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L’état Abîmé

Quand Abdoulaye Wade posa ses genoux de chef d’État aux pieds de Serigne Saliou Mbacké, Khalife général des mourides, le philosophe Ousseynou Kane se fendit d’un retentissant « La République couchée ».

Le symbole de cette République, garante de toutes les croyances et à équidistance des chapelles, agenouillée devant l’une d’entre elles valait bien une alerte, au moins.

Vingt ans plus tard, alors que partout dans le monde, avec l’apparition du Covid19, on épilogue sur le retour en force de l’Etat stratège – le marché avait fini par se substituer à lui pensaient certains – à coup de mesures préventives, confinements, milliards pour relancer l’économie… l’Etat du Sénégal s’est sabordé.

Son chef, Macky Sall, face à une menace coronavirus diffuse, invisible, pernicieuse, a préféré s’aplatir devant une poignée de religieux plutôt que de garantir la santé et la sécurité de millions de citoyens que le suffrage universel a placés sous sa responsabilité. 

Les spécialistes lui ont assuré que les rassemblements multiplieraient le nombre de contagions, de malades et donc de morts. Au lieu de les interdire tous, y compris ceux à caractère religieux, il a prié les marabouts de l’aider à reporter ces derniers, donnant ainsi un premier coup à sa légitimité à prendre des décisions lorsque ses compatriotes sont en danger.

Puis il s’est caché derrière un gouverneur de région pour arrêter les prières dans les mosquées de Dakar alors qu’ailleurs dans le pays les lieux de culte étaient bondés, en ce vendredi. Ce deux poids deux mesures nous a offert les scènes de violence surréalistes opposant les jeunes de Yoff Layènes aux gendarmes. Ces jeunes se sont dressés contre l’interpellation de leur imam qui avait bravé l’arrêté lui interdisant de diriger la prière dans sa mosquée. 

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Pour justifier leur défiance, ils ont posé une question simple : pourquoi on nous interdit de prier alors que dans le même temps à Kaolack et à Touba, localité comptabilisant le plus grand nombre de personnes infectées, les fidèles prient à leur guise.

Le gouvernement censé garantir l’égalité des citoyens devant la loi et le caractère impersonnel de celle-ci n’a eu d’autre réponse que d’afficher dans les médias son numéro deux sacrifiant au rituel, à la grande mosquée de Touba, au moment où les gendarmes gazaient les disciples Layènes, à Yoff.

Avec cette dissonance, cette incohérence, cette iniquité, cette irresponsabilité, cette couardise dans la gestion d’une crise dont l’enjeu, rappelons-le, se chiffre en centaines voire en milliers de morts potentiels pour s’être rassemblés, l’Etat a fait faillite sous nos yeux.

Macky Sall, pour ne pas se mettre à dos les religieux, ou plus exactement certains parmi eux, a choisi de risquer la vie de millions de citoyens. L’histoire se chargera de lui rappeler ce moment où il est passé à côté d’un destin de grand président pour ne laisser à la postérité que l’image d’un petit épicier calculateur.

Nous l’avions élu à la tête d’un État certes malmené mais encore debout, il nous le rendra abîmé. Nous venons de vivre la séquence d’une exécution sommaire, celle de la puissance publique, rempart contre l’injustice, protectrice de tous les enfants de la République particulièrement les plus faibles.







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