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Endiguons Le Clientélisme Politique Pour Hisser La Constitution à Un Rang Féerique! (el Aboubacar Sylla)

La politique sénégalaise est profondément marquée par le clientélisme, à savoir que les relations personnelles priment très souvent sur les lois et procédures. Il est ainsi dans la majeure partie des pays africains plus importants de connaitre la bonne personne que d’être instruit dans les lois. Un homme se mettant au service d’un politicien peut ainsi aller loin, s’élever aux plus hautes hauteurs sans jamais avoir eu un diplôme d’université. Etre le frère du Président s’avère plus précieux que d’avoir un doctorat en sciences économiques. Ce clientélisme est souvent dénoncé, mais sa pratique n’a jamais cessé. On semble se lamenter d’un mal universel sans trouver de remède.

Pour commencer, il semble important de souligner que le clientélisme n’est pas un phénomène purement africain. Dans toutes les sociétés, les membres de famille et les clients prospèrent grâce à leur relation avec un homme de pouvoir. Toutefois, dans beaucoup de société, le clientélisme a fini par s’affaiblir, car les lois l’ont emporté sur le lien de sang. Le mérite a eu tendance à être plus important que l’amitié ou la parenté. Plus une civilisation se complexifie, plus l’économie se développe, moins la relation personnelle peut primer. Toutefois, l’Afrique a quelques particularités qui rendent le clientélisme bien plus endurant que dans d’autres régions du monde.

L’Africain est un animal social. Il aime, hait et interagit socialement comme peu d’autres peuples. L’Africain vit sa relation avec sa famille et son entourage de manière plus intense. C’est un attribut culturel qui le rend si unique parmi les peuples de ce monde. On l’admire même pour cela. L’Africain est réputé pour son amour de la famille et ses capacités sociales. Toutefois, cette qualité culturelle est aussi la source du principal défaut des républiques africaines. Le social prime sur les lois. Etre apparenté ou ami est plus important que d’avoir une formation ou avoir passé un examen. C’est pourquoi le pouvoir et la richesse tendent à être distribués plus souvent au nom du sang que selon le mérite.

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Le clientélisme est à certains degrés un besoin politique pour l’Afrique. Dans des républiques jeunes, ou les lois ne sont pas encore assez enracinées, les hommes de pouvoir ont besoin de s’entourer de gens loyaux. Le mérite est souvent secondaire, car ce que le politicien a besoin, c’est de pouvoir compter sur une fidélité à toute épreuve de la part de son entourage. Il donne ainsi la priorité à sa famille, ceux en qui l’Africain peut avoir le plus de confiance, et à ceux qui sont entièrement dépendants de lui, donc ses clients. Le prix de cette stratégie est qu’on voit se hisser au sommet des gens qui ne sont pas les plus capables et méritants. Leur principale vertu est leur loyauté. Toutefois, on ne gouverne pas efficacement un ministère en étant loyal, mais en étant compétent.

Hélas, le politicien qui prendrait le risque de s’entourer de gens méritants et talentueux, serait hanté par la perspective de la trahison. C’est ainsi que les Républiques africaines tentent à avoir des gouvernements peu compétents, car les ministres et secrétaires sont là par loyauté et non par mérite. Le pays en souffre. Le seul vrai gagnant est le politicien qui après cinq à dix ans partira en retraite, laissant d’autres gérer les conséquences de la mauvaise gestion.

Le besoin de garder les gens loyaux est aussi la raison pourquoi la corruption est si généralisée. Quand vous êtes au sommet, vos clients, ministres et alliés exigent de profiter de votre règne. Ils demandent donc des bienfaits, que ce soit sous forme de contrats, de postes ou d’avantages en nature. Tout cela affaiblit les finances de la République et contribue à détourner des grandes sommes qui ne sont pas utilisées pour créer la richesse de demain. Le clientélisme et la corruption vont ainsi de pair. C’est le besoin des politiciens d’avoir des gens loyaux qui les pousse à gouverner au détriment du peuple.

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Comment améliorer les choses ? Ils n’existent pas beaucoup de solutions. En vérité, le seul remède durable est le renforcement des lois. Il faut que la Loi soit la seule mesure, la seule source d’autorité dans le pays. Ce sera un long processus pour arriver à cette situation, mais il est indispensable. Pour renforcer la loi, il faut que l’Africain devienne un légaliste effréné. Tous ce qui n’est pas sanctionné par la loi doit subir l’opprobre collectif. Violer la loi doit revenir à blasphémer contre Dieu. Seulement en mettant la loi au sommet, on peut dissuader les hommes de pouvoir d’en abuser. Une fois la loi hissée au rang d’une divinité, elle pourra servir pour soigner le pays. Il faut que les règles soient claires, mais aussi prennent conscience de la culture africaine.

A la place d’interdire le népotisme complètement, donc de favoriser sa famille, ce qui serait irréaliste ; il faudrait le limiter. Par exemple, on fixe par la loi un nombre strict de membres de la famille d’un politicien pouvant être nommé à des postes par ce dernier. Une autre possibilité, on établit combien l’entreprise d’un ami du politicien peut toucher au plus de subventions, quel que soit le contexte. Ce sont des mesures qui ne cherchent pas à éliminer ce qui ne pourra jamais être complètement supprimé, mais à endiguer le phénomène.

Le simple fait de poser des limites, va avoir pour effet à ce que le politicien calculera plus sagement qu’il doit nommer. Il pratiquera le clientélisme alors de manière plus stratégique et donc moins nuisible au pays. Ses clients, eux, seront incités à plus de loyauté, car ils savent qu’ils jouissent d’un privilège que beaucoup voudront également avoir. Les clients s’engageront dans une lutte pour profiter des avantages légaux, devenant ainsi plus loyaux et de meilleure qualité. Pourquoi ? Car le clientélisme « légalisé » les protègera de toute répression judiciaire, alors que tous ceux qui profitent du clientélisme en dehors des limites, risquent de subir le courroux des juges qui pourront s’appuyer sur des lois créant une limite claire. Si on crée une limite, on constitue également un terrain de chasse pour les juges dévoués à la lutte contre la corruption.

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C’est une proposition peu orthodoxe, mais il est ma conviction que nous devons chercher non à atteindre un idéal inaccessible, mais à contribuer à améliorer nos sociétés pas après pas. Le chemin est très long, mais il est ma conviction que nous devons prendre ce temps. On ne construit pas une civilisation prospère en une génération. C’est une œuvre qui peut prendre des décennies voire même des siècles.

El Aboubacar SYLLA 

 

 

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