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Ne Tirez Pas Sur Rayan Hachem !

C’est bien connu que les Sénégalais aiment chercher la petite bête. Et voir le mal partout. Ils n’aiment pas non plus voir leurs compatriotes entreprendre, encore moins réussir. Dans ce cas, malheur aux gagneurs ! A preuve par l’affaire des aides alimentaires destinées aux populations vulnérables de notre pays. L’homme d’affaires et député Demba Diop dit « DiopSy » remporte le marché du transport ? On crie au coup de pouce politicien !

Les ministres Mansour Faye et Abdou Karim Fofana divergent sur le budget consacré au transport de ces denrées alimentaires ? C’est louche et il y a forcément de la magouille quelque part ! Le jeune entrepreneur sénégalais d’origine libanaise Rayan Hachem remporte le marché de fourniture du riz ? On se dit qu’il y a anguille sous roche, volonté d’enrichir un « Libanais » sans cause et, forcément, magouille quelque part. On est comme ça, au Sénégal. On ne reconnaît jamais le mérite et les héros méritent d’être fusillés. Et l’on se dit « pourquoi lui et pourquoi pas moi ? »

Ce n’est pas aujourd’hui, hélas, que l’on changera nos compatriotes… Alors qu’ailleurs on aurait remercié Rayan Hachem, 38 ans, d’avoir mis son stock de riz à la disposition des autorités de notre pays décidées à sauver de la famine les ménages vulnérables pour cause de Covid-19, voilà qu’il se fait lyncher ! Et pourtant, il aurait pu faire comme d’autres, Sénégalais bon teint ceux-là, qui ont préféré faire le mort et ne pas participer à l’appel d’offres lancé par le ministère du Développement communautaire.

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 Pour deux raisons : c’est plus rentable pour ces distributeurs de vendre leur riz à des commerçants demi-grossistes ou détaillants au prix du marché, donc plus cher que ceux de l’appel d’offres gouvernemental. Ensuite, avec ces commerçants, ils sont payés cash tandis que les paiements par le Trésor public, tout le monde sait le parcours du combattant que c’est ! Pour dire qu’après avoir livré sa marchandise, il faut s’armer de patience et attendre…indéfiniment.

Faisant fi de tout cela, donc, le patron des sociétés Avanti et Afri and Co, disant agir par patriotisme, a choisi de répondre à l’appel des autorités de son pays, le Sénégal, où ses parents ont vu le jour, où il est né de même que sa fille, où il a fait une partie de ses études avant de se rendre à l’étranger pour les terminer. Ses diplômes en poche, il est resté pour travailler avant de revenir au pays investir ce qu’il avait amassé et contribuer à sa manière au développement du Sénégal. « J’ai voulu apporter ma pierre à la construction de l’édifice national », nous confie-t-il. En 2013, il ouvre le restaurant « Planète Kébab » qui connaît rapidement le succès.

Dans la foulée, il en ouvre trois autres dans divers endroits de la capitale et se déploie même au Mali. En 2016, il se lance dans le trading et créée la société Avanti spécialisée dans l’alimentaire et qui importe notamment les produits dont il a besoin pour faire fonctionner sa chaîne de restauration rapide. En même temps, il explore le business de l’importation du riz et commence — pour se conformer aux exigences des autorités — par acheter le riz de la vallée, condition sine qua non pour obtenir les fameuses DIPA (Déclarations d’importations de produits alimentaires) indispensables à l’importation du riz

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Antenne de Louis Dreyfus !

En 2016, il fait venir 30.000 tonnes de riz au Sénégal. En 2017, c’est 40.000 tonnes qu’il importe. En 2018, 80.000 tonnes et 120.000 tonnes en 2019 ! Au terme d’un travail éprouvant et acharné, il réussit à devenir l’un des principales antennes locales du grand négociant de céréales Louis Dreyfus. Une consécration ! Toujours dans l’anticipation, il avait commencé à réceptionner ses stocks pour l’année 2020 — pour couvrir aussi bien le marché local que la sous-région — lorsque la pandémie du Covid-19 a éclaté. Parmi ses conséquences, la fermeture des frontières de presque tous les pays du monde. Y compris, bien sûr, des principaux exportateurs de riz que sont la Thaïlande, l’Inde, le Viêt-Nam etc.

Lorsque les autorités ont décidé de lancer leur appel d’offres pour l’achat de riz, il se trouve que Rayan Hachem disposait d’importants stocks de la céréale. Il a tout naturellement décidé de soumissionner par le biais de ces deux sociétés car nous allions oublier qu’en 2019 il avait créé la société Afri and Co pour diversifier ses activités et se lancer dans le commerce de sucre, d’huile, de pâtes, de lait en poudre etc. Une société qui avait bien sûr le même siège social que la première. C’est donc par le biais de ses deux sociétés — ce qui est parfaitement légal et, comme il dit, « je n’ai rien à cacher » — qu’il a soumissionné et remporté le marché au prix de 275.000 francs la tonne. Ce alors que le prix du marché est à 278.000 tonnes ! Suffisant pour qu’on lui tombe dessus et le lynche au motif que le fait que ses deux sociétés soient domiciliées à la même adresse serait louche et donc, forcément, constitutif de magouille ! On vous disait que les Sénégalais voient le mal partout…

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Evidemment, c’est peu dire que le fils du célèbre chirurgien Dr Hachem souffre de ces attaques et a mal dans sa peau. Lui qui a tout fait pour investir dans son pays et créer des emplois — rien que pour Planète Kébab environ 200 travailleurs bénéficiant de contrats en bonne et due forme et de sécurité sociale —, voilà comment il est récompensé. Lui qui, surtout, aurait pu choisir de vendre son riz directement sur le marché en réalisant de confortables marges du fait de la rareté induite par la crise sanitaire du coronavirus. Une crise qui lui aura au moins inculqué une précieuse leçon : celle de connaître ses compatriotes, c’est-à-dire ce spécimen unique au monde qu’est l’homo senegalensis…







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