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La Distance Sociale, Un CrÉdo Pour Limiter La Propagation Du Covid 19

La progression de la pandémie du Covid-19 au niveau mondial provoque un cataclysme planétaire dont la conséquence immédiate est le reflexe autarcique, de repli sur soi et de fermeture des frontières aux étrangers comme au Canada. Le Sénégal peut-il se permettre des mesures d’autarcie dans ce concert international ou l’Afrique semble toujours la moins affectée ?

Apres avoir tiré toutes les leçons des différentes stratégies internationales depuis la déclaration par l’OMS de la pandémie du Covid 19 et l’alerte internationale, beaucoup de pays ont décidé de prendre des mesures dictées par les principes de précaution qu’il faut juger en fonction de la prévalence du virus et de l’état de préparation à la gestion de l’urgence sanitaire mondiale. Nous comptons à  ce jour 177.624 cas de coronavirus dans le monde, 7040  morts,  et 67 003 guéris (Source John Hopkins March 15, 2020). Cette situation, selon l’OMS, fait de cette propagation rapide du virus une pandémie qui constitue une menace à la fois sociale, politique et économique. L’OMS définit les coronavirus comme une vaste famille de virus qui peuvent être pathogènes chez l’homme et chez l’animal. Chez l’être humain, les  coronavirus peuvent entraîner des infections respiratoires dont les manifestations vont du simple rhume à des maladies plus graves comme le Syndrome Respiratoire du Moyen-Orient (MERS) et le Syndrome Respiratoire Aigu Sévère (SRAS). Depuis la déclaration des cas à Wuhan en Chine, l’OMS décrète une « Urgence de Santé Publique Mondiale » et demande une « réponse internationale ». L’OMS est partie plus loin en déclarant que le virus est devenu une pandémie dont l’Europe est aujourd’hui l’épicentre.

La volonté politique de l’Etat pour fixer les directions aux opérations d’urgence sanitaire est extrêmement importante surtout dans un contexte de panique et de psychose sans précédent. A l’instar de la France qui a enregistré à ce jour 5423 cas confirmés de Covid 19, 127 décès et 12 guéris qui a vu son président monter au créneau à la veille des élections municipales pour prendre des mesures de confinement et de fermeture des écoles et université, le chef de l’Etat Macky Sall a annoncé des mesures courageuses à la veille de beaucoup de cérémonies religieuses concernant plusieurs confréries. Ces 4 mesures annoncées lors d’un conseil présidentiel extraordinaire sont déclinées comme suit :

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  • Interdiction des manifestations publiques sur l’ensemble du territoire national pour 30 jours,
  • La suppression temporaire de l’accueil des bateaux de croisière et le renforcement systématique des contrôles sanitaires au niveau des frontières terrestres, aériennes et maritimes,
  • La suspension des enseignements dans les écoles, les universités pour une durée de trois semaines à compter du 16 Mars 2020,
  • Le renforcement de la protection des personnels de santé, de sécurité, de défense et de secours mobilisés,
  • La suspension des formalités nationales liées au pèlerinage pour l’année 2020 aux lieux saints.

Toutes ces mesures en soi sont à saluer comme un signe de proactivité et de respect des principes de précaution. Je dois dire que ces mesures aussi contribuent à renforcer la psychose et la panique auprès des populations par sa soudaineté et l’absence de mesures d’accompagnement. Accordons-nous sur le concept de crise sanitaire qui est un événement touchant réellement ou potentiellement un grand nombre de personnes affectant la santé et pouvant éventuellement augmenter le facteur significatif de mortalité ou de surmortalité. La fonction de la réponse à l’urgence sanitaire est de préserver des vies et d’empêcher la dégradation de la situation.

Le Sénégal fait face à une urgence de santé publique de portée mondiale dont les paramètres doivent être appréciés en fonction de la gravité, de son caractère inhabituel, des risques de propagation internationale et des risques de restriction.

L’OMS classifie les urgences sanitaires selon les niveaux :

  • Niveau 1 : un événement unique ou multiple survenu dans un pays avec des conséquences minimes pour la santé publique et qui nécessite une action minime du bureau de pays de l’OMS ou une action minime de l’OMS à l’échelle internationale.
  • Niveau 2 : un événement unique ou multiple survenu dans un pays avec des conséquences modérées pour la santé publique et qui nécessite une action modérée du Bureau pays de l’OMS et/ou une action modérée de l’OMS à l’échelle internationale. Une équipe d’appui à l’action d’urgence dirigée depuis le Bureau Régional coordonne l’aide apportée au bureau pays de l’OMS.
  • Niveau 3 : un événement unique ou multiple survenu dans un pays ayant d’importantes répercussions sur la santé publique et qui nécessite une action de grande envergure du bureau pays de l’OMS et/ou une action de grande envergure de l’OMS à l’échelle internationale. L’aide de l’Organisation et/ou d’un partenaire externe demandée par le bureau pays est importante. Une équipe d’appui à l’action d’urgence dirigée depuis le Bureau Régional coordonne l’aide apportée au Bureau Pays de l’OMS.

La géographie de la pandémie du Covid 19 se distribue sur trois zones limitées à savoir Touba qui est l’épicentre avec 11 cas positifs en un seul jour, Dakar et Mbour avec un total de 26 cas dont deux guéris. A ce jour, le taux de létalité est nulle. Lorsque l’on parle de riposte contre une pandémie, trois actions semblent importantes à savoir : limiter l’introduction du virus, limiter sa propagation, préparer le système de santé (la formation du personnel qualifié, renforcement des capacités des laboratoires et infrastructures).

C’est en s’appuyant sur ces considérations, que nous apprécions positivement et soutenons les quatre mesures concernant l’interdiction des rassemblements de toute nature et le renforcement du contrôle des frontières maritimes, aériennes et ferroviaires, le  renforcement de la protection des personnels de santé, de sécurité, de défense et de secours mobilisés, la  suspension des formalités nationales liées au pèlerinage pour l’année 2020 aux lieux saints de l’islam et de la chrétienne.

Cependant, force est de constater qu’au delà de la sensibilité religieuse, une approche de santé publique cohérente conduirait au confinement de la ville la plus touchée avec un dispositif sécuritaire et un dispositif d’approvisionnement en vivres, condiments pour soutenir les familles et plusieurs unites mobiles de dépistage communautaire, la fermeture des établissements d’enseignement dans cette zone. Le confinement suppose des mesures drastiques et contraignantes à savoir une bonne organisation en termes de cartographie des ménages, de mobilisation des équipes de surveillance, de communication interpersonnelle, d’orientation et de prise en charge sur le site et d’accompagnement religieux sur les gestes de prévention.

Les principes de précaution nous dictent une approche graduelle de l’urgence sanitaire en fonction de la distribution géographique du virus sans accentuer la psychose et la panique collective. Avons-nous pensé aux effets de la mesure de suspension des enseignements sur toute l’étendue du territoire national pendant trois semaines à quelques encablures du Baccalauréat et de la fin de l’année avec le problème du quantum scolaire pour valider une année scolaire dans un système affecté par les grèves ? Ne devrait-on pas envisager de mettre dans tous les établissements des dispositifs de lavage des mains et des mécanismes alternatifs pour l’enseignement en situation de crise sanitaire au lieu de jeter presque des  millions d’élèves, et étudiants avec tous les risques associés ?

Aujourd’hui, l’urgence sanitaire c’est d’interroger la proximité sociale qui définit  notre existant et mettre le focus sur la distanciation sociale par nécessité, notamment dans les  lieux de travail, les transports en commun, les lieux de culte, les lieux d’échange économique, les marchés surpeuplés, les terrains de jeu, les écoles, les dahras, les restaurants, les hôtels, les gargotes, les structures de santé, et dans les maisons pour changer les comportements qui relèvent plus de notre culture. L’un dans l’autre, les dispositifs de lavage des mains doivent être installés partout où le public se retrouve et dans les maisons, les lieux de cultes. En dehors de certaines pharmacies à Dakar, aucun dispositif de lavage des mains n’est visible et nous nous interrogeons sur les capacités logistiques du Sénégal en terme de kits de dépistage, de transport des échantillons au niveau des laboratoires d’analyse, des médicaments, des capacités en terme de lit d’hospitalisation au Service des Maladies infectieuses, et du personnel médical qualifié. 

Nous sommes en face d’un défi majeur qui interpelle notre sens du civisme et de la citoyenneté, pour respecter les gestes qui sauvent, qui protègent et qui ne nuisent pas à la société et la communauté toute entière.    

Concluons avec cette déclaration du Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur Général  de l’OMS : « Cette épidémie peut être repoussée, mais seulement par une approche collective, coordonnée et globale qui engage l’ensemble de l’appareil gouvernemental.».

J’ajouterais l’implication du secteur privé, du secteur informel et des communautés de base avec une nouvelle culture de la citoyenneté et du civisme face au Covid- 19 et au-delà.

Ada Pouye est expert en coordination humanitaire







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