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Une Maladie De La Honte

Personnellement, je trouve désastreuse la communication autour du Covid-19 dans notre pays.L’hystérie médiatique qui entoure l’égrènement des nouveaux cas positifs et cette manière inquisitrice de vouloir révéler coûte que coûte l’identité des nouveaux cas ne rendent pas service aux autorités sanitaire et à la société. Ce sensationnalisme contribue dangereusement à une situation de psychose qui fait perdre la raison à tout le monde et finalement porter un coup sévère à la stratégie nationale de lutte contre la maladie.

Comme la peste, avec laquelle les gens font à juste titre le parallèle, le coronavirus est perçu comme une maladie de la honte. A défaut d’avoir peur de la maladie elle-même – bénigne dans 80% des cas pour les personnes bien portantes – les éventuels cas suspects ont peur d’une mort sociale certaine, si leur voisinage arrivait à soupçonner le moindre signe clinique. « Je sens une petite grippe, mais j’ai même peur de tousser », me disait récemment un ami. La stigmatisation et la panique que suscitent certains « modou-modou » (migrants) de retour au pays en est un autre exemple dramatique. Certes, nos parents de l’étranger devraient faire sienne cette recommandation du Prophète Muhammad (Psl) : « Si vous êtes dans une zone où une épidémie est déclarée n’en sortez pas ; et ceux qui n’y sont pas ne doivent pas s’y rendre ».

Mais il faut se mettre à la place de ces infortunés. Au moment où les autres pays organisent le rapatriement de leurs ressortissants (je ne dis pas que ça soit une bonne stratégie !), la tentation est grande pour nos compatriotes de l’étranger de vouloir revenir se réfugier à la mère-patrie. Ou au moins y rendre leur dernier souffle au lieu de crever dans les couloirs d’un hôpital à l’étranger dans l’indifférence et la solitude la plus totale. C’est humain, trop humain ! Chacun tient à la vie. Personne ne veut tomber malade.Au lieu de stigmatiser nos braves compatriotes de l’étranger, on devrait, à défaut de les convaincre de rester là où ils sont, encadrer (dépister, mettre en quarantaine) ceux qui ont pris le risque de revenir. Encore faudrait-il revoir la communication et la façon de faire pour les rassurer.

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Il faut le dire, aujourd’hui, la peur de la stigmatisation est plus grande dans notre pays que la peur du virus. Il faut avoir à l’esprit la culture du « sutura » (pudeur) très présente dans la psychologie des Sénégalais pour comprendre ce sentiment. Celui qui, constatant une grippe ou une hausse de température, serait tenté d’appeler le Samu ou le numéro vert, serait probablement dissuadé par son entourage immédiat. De peur de ce qu’en dira le voisinage. Dès lors comment s’étonner que d’éventuels porteurs du virus se terrent chez eux, la peur au ventre, ou clairement s’éclipsent dans la nature ?

On doit tous revoir nos comportements et notre façon de communiquer autour de ce malheur qui nous frappe. Les autorités sanitaires doivent mettre en place un mécanisme (je ne sais comment) de dépistage volontaire, en toute discrétion, pour ceux qui ressentent le moindre symptôme. Aussi, sans tomber dans le relativisme coupable, on devrait expliquer à la population que le Covid-19 est une maladie, certes très contagieuse, mais comme les autres. Encore une fois, je suis certain que chacun tient à la vie, à la bonne santé de ses proches. Quel père de famille aimerait contaminer, en toute conscience, ses enfants, son épouse ?

Cette crise sanitaire devrait être le moment d’une introspection commune. Faire le tri dans ce que nous considérons comme nos valeurs culturelles. Par exemple, celui qui ne comprend pas que ce n’est pas le moment actuellement d’aller voir le voisin ou de faire du « dox mbokk » (visite de courtoisie) n’a rien compris. Le meilleur service qu’on peut rendre à son prochain, dans de pareilles circonstances, c’est de rester chez soi, d’éviter au maximum possible les déplacements inutiles, de se considérer tous comme de potentiels porteurs du virus. Il faut aussi privilégier le télétravail autant que possible. La situation nous oblige tous à nous réajuster par rapport à nos certitudes…

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Il faudra aussi puiser dans ce substrat culturel les éléments qu’on peut mettre à contribution dans cette lutte. Par exemple, dans un pays très croyant, c’est un déchirement pour de nombreux citoyens de ne pas entendre l’appel à la prière depuis trois jours. Certains, avec qui j’ai échangé, me disent avoir l’impression d’être en voyage, dans un pays non musulman. Pourquoi ne pas donner des instructions pour que les muezzins aient l’autorisation de faire l’appel à la prière, tout en demandant aux fidèles de prier chez eux ? C’est aux oulémas de trancher l’utilité d’un tel geste. Mais l’effet psychologique n’est pas négligeable.







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