Au plan international, la communauté des auditeurs internes s’efforce de contribuer à la lutte contre le COVID-19. En effet, les épidémies et les catastrophes naturelles (Voir les enquêtes sur Rita et Katrina aux Etats unis par les Inspecteurs généraux, le General Accountability Office, les publications de l’IIA sur Ebola, les dernières publications de Institue of Internal Auditors ces derniers jours sur COVID-19) démontrent l’autre versant qui est la nécessité pour une nation et leurs organisations d’être préparées à faire face aux crises et aux catastrophes, singulièrement en termes de management des risques, de gestion de la continuité des affaires et autres exigences similaires. En effet, par définition et en simplifiant un peu, les spécialistes de l’audit interne sont des experts en évaluation du management des risques, des contrôles internes, de la gouvernance d’entreprise et de la performance (Voir la définition de l’audit interne par The Institute of Internal Auditor ou le General Accountability Office, voire par tant d’autres organismes de ce genre !). Par cette série d’articles, nous transmettons des conseils tout en diffusant ceux de certains experts, membres de la communauté des auditeurs internes, des manageurs de risques, de contrôles internes et spécialistes de la gouvernance d’entreprise. En outre, leurs travaux mettent en évidence la nécessité de ne pas négliger les nouveaux risques émergents qui revêtent plusieurs formes et modalités : bactériologiques, sans compter ceux liés à l’intelligence artificielle, à la cyber-sécurité, à la protection des données, aux complexités réglementaires, aux technologies, à la culture, à l’éthique, la durabilité). Enfin, retenons que le traitement des épidémies et des catastrophes requiert l’intervention et la contribution d’une diversité d’acteurs. et ceux des prochains jours font partie d’une telle préoccupation.
En fait, pour les auditeurs et les manageurs, voire les responsables de la gouvernance d’entreprise et des organisations, le management des risques suppose d’assumer un certain nombre d’exigences :
- assumer cette responsabilité et cette nécessité d’une gouvernance anticipatrice des risques notamment de leur étendue afin d’y faire face ;
- déterminer les processus en vigueur pour s’assurer qu’ils permettent aux travailleurs de la santé et aux autres parties prenantes de s’acquitter de leurs contributions face au péril ;
- aider les manageurs et la gouvernance (conseils d’administration, comités des risques, d’éthiques ou autres) à maintenir une planification qui rende leurs organisations capables de faire aux risques et aux catastrophes et à disposer de plans efficaces ;
- déployer l’audit interne dans un environnement auditable, voire évaluable, du fait de l’existence de plans de traitement, de continuité et de mitigation permettant aux aux auditeurs internes de tester leur efficacité par divers critères de planification, de compétences, etc.
Le management, la gouvernance et les surveillants de la gestion ont ainsi à instituer et exécuter une série de diligences:
- Mettre les gens en sécurité, à l’abri des risques liés au coronavirus et dans des lieux appropriés, notamment les employés, les citoyens, les clients, les fournisseurs, les partenaires. Le confinement est notamment une des approches (en dépit des débats sur la pertinence du procédé.)
- Identifier les leviers et les moteurs de croissance et de création de valeur et tout ce qui est nécessaire pour assurer la protection des ressources, la survie à court terme, la continuité du fonctionnement !
- Intégrer dans la perspective stratégique des critères comme la durabilité, la continuité, la sécurité : est-ce la recherche-développement pour votre cas ? La continuité de la production, voire de l’appareil de production des biens et/ou services ? Dans certain cas, cette infrastructure peut être une plateforme digitale qui en assure la diffusion ! En faisant cette réflexion, avez-vous tenu compte des compétences critiques nécessaires ? Humaines ? Technologiques ? Capacités à travailler à distance, en ligne, de télétravail plus généralement? Comment assurer leur maintien ? La continuité ? Le moral et la motivation ?
- Partager avec le personnel et les différents responsables la gouvernance de l’organisation (conseil d’administration, comité d’audit et/ou de risques, etc.). Eviter de prendre le taureau par les cornes, tout seul, et de régler vous-mêmes tous les problèmes, de définir et d’assumer les enjeux et les actions requises. Chercher plutôt à construire une vue exhaustive et intégrée permettant d’appréhender la diversité des risques, notamment ce qui est appelé aujourd’hui risques émergents.
- Communiquez bien, avec compassion et empathie, de manière efficiente et efficace sur les risques, les systèmes de management, de contrôle interne et de gestion des risques par rapport au risque de coronavirus en cours, ceci en direction de tous les employés. Sur la base des leçons apprises, révisez le processus de management des risques, de gouvernance et de contrôle interne.
Penser à l’après-crise
- Penser aux modalités qui assureront la survie à court terme, durant une phase intermédiaire. A cet égard, évaluer les impacts et les dommages induits affectant les capacités de survie, la disponibilité de liquidités et les ressources permettant de relancer le système. Evaluez et simulez à cet égard, les capacités d’autofinancement, les moins-values ou pertes de revenus, le poids des coûts supportés au moment du coronavirus. Esquissez divers scenarii tant optimistes que pessimistes. Comparez !
- Impliquez les parties prenantes qui auraient la capacité à appuyer le redressement et aider financièrement, notamment les actionnaires, les citoyens, les fournisseurs, les clients, les bailleurs et donateurs.
- Tirez les leçons et formaliser de nouveaux processus destinés à améliorer le management des risques, les contrôles internes, à renforcer la résilience face à de nouveaux crises sanitaires ou autres.
- Investir dans les dispositifs de management des risques, de contrôles internes qui fortifient les capacités des organisations sanitaires ou autres et dans la gouvernance des organisations (conseils d’administration, comités des risques ou autres conseils ou comités forts et indépendants, dotés de l’expertise nécessaire).
- Développer des plans de continuité, de secours et de gestion des crises, car cette expérience, comme celles du passé, démontrent l’urgence d’une planification efficace centrée à la fois sur l’atteinte des objectifs et sur les risques de non atteinte des objectifs.
- Construire une société préparée et capable de se mobiliser face aux risques, de coordonner les décisions et de transformer les menaces en opportunités.
- Assumer les exigences de discipline, d’aménagement du territoire, de maitrise et de sanctions des anarchies incarnées par des individus, organisations, rentiers ou autres perturbateurs… Faire preuve de de leadership stratégique et civique pour agir sur la culture organisationnelle et sociale.
- Amener les acteurs à penser au-delà de la crise immédiate et à envisager ses implications à long terme sur les chaines de valeur et de production, l’affaissement des affaires, la productivité, la croissance, la perte de revenus, etc. En effet, il semble bien que se dessine une crise économique sévère, au moins pendant les mois prochains.
- Inclure dans la gouvernance de contrôle la construction de sociétés et organisations résistantes à la fraude conformément aux normes et bonnes pratiques internationales…
- Mettre en place un dispositif de suivi-évaluation et de pensée stratégique que les auditeurs, investigateurs, évaluateurs internes ou externes peuvent et doivent documenter.
Au total, à travers le monde, les auditeurs internes et d’autres évaluateurs s’efforcent d’apporter des contributions majeures à la réflexion stratégique et à l’action. Prévenir vaut mieux que guérir, dit-on. En ce sens, leurs apports, de la part d’experts habitués à l’analyse des crises, des dysfonctionnements, des catastrophes et des risques, rappellent que le traitement de phénomènes de comme les crises invitent à la mobilisation et à l’action collective.
La lutte est l’affaire de tout le monde, chacun dans ses domaines de compétence et d’expérience. N’hesitez pas à faire part de votre expérience et compléter chacun des points ci-dessus au besoin ?
Abdou Karim Gueye