Le surgissement fut implacable. Du jour au lendemain, projets et agendas, parmi les plus prometteurs, sont frappés d’une soudaine caducité. Les puissances mondiales constatent avec effarement l’impuissance de leurs efforts. L’entre soi primitif redevient la norme naturelle de survie. Les certitudes, fondées sur l’infaillibilité de la science, s’effondrent dans une atmosphère de doute général. Comble de déstabilisation métaphysique : l’homme redécouvre le principe de réversibilité qui gouverne les paramètres de son existence. Il flotte dans l’air un curieux présage, un sentiment inexplicable d’avènement d’une nouvelle ère. Covid 19 ou l’humanité aux prises avec l’impensable !
Un virus, sorti des profondeurs de la nature, bouleverse toutes les activités humaines à une vitesse vertigineuse. Au premier sifflement de sa menace, microscopique, le monde trébuche.
Les acquis contemporains les mieux établis (institutions, échanges commerciaux, mobilité internationale, ouverture des frontières, animation urbaine, production industrielle) sont tous paralysés en un temps record.
Ce que législateurs altruistes, généreux penseurs ou tribuns réformateurs n’avaient jamais réussi à faire admettre dans les consciences, à savoir l’égalité intrinsèque des hommes, l’invisible envahisseur l’impose par sa menace indiscriminée. Riches et pauvres, gouvernants et gouvernés, puissants et indigents, princes et roturiers se retrouvent dans la même situation de frayeur- partageant la même panique et faisant face au même risque vital. La civilisation, qui, dans sa stupide vanité, croyait pouvoir tout contrôler, est submergée par la fulgurance des évènements. C’est le sauve qui peut ! C’est la pandémie ! Elle résulterait, dit-on, d’un accident culinaire. Mais l’état général du monde est incontestablement le terreau qui favorise sa dévastation. Les avantages et attributs liés à la globalisation (mobilité et échanges tous azimuts) qui ont tant bénéficié à une élite active, alors que la grande majorité reste confinée (tiens !) à l’intérieur des frontières, faute de visas, révèleront à l’heure fatidique leur terrible envers : des boulevards de contagions aux quatre coins cardinaux.
La mise à mort progressive des secteurs dits non productifs (santé et éducation) par le néo-libéralisme débridé se traduira par une vulnérabilité sanitaire collective. Et pourtant, aux avants postes du combat titanesque, on remarquera la résistance courageuse des oubliés d’hier : personnels de santé (ces héros du cataclysme), scientifiques consciencieux, travailleurs de base faisant fonctionner ce qui reste de l’appareil productif. Il en est de même pour nos humbles laboureurs de la terre, qui ne consentent pas abandonner celle-ci à la jachère.
Où sont les grands génies de la haute finance ? Où sont-ils, ces écrémeurs de la richesse mondiale ? Faisons justice à l’homme générique indemne de culpabilités. Qui est en cause ? L’homme concret occidentalo – asiatique ou plus précisément sa minorité de prédateurs avides et insatiables qui a mis la planète en coupes réglées. Il existerait, semble-t-il, des centaines de milliers de virus plus dangereux que ce fameux Covid 19. Ils seraient bloqués dans les immensités océaniques ou enfouis dans les profondeurs du globe terrestre. Qu’en serait-il de nous si une partie est libérée à cause du réchauffement climatique résultant de l’action irresponsable de ce fameux coupable désigné plus haut ? A Dieu ne plaise !
Pour nous autres africains, le constat est amer.
La globalisation, qui fait de nous de simples consommateurs, nous aura entrainés dans l’engrenage de son revers. Aucune marge de résilience ne nous est laissée, en dépit de notre innocence dans le déclenchement de la mécanique suicidaire. Notre modèle de développement est à repenser de fond en comble.
Déjà, les éternels optimistes entonnent à chœur <<Rien ne sera plus comme avant>> dans le bon sens du terme. Que le Seigneur vous entende !
Est-ce donc une douloureuse reddition des comptes d’un cycle finissant ? En tout état de cause, nous voici au cœur d’un nouveau chapitre qui pourrait être décisif dans la tumultueuse histoire de l’espèce humaine.
Hussein BA