant recours à leurs habituelles méthodes répressives pour faire taire leur population.

Tout ceci a abouti bien à exacerber la peur à travers le monde.

D’autant que dans le même temps, plusieurs pays ont ordonné le rapatriement en masse hors de Chine de leurs nationaux, contrairement aux consignes de l’OMS, les vols en provenance et en direction de la Chine suspendus et les échanges commerciaux drastiquement limités.

Les Etats-Unis ont même déclaré sans ambages, ainsi que leur ministre du commerce Wilbur Ross l’a confié à Fox Business News, accueillir le coronavirus comme une opportunité  d’équilibrer leur balance commerciale avec la Chine en attirant des entreprises à se relocaliser dans leur pays et à y créer des emplois.

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Aussi, selon les autorités chinoises, les Etats-Unis ont cherché délibérément à « semer la peur et la panique » dans le monde, à en croire les mots de M. Hua Chunying, le porte-parole du ministère chinois des Affaires Etrangères lors de sa conférence de presse du 3 Février dernier.

C’est dire que le coronavirus donne bien lieu à un épisode de la lutte pour l’hégémonie mondiale.

Les autres Etats ne sont que quantités négligeables dans cet affrontement : il convient à chacun de s’en accommoder au mieux de ses intérêts bien compris.

L’intérêt des pays africains et notamment du Sénégal aurait été d’abord de se conformer aux recommandations de l’OMS, de se fier au dispositif sanitaire mis en place en Chine et de ne pas céder à la panique en rapatriant précipitamment ses ressortissants.

L’intérêt national aurait commandé ensuite à se préparer activement à faire face à la prochaine épidémie du type coronavirus dont l’OMS nous dit qu’elle pourrait  éclater à n’importe quel moment et à n’importe quel point du globe.

Il faut donc se féliciter que le Sénégal ait refusé de procéder à l’évacuation d’urgence des étudiants basés à Wuhan tout en mobilisant dans le même temps l’Institut Pasteur de Dakar, en relation avec le Centre de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) de l’Union Africaine pour la formation d’experts virologie.

Pour une fois, les autorités de ce pays n’ont pas suivi aveuglément la direction indiquée par la France et les pays occidentaux et ont même résisté à l’opinion publique terrorisée.

Il convient de leur en savoir gré.

Retrouvez chaque semaine sur SenePlus, le billet de notre éditorialiste, Alymana Bathily

abathily@







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