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Même Un Potentat Se Doit D’être Protégé De La Pandémie

Nathanaël Vittrant : Hissène Habré, l’ancien président du Tchad, qui purgeait, dans une prison dakaroise, une condamnation à perpétuité prononcée par les Chambres africaines extraordinaires, vient d’être autorisé à regagner temporairement son domicile, en raison des risques liés au Covid-19. Comment expliquer que ses victimes ou leurs familles s’en émeuvent autant ?

En plus d’être le tyran sanguinaire qu’a révélé son procès, Hissène Habré est un personnage malin, qui rusait depuis déjà de longs mois, afin d’échapper à sa prison. Légitimement, les familles craignent de le voir transformer ces vacances de précaution sanitaire en un retour permanent à la liberté. En même temps, si cet homme, bientôt octogénaire, devait être emporté, en détention, par le Covid-19, l’opinion serait très mal à l’aise, et même un peu gênée. Et ses partisans, comme sa famille, pourraient être tentés d’en faire un martyr. Un peu comme si on l’avait condamné à mort. Ce qui, pour reprendre la formule de Jean Jaurès, serait contraire à ce que l’humanité, depuis deux mille ans, a pensé de plus haut, et rêvé de plus noble. Même un potentat se doit d’être protégé de la pandémie. Car, l’extinction de la vie du bourreau n’a jamais suffi à apaiser la souffrance de quelque victime que ce soit.

Il n’empêche que, pour ses victimes et leurs familles, c’est quand même une annonce douloureuse.

Cela s’entend. Un de nos condisciples, un ami, figure parmi les victimes du régime Habré. Arrêté et exécuté en 1987 sur ordre de ce dictateur arrogant et impitoyable, Saleh Gaba, correspondant de l’agence américaine Associated Press au Tchad, était mon ami, à l’École supérieure internationale de journalisme de Yaoundé, puis, quelques années plus tard, à l’Institut Français de Presse, à l’Université de Paris II Panthéon-Assas.

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Habré a beau avoir été jugé, condamné, marqué à vie par l’opprobre, son seul nom ravive encore notre douleur. Et il faut, sans cesse, résister à la tentation de se laisser porter sur les rivages de ce que Robert Badinter, un jour de très grande inspiration, a qualifié de justice expiatoire.

Le sinistre destin d’Hissène Habré doit inciter les hommes politiques africains à la réflexion. Dans les années 70 et 80, il était, sur l’échiquier politique tchadien, de temps à autre l’allié, mais plus souvent l’adversaire farouche d’un certain Goukouni Weddeye. Alors que Habré, à jamais déshonoré, proscrit, ruse pour changer de destin, se réhabiliter, Goukouni, lui, circule librement dans son pays et en dehors.

Qu’est-ce qui marque la différence entre les deux hommes ?

L’un a toujours été prêt à tout pour le pouvoir, et l’autre savait ne pas placer sa soif de pouvoir au-dessus de la vie de ses concitoyens. Vous ne pouvez imaginer à quel point le Tchadien Habré, 77 ans, fait penser au Soudanais Omar el-Béchir, 76 ans, despote, lui aussi, tombé il y a tout juste un an, donc dans l’actualité, toute cette semaine, et encore ce samedi, sur RFI. Tous deux se seront battus avec frénésie pour le pouvoir, ne reculant devant aucune atrocité. Et, à leur âge, ils sont toujours dans le déni et feignent pas de ne pas comprendre pourquoi ils finissent comme finissent les despotes et les tyrans sanguinaires.







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