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Le Tango du Coronavirus Dans L’industrie Pétrolière, Gazière Et Minière Sur Fond De Confrontation Entre L’arabie Saoudite, La Russie Et Les Etats-unis

Le virus de Wuhan (région du Hubei) en Chine ou l’épidémie de coronavirus (Covid-19) s’est répandu sur les cinq continents. Le nombre de cas s’est accéléré dans le monde et a poussé l’Organisation mondiale de la santé (Oms) à qualifier l’épidémie de Covid-19 de pandémie. Cette tragédie sanitaire de portée internationale dessine les contours d’importantes difficultés aux effets incalculables, compte tenu de l’importance mondiale de la pandémie et des conséquences à court, moyen et long termes sur tous les secteurs de l’économie mondiale. En attendant que les mesures radicales mises en place pour enrayer la propagation de la pandémie démontrent leur efficacité, des prévisions négatives font partout surface.

Concernant le secteur extractif, il semble que le coronavirus cham­bou­le l’industrie pétrolière, gazière et minière. Le Covid-19 a été vite épinglé comme facteur explicatif de la baisse vertigineuse des prix du baril du pétrole, qui ont chuté à 31 dollars. Comme le tempo et le rythme du tango, le Covid-19, sur ses temps forts, a accéléré la marche de l’industrie pétrolière, gazière et minière en des séquences considérablement diversifiées. L’effon­dre­ment des cours du baril du pétrole, qui a plongé de 30% en une semaine, a ainsi des effets en cascade sur le marché de l’ensemble des métaux industriels et précieux qui chutent avec la crise du coronavirus.

Le marché des matières premières minérales a enregistré de fortes baisses des prix, sauf celui de l’or dont le cours s’est bonifié, ainsi que le minerai de fer qui se distingue par son étonnante résistance. La baisse des prix a affecté le gaz qui touche déjà des planchers historiques, le cuivre, excellent indicateur de la santé de l’économie mondiale, le zinc, utilisé dans la fabrication des glissières d’autoroute et des briquets, l’aluminium, utilisé de nos jours dans de nombreux domaines, comme l’industrie du bâtiment, l’industrie agro-alimentaire, les produits pharmaceutiques, le nickel, utilisé dans les batteries électriques et pour la fabrication d’acier inoxydable, couramment appelé acier inox ou inox. La tendance est la même pour les métaux précieux tels que le platine, le palladium, très recherché par l’industrie automobile pour les pots catalytiques des voitures à essence, et le zircon qui a enregistré un bilan offre/demande en excédent en 2019, entrainant une érosion du prix de marché du zircon.

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Le coronavirus est-il le seul responsable de la baisse des prix des matières premières minérales ? Il me semble que le Covid-19 est un suspect facile, réducteur et insuffisant pour expliquer la chute des prix du pétrole en particulier, du gaz et de certains produits miniers en général.

Une baisse du cours du pétrole est aussi liée à l’offre importante et à la guerre des tranchées entre l’Arabie Saoudite, les Usa et la Russie

Lorsque l’épidémie coronavirus s’est déclarée en Chine en fin 2019, le cours du baril était déjà en baisse (61,63 dollars/b) en raison de l’affaiblissement de la demande mondiale de pétrole qui essuyait déjà les contrecoups des faibles performances de l’économie mondiale et de la popularité croissante des énergies renouvelables. Après avoir enregistré une hausse d’environ 20% au premier trimestre de l’année 2019, le prix du baril a connu une baisse continue du mois d’avril 2019 (68,58 dollars­/baril) à octobre 2019 (57,27 dollars/baril) pour connaître une légère hausse (63,35 dollars/baril) en fin d’année 2019, sans atteindre son niveau d’avril 2019. La tension entre Washington et Téhéran (le raid américain à l’encontre du général Soleimani), avait fait remonter le baril de pétrole à 70 dollars. Le marché pétrolier avait réagi en anticipation, craignant des représailles plus intenses venant de l’Iran, avec notamment la possibilité de blocage sur le détroit d’Ormuz, où transitent près de 20% de la consommation mondiale. L’Iran a déjà menacé à plusieurs reprises de bloquer ce couloir maritime en cas d’escalade des tensions.

Le coronavirus a eu un effet amplifiant sur le cours du baril de pétrole, mais en arrière-plan se joue une confrontation entre l’Arabie Saoudite, la Russie et les Etats-Unis. Dans une économie mondiale qui reste convalescente, la capacité d’absorber un choc pétrolier est très limitée, même un choc de faible ampleur. La baisse vertigineuse des prix du pétrole est la conséquence de l’affrontement direct entre l’Arabie Saoudite -pays producteur membre de l’Opep- et la Russie, un pays non membre de l’Opep, et indirectement les Usa. L’Arabie Saoudite est le principal acteur de l’Organisation des pays producteurs de pétrole dont la Russie n’est qu’associée comme membre (Opep+). Le Kremlin était favorable à une réduction de la production, tandis que Rosneft, société d’Etat russe spécialisée dans l’extraction, la transformation et la distribution de pétrole, le deuxième plus grand producteur de pétrole russe plaidait pour un chacun pour soi.

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Cette nouvelle guerre des prix du pétrole est une remise en cause frontale de la stratégie pétrolière de la Russie, mais plus encore des Usa. Il semble que l’Arabie Saoudite menace de détruire l’industrie américaine du pétrole de schiste (dont la rentabilité suppose un baril au moins à 45 dollars) afin de stopper la tentative américaine de déstabilisation du pays, avec le projet politique de création d’un Etat sunnite, le «Sunnistan», à cheval sur l’Iraq et la Syrie, la partition de l’Arabie Saoudite en cinq et du Yémen en deux.

A long terme, la pandémie du coronavirus pourrait comporter un risque qui pèse sur les projets d’investissement et devenir une source de contentieux commerciaux

Il est trop tôt pour pouvoir prédire comment la situation actuelle en ce qui concerne le coronavirus et certaines des conditions évolutives du marché auront un impact sur l’industrie pétrolière dans le court, moyen et long termes. Même si le coronavirus est maîtrisé sous peu, les analystes prévoient que la demande mondiale de pétrole n’augmentera que de 400 000 barils par jour cette année, contre 1,3 million de barils prévus au début de 2020.

Cependant, la chute drastique des prix menace directement l’équilibre financier de nombreux pays producteurs et peut retarder des décisions d’investissement si elle ne complique pas la validation d’investissement à court terme. Si elle se maintient plusieurs mois, plusieurs pays pourraient se trouver en défaut de paiement. Elle pourrait porter un coup dur à la viabilité de l’industrie du pétrole de schiste aux Etats-Unis, et au développement de champs pétroliers et gaziers en eau profonde, car ces projets nécessitent d’importants investissements initiaux et donc une confiance dans les perspectives des prix des matières premières à développer. Finalement, la baisse des prix des matières premières minérales pourrait atteindre de plein fouet les opérateurs à faible niveau de trésorerie et les producteurs endettés.

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Aussi, si le pétrole ne se remet pas de sa chute et que les impacts dévastateurs du Covid-19 persistent, on peut légitimement s’interroger sur l’impact que pourrait avoir la pandémie sur l’exécution des contrats en cours, du moins sur ceux conclus avant l’avènement de la crise sanitaire, à savoir si l’épidémie du coronavirus peut entraîner la mise en œuvre de la clause de force majeure. Il est incontestable que la pandémie du coronavirus peut devenir la source de nombreux contentieux commerciaux. En effet, certains contrats peuvent contenir des clauses suspensives en cas de force majeure. Il semble qu’il faut considérer en l’espèce, que le coronavirus est un événement imprévisible, irrésistible et qui échappe au contrôle du débiteur de l’obligation. Dans un contexte d’indisponibilité des ressources humaines, la tentation est grande auprès de nombreux cocontractants d’invoquer la force majeure pour suspendre leurs obligations ou mettre un terme au contrat.

Combien de temps prendra l’effondrement des cours des matières premières minérales et la balade du coronavirus ? La réponse est de se pencher et d’attendre la reprise économique en Chine et la fin de la guerre des tranchées entre Ryad, Moscou et Washington, avec en toile de fond le coronavirus qui cherche son vaccin, ce ‘virus de Chine’ – anciennement appelé en vue de chahuter l’économie chinoise. La pandémie finira par se résoudre, la demande reviendra et l’industrie pétrolière, gazière et minière retournera à la stabilité et à la certitude, en attendant la prochaine secousse !

Dr Ousmane CISSE

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