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Savoir Vivre En CommunautÉ…

Il arrive des moments où les puissants d’un temps, pour se relever, doivent s’appuyer sur les petits pays. L’oublier, c’est perdre tout sens de l’Histoire.

Depuis six mois, le Nigeria a fermé ses frontières avec ses voisins, dont deux, le Bénin et le Niger, sont membres, comme lui, de la Cedeao. Une communauté dont la marque de fabrique était, jusque-là, la libre circulation des personnes et des biens. En dépit de tous les efforts diplomatiques et des pressions amicales, rien n’y fait. Le Nigeria campe sur sa fermeté. Comment expliquer cela ?

Il arrive, lorsque la situation économique des pays est difficile, que certains dirigeants tentent de trouver des causes lointaines. Lorsqu’il a pris le pouvoir par un coup d’Etat en 1983, quelques Nigérians s’en souviennent sans doute, le général Buhari avait proscrit la plupart des mouvements de capitaux vers l’extérieur, et il avait interdit la sortie du territoire à de nombreuses personnalités et même à quelques catégories socio-professionnelles spécifiques. Dans un Nigeria désormais démocratique, de telles méthodes seraient évidemment moins aisées, sinon impossibles. Alors, pourquoi pas les voisins ? Ils ont bon dos ! Non pas qu’ils soient irréprochables. Mais, cette contrebande profite probablement autant, sinon davantage à des intérêts privés à l’intérieur du Nigeria qu’aux sous-traitants, dans les pays voisins.

Vous le savez sans doute : le chef de l’Etat burkinabè était, hier vendredi, à Abuja, mandaté par ses pairs, pour tenter de sensibiliser le président Buhari sur tout le tort que sa décision unilatérale cause à l’image de la Cedeao. Mais lorsque l’on lit et relit le message que le président Roch Marc Christian Kaboré a posté sur les réseaux sociaux à l’issue de cette visite, on devine qu’il s’est, au minimum, heurté à un mur.

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Un mur ?

Oui. Parce que, quels que soient les interlocuteurs, le président Buhari aligne toujours les mêmes conditions, qu’il pose, pour rouvrir les frontières. « Je salue, dit le président du Faso, le leadership de mon homologue et frère, et l’assure de ma détermination à œuvrer avec lui à l’effectivité de la libre circulation dans l’espace Cedeao ». Quel diplomate ! Thomas Sankara aurait été à la place du président Kaboré, que, probablement, il aurait formulé la chose de la sorte : « Nous avons une communauté qui a réussi, plus que toute autre sur ce continent, dans le domaine de la libre circulation des personnes et des biens. Vous, avec vos mesures unilatérales, vous voulez détruire tout cela. Nous ne vous laisserons pas faire ! »

Pourquoi Sankara parlerait-il ainsi ?

Parce que le comportement des Nigérians est, au minimum, agaçant. Si vous ne voulez pas que certains produits entrent sur votre territoire, il vous appartient de déployer vos services de douanes et de police aux frontières, pour refouler ou saisir tout ce qui est illégal. Il suffit, parfois, de saisir quelques quantités ‘importantes’ de marchandises, pour que les contrebandiers, effrayés et déstabilisés par le manque à gagner, renoncent, peu à peu à leur forfait. La preuve n’a pas été faite que ce sont les Etats voisins qui organisent la contrebande en direction du Nigeria. Et les commanditaires, à coup sûr, ne sont pas tous au Bénin, au Niger, au Tchad ou au Cameroun. Au Nigeria, certains des bénéficiaires de ces contrebandes font peut-être même partie de ces nombreux milliardaires en dollars qui peuplent ce pays, et s’inventent des épopées, pour impressionner une jeunesse qui ne rêve qu’à devenir riche.

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Ce qui est préoccupant, ici, c’est que ce Nigeria peu respectueux des règles communes est censé être la locomotive, pour l’Eco, la monnaie commune ouest-africaine.

En quoi est-ce préoccupant ?

Comme dit le chansonnier, ce n’est pas dans les livres que l’on apprend à vivre en communauté ! Il est évident qu’aucun peuple ouest-africain ne peut avoir envie de partager la même monnaie avec un leader cyclothymique, capable de s’affranchir, quand cela lui prend, des règles communes. Cette monnaie ouest-africaine est incontestablement le prochain, le plus important défi à relever par la Cedeao. Et, pour que ceci se fasse dans la sérénité, il faudra nécessairement, à la tête du Nigeria, un grand président, panafricaniste, qui comprenne qu’il vaut parfois mieux perdre un peu dans l’immédiat, pour gagner davantage, dans le futur.

Dans une union, une communauté économique et politique, les plus grands, les plus forts, ne sont pas autorisés à faire ce qu’ils veulent, et surtout pas à humilier et à écraser les petits.

Vouloir soumettre les plus faibles n’est pas le leadership que recherche l’Afrique. Le fort se distingue par son altruisme, par l’intérêt qu’il porte aux autres, bref, par cette envergure faite de générosité, que l’on appelle le panafricanisme.

Et sur ce continent, aucun pays n’est pauvre pour toujours, et aucun n’est riche à jamais.







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