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IndÉpendance Cha-cha

Ce répertoire dont chaque partition correspond à un moment tragique de notre histoire fonde ma mémoire au même titre que mes idées. C’est par la musique que je perçois ce continent, c’est par la musique que je le pense. La musique africaine moderne et l’Indépendance sont des sœurs jumelles et j’ai l’impression qu’elles sont nées sous mes yeux. C’est vers 1957-1958, à l’aube de l’Indépendance guinéenne, qu’apparaissent les premiers disques africains, ces fameux 33 tours qui furent les ancêtres du microsillon.

Des indépendances avec des idées, mais aussi avec de la musique

Quand je pense à cette époque, un morceau mythique, un morceau fondateur me revient tout de suite à l’esprit : « Alliance mode succes », l’inusable tube de l’OK Jazz et Dewayon. Pour moi, l’Indépendance guinéenne, ce ne sont pas les discours de Sékou Touré ni même l’hymne national, c’est « Alliance mode succes » auquel il faut ajouter « Miabélé » (cette belle chanson baoulé reprise par Les Ballets Africains de Fodéba Keïta) et bien évidemment « Nina » de Kouyaté Sory Kandia. Aujourd’hui encore, ces morceaux-là, dès que je les entends, je revois mes 11 ans dans mon village natal au milieu des drapeaux et des flonflons. Je revois ma très prometteuse enfance dans ma Guinée, une Guinée super-euphorique qui pensait avoir décroché la lune pour avoir osé dire « non » à de Gaulle.

L’émergence du highlife

Après la Guinée, le Congo. En 1960, Kabasele signe Indépendance-cha-cha pour saluer la fameuse table ronde que Bolya, Tschombe, Kasabu, Lumumba, Kalonji et les autres tiennent à Bruxelles dans l’espoir de sortir sans grand mal leur Congo des griffes de la colonisation belge. Délicieuse chanson qui, hélas, prendra un goût de deuil avec l’assassinat de Lumumba en janvier 1961.

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La mort de Lumumba secoue violemment les Africains. Leur marche vers la liberté et l’unité ne s’arrête pas pour autant. En 1961, le Mali rejoint l’Union Ghana-Guinée. L’occasion pour le maître du highlife, E.T. Mensah, de nous offrir son fameux Ghana-Guinea-Mali Union qui sera, pour la décennie suivante, la mascotte des ladies and gentlemen d’Accra, de Lagos, de Cotonou, de Lomé, de Conakry et d’Abidjan.

À Addis-Abeba, en 1963, naît l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Le Bembeya Jazz, qui en était à ses débuts, enregistre OUA gagnera. Garde-malade dévouée et infatigable, Myriam Makeba, l’impératrice de la chanson africaine, n’a jamais quitté le chevet de son peuple atteint d’apartheid. « Pata-pata », « Malaika », « Hapo Zamani » et autres trésors nous ont permis à tous de tenir et d’espérer : à Durban, à Soweto, mais aussi à Maputo, à Luanda, à Bissau et ailleurs. La musique accompagne notre vie, célèbre de sa symphonie nos moments de joie et de fête, égrène des notes de deuil pour marquer nos chagrins et nos peines.

De Laba Sosseh à Johnny Clegg

En 1969, pour échapper aux tueurs de Sékou Touré, j’ai dû, à 22 ans, marcher 150 km pour rejoindre le Sénégal. Où ai-je trouvé la force d’affronter une telle épreuve ? Dans une chanson qui jamais ne quittera ma tête, « Seyni » de Laba Sosseh, mon dieu, à moi ! En 1973 à Man (Côte d’Ivoire), c’est en écoutant « Anowawa » du regretté Ernesto Djédjé que j’ai appris l’assassinat d’Amilcar Cabral. En 1976, à Grenoble, j’ai fait la connaissance de Mohamed Maïga, ce génial journaliste nigérien, ce météore qui aura marqué toute notre génération. Il me fit découvrir un sorcier yoruba du nom de Fela Kuti Ramson qui, en soumettant le jazz à la fulgurance de Xango, a produit ce rituel plein de bruit et de fureur que l’on appelle afrobeat. Eh bien, c’est en écoutant Shakara que j’ai appris l’arrestation de Diallo Telli, cette année-là. L’événement mondial des années 90 fut la libération de Mandela. Avec quelles clefs ouvrit-on les portes de sa prison ? « Nelson Mandela » de Youssou Ndour et « Asimbonanga » de Johnny Clegg, bien sûr.

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