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«quelle Approche Citoyenne Pour Une Hygiène Durable»

«quelle Approche Citoyenne Pour Une Hygiène Durable»

– Réflexion et Panel à la Fondation Friedrich Ebert avec Afrikajom Center –

Entrons tout de suite dans le vif du sujet !

Nous nous sommes tous ici réveillés ce matin en prenant notre douche, nous brossant les dents, choisissant les habits les plus appropriés pour venir ici échanger sur la thématique de ce jour. Nous sommes dans la normalité humaine. Bien sûr, le plus grand nombre de nos populations ne vivent pas dans la normalité, faute d’assez d’eau encore moins de brosse à dents ou de costumes ou de boubous et de chemises propres. C’est dans cette diversité qui implique aisance et pauvreté, éducation et errance, que nous devons installer notre sujet.

Nous appartenons tous en majorité à des religions, pour ceux qui croient, des religions qui nous enseignent la propreté, même si nous sommes démunis du minimum. Pour les musulmans, le rituel des ablutions cinq fois par jour est la meilleure des hygiènes. Il s’y ajoute que l’on nous enseigne, en un mot, à éviter toutes souillures et nous ne retenons ici de ce mot «souillure» que ce qui est désigné comme saleté, malpropreté, peu soigneux.

Si les religions qui sont les lits de notre accomplissement sur terre et dans l’au-delà nous poussent vers le beau et le sain, nous devrions avoir peu à faire pour faire de nos espaces de vie un paradis. Ce qui ne veut pas dire que les paradis n’ont pas de poubelles, mais qu’elles y sont invisibles.

L’Etat légifère, adopte des lois.

Les citoyens sont tenus de les respecter.

L’Etat peut sévir quand le citoyen désobéit.

Mais l’Etat, souvent, laisse faire plus qu’il ne sévit.

L’Etat avait échoué. Nous disons «avait», parce qu’il s’est admirablement repris quand nous regardons le travail qui est en train d’être accompli par le département ministériel en charge de l’hygiène au Sénégal. Puisse-t-il rester offensif, dissuasif, car rien ne dure chez nous. Là est le vrai défi. Il n’existe pas que l’Etat pour relever ce défi. Nous sommes tous concernés. La puissance publique ne doit rien céder. Le citoyen doit être le propre moteur de son développement.

Les architectes aussi ont échoué. La commande dicte sa loi anarchique à l’esthétique et à l’harmonie. Certains de nos architectes ont cependant beaucoup travaillé. Ils ne sont pas écoutés. Puisse le président de la République mettre l’Ordre des architectes comme Conseil au cœur de la validation de cette nouvelle ville de Diamniadio qui émerge si admirablement chaque jour, mais si dangereusement menacée également par des mitoyennetés disparates.

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Après Senghor, Dakar, pour ne parler que de cette pauvre capitale, a été dépecée comme un mouton. On s’est servi sans respect et sans souci ni du cadre de vie et d’habitat, ni du plus grand nombre. Douloureux et inacceptable est l’exemple du Cices amputé de son espace d’oxygène et de mobilité. Intolérable l’occupation de la corniche. Et puis vint le béton, partout du béton dans un désordre dépressif. Chaque goute de terrain libre dans Dakar, arraché, occupé, construit. Aucun lieu végétal n’émerge dans cette mer de ciment gris et triste. C’est cela le visage de la mort. Nous sommes dans la mort d’une cité si nous restons dans nos salons, alors que nous n’avons même plus de rue par où passer ni de qualité d’air.

Il nous faut tout redéfinir, a-t-on envie de crier. Mais il n’y a rien à redéfinir, à y regarder de près. Il s’agit juste de respecter notre Code de l’urbanisme. Il faut aller le lire pour voir que tout est écrit, mais que rien n’est respecté. L’indisci­pline serait notre hymne national. Nous avons besoin d’autorité. Il faut que l’autorité s’exerce ! Le Président Macky Sall doit mettre ses bottes et garder longtemps son épée loin du fourreau. Notre chère Armée nationale, cette grande dame aimée et chantée, parée de légende et de bravoure, malgré ses missions régaliennes, doit être souvent sollicitée pour apporter sa part d’autorité dans l’élaboration d’un cadre de vie qui soit le vrai signe du développement.

L’hygiène durable, c’est d’abord l’homme qui pense son futur. La démographie et l’explosion urbaine ont tout bouleversé de nos jours. Le laisser-faire et le laisser-aller ont la vie belle. C’est maintenant que nous devons y mettre un terme. Nous n’y perdrons rien d’autre que nos faiblesses et lamentations.

Les maires d’arrondissement doivent être rappelés à l’ordre, malgré l’insoutenable misère de leur budget. Nous assistons, voit-on, à un bon partenariat avec la tutelle de l’hygiène publique. C’est encourageant. Le ministre Fofana est dans les poubelles et non dans les bureaux climatisés. Cela compte beaucoup. Les temps doivent changer.

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Les chefs de quartier doivent être de plus en plus responsabilisés, car ils sont au cœur de la vie des populations. Les jeunes des quartiers doivent être impliqués dans la politique de veille et d’hygiène durable de leur cœur de vie au lieu de les laisser s’enivrer à longueur de journée de thé et de café Touba.

Le ramassage des ordures s’accompagne dans nos quartiers au petit matin par d’infernaux effets sonores de camions hystériques et des familles qui courent dans tous les sens avec sachets, sceaux, sacs qui dégoulinent. On laisse la moitié des ordures dans la rue avant d’arriver aux camions aux éboueurs sans masque. Il faut réorganiser ce ramassage, le rendre propre, digne.

Les marchés publics doivent faire l’objet de lavage à grandes eaux, chaque soir à la fermeture. De même pour tous ces marchés aux puces le long des marches et des canaux d’évacuation. Il faut occuper l’espace médiatique avec des films sur ce qu’il ne faut pas faire. La Rts le fait bien. Elle doit faire mieux. Il faut conquérir l’espace scolaire avec des slogans répétés chaque matin en salle de classe.

Planter des arbres par des écoliers ! Chaque écolier ou lycéen serait responsable de l’arbre qu’il a planté et serait également noté avec un fort coefficient sur la bonne tenue ou non de la vie de l’arbre planté. Ce serait bâtir chez nos jeunes une admirable conscience citoyenne, écologique et environnementale. Oui, il faut végétaliser nos cadres de vie. La jeunesse y a sa part. C’est cela aussi le rôle de l’école.

Les artistes ont également leur place dans notre politique d’hygiène publique durable. Le fameux et légendaire mouvement dit «Set-sétal» des années 90 était bien l’œuvre d’artistes plasticiens dont notre regretté Issa Samb dit Jo Ouakam. Le plan d’aménagement de la Vdn, imaginé par l’artiste Ousmane Ndiaye Dago, mériterait notre attention et d’abord, en premier, celle du ministre compétent. Originalité, audace créative, coût presque inexistant le caractérisent. Tenez encore pendant que nous y sommes, confions aux artistes le parvis de la gare de Dakar actuellement laissé en ciment brut ! On verrait une merveille. Confions également les bus Dakar dem dikk aux artistes peintres ! Vous assisterez à un éblouissement de tons et de couleurs dans Dakar dont le monde entier se fera l’écho. Rêvons un peu, osons un peu, sortons des bureaux et des parapheurs, respirons un peu, vivons avec les créateurs ! Les tramways dans certains pays européens sont de véritables chefs-d’œuvre qui passent sous vos yeux. Il faut innover. Ayons l’audace d’innover !

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Nous devons faire de l’hygiène durable plus qu’un discours, plus qu’une discipline de vie : faisons-en un art social et collectif qui met en valeurs nos identités, nos génies, nos talents, nos intelligences ! C’est une problématique sociale que nous devons gérer ensemble en regardant loin non avec des balais, mais avec un esprit nouveau, triomphant et conquérant.

Puisse le département de l’hygiène publique, dirigé par le pratique ministre Fofana, étudier l’idée d’installation d’un comité ad hoc d’artistes, plasticiens, sculpteurs, designers, poètes, écrivains, architectes, géographes, historiens, scénaristes, paysagistes, cinéastes, chorégraphes, comédiens, pour que tous échangent, s’enrichissent ensemble autours des idées et des projets pour créer un pays authentique, des villes nouvelles qui nous distingueraient des autres !

Un pays, une ville n’ont de valeur que par ce qui les distingue des autres. C’est à nous de donner une identité à nos cités.

Le Sénégal ne manque pas de prophètes. «Ce qui manque, ce sont des prophètes prêts à porter la croix». Macky Sall porte sa croix. Cela fait du bien. Nous sommes le pays dont on dit que même le miel n’est pas assez sucré. Nous devons tuer ce Sénégalais en nous et cesser de n’être que des témoins polis, souriants et courtois, mais des acteurs responsables, justes et engagés qui changent leur pays. Ce qui est en jeu désormais, ce sont de nouvelles valeurs, ce par quoi une société est digne d’être une référence.

Arrêtons d’être des charmeurs de serpents et agissons !

Amadou Lamine SALL

Poète

Lauréat des Grands Prix

de l’Académie française

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