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Valider Une Troisieme Candidature De Macky Serait Une Incongruite Juridique !

L’invalidité d’une 3e candidature consécutive du président sortant en 2024 ne devait même pas faire débat. Les réactions qui se cantonnent sur des considérations d’application de la loi dans le temps facilitent la controverse aux courtisans de cette 3e candidature. Traiter un problème sur ce terrain suppose qu’il y ait eu modification de la règle applicable. Or, j’invite le peuple à y rester attentif, aucun changement du droit constitutionnel sénégalais n’est intervenu sur l’existence de la règle de la limitation du nombre de mandats consécutifs à deux, depuis le 22 janvier 2001 ! La seule chose qui a affecté, juridiquement, cette règle préexistante concerne son inclusion, par la loi constitutionnelle 2016-10, dans les dispositions insusceptibles de révision.

Entre, « le mandat est renouvelable une seule fois » et « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs », il y a réécriture de la même règle. Les auteurs du nouveau texte « ont voulu » préciser le sens  sémantique de ladite règle (considérons-les comme républicains ne cherchant pas des moyens, d’ailleurs inefficaces, de contourner la règle). Volonté de clarification qui a fini par confondre une partie de l’opinion publique. J’insiste ! Ces deux formules interdisent l’enchaînement de trois mandats.

Par définition L’interdiction a été appliquée lors de l’examen de la recevabilité de la candidature de M.Sall en 2012. Et si quelques esprits en doutaient encore, je leur rappelle que, en répondant au recours porté contre la candidature de Mr. Abdoulaye Wade sur le terrain du décompte des nombres de mandats, la décision du Conseil constitutionnel du 29 janvier 2012 a assujetti à la règle de la limitation du nombre de mandats toutes les candidatures validées : « Considérant, par suite, que le Président de la République, sous la Constitution de 2001, effectue un premier  mandat durant la période 2007/2012 ; qu’il est donc en droit de se présenter à l’élection du 26 février 2012 » (considérant n° 15). Je précise, au passage, que M. Wade avait contesté la candidature de M. Sall, sur le terrain de la législation fiscale certes. Mais il n’empêche que le dispositif de la décision déclare la recevabilité de la candidature de M.Sall nécessairement sous les auspices de la règle de la limitation du nombre de mandats. La décision contraignante, passée en force de chose jugée, a gelé le mandat entamé en 2012 comme PREMIER mandat.

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D’abord et avant tout devant le peuple..

L’obstacle juridique à la validation d’une 3e candidature de M. Sall en 2024 par le Conseil constitutionnel est plus fondamental qu’une question de modalités d’application de la loi dans le temps. Aussi bien la jurisprudence de 2012 que l’avis du 12 février 2016 délivré, en matière consultative, ne réglaient d’ailleurs que la difficulté des modalités d’application dans le temps, d’une règle nouvelle. En 2012 il s’agissait de la détermination du mandat de référence pour le décompte des deux mandats de Mr. Wade. En 2016, la question de l’application de la nouvelle durée de 5 ans au mandat de M. Sall entamé sous une loi qui fixait celle-ci à 7 ans. Je n’ai, donc, aucune hésitation à affirmer que toute réponse favorable du Conseil à la candidature du président sortant en 2024, qui se placerait sur, ou viserait, des considérations d’applicabilité de la loi dans le temps devra, D’ABORD ET AVANT TOUT, justifier devant le peuple (et, sur le plan scientifique, la communauté de juristes), le traitement de la règle de la limitation du nombre des mandats de Macky Sall sur ce terrain, alors même que, depuis 2001, il n’y aura eu aucun changement de la règle (appliquée à partir du mandat 2007-2012). Ce serait seulement en surmontant cet obstacle fondamental (en disant que la règle de la limitation du nombre de mandats appliquée à M. Sall en 2012 n’est pas la même que ce qui est inscrit à l’article 27 nouveau), que le Conseil pourrait glisser sur le terrain des modalités d’application dans le temps de cette règle nouvelle.

Pourtant, même dans ce cas, une cascade de péripéties l’attendrait encore. Le principe de l’applicabilité immédiate de la loi constitutionnelle nouvelle s’y opposera pour défaut de dispositions constitutionnelles écartant l’application immédiate de l’article 27 nouveau à l’un, au moins, des deux éléments du mandat entamé en 2012 (que sont la durée du mandat et le nombre de mandats). Mais cela tombe sous le sens que les auteurs du texte n’auraient pas osé inscrire une disposition transitoire qui écarte la règle de la limitation du nombre de mandats vis-à-vis du mandat entamé en 2012 !

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La simple inscription d’un tel texte dans le projet soumis pour avis aurait été une atteinte à la Constitution sénégalaise qui lui avait déjà comptabilisé un premier mandat. C’aurait, surtout, été une insulte au peuple sénégalais de la part de celui qui disait vouloir réduire la durée de son propre mandat ainsi que rendre non révisables les règles relatives au mandat, le tout au nom de la démocratie. Je me contenterai, dans l’éventualité d’y revenir plus amplement dans des écrits ultérieurs, d’énumérer les multiples péripéties qui attendraient le Conseil : – Vis-à-vis du mandat entamé en 2012, aucune disposition transitoire n’écarte expressément l’application immédiate de la règle de la durée du mandat (autrement M. Sall aurait pu invoquer le précédent de 2012). D’ailleurs, tout juriste rigoureux s’interroge encore sur le fondement constitutionnel de la fonction exercée par M. Sall entre 2017 et 2019). – On ne saurait opposer la MOTIVATION d’un AVIS consultatif au DISPOSITIF d’une DECISION juridictionnelle contraignante (rendue en 2012 et passé en force de chose jugée) ; – On ne saurait faire passer l’AVIS de 2016 pour une disposition CONSTITUTIONNELLE TRANSITOIRE (malgré l’insertion, dans l’article 92 de la Constitution qui fixe la portée juridique des « décisions » du Conseil, d’une disposition selon laquelle « le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de la République pour avis »).

Autrement, chose gravissime, l’avis aurait le rang de loi constitutionnelle. Chose d’autant gravissime que, politiquement, la règle constitutionnelle qui sera tenue en échec fut votée directement par le peuple en 2001 et l’a réitérée en mars 2016 sans le moindre sentiment de créer une règle nouvelle !

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Serigne Chouebou DIONE

Doctorant en droit public

Institut de recherche Carre de Malberg Université de Strasbourg

E-mail : madyana@vivaldi.net







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