Rayan Hachem a fait la Une des journaux ces derniers jours. Toute la semaine, il s’est retrouvé sous les feux de l’actualité. Notre compatriote, à tort ou à raison, est cité dans une affaire d’Etat. Le patron de Planet Kebab a gagné un marché pour faire venir du riz au Sénégal. Deux de ses entreprises, Avanti et Afri and Co, font partie des attributaires de l’achat public de riz en faveur des plus démunis. Pour 17 milliards de F CFA. Comme Rayan Hachem est connu pour être le patron d’une entreprise spécialisée dans le fast-food, il a très vite attiré les suspicions. Dans un pays où la transparence a souvent fait défaut, il fallait s’y attendre. D’autant plus que d’autres soupçons émaillent la mise en œuvre du programme d’aide alimentaire d’urgence, du Fonds de riposte et de solidarité contre les effets du Coronavirus (Force-Covid 19).
Le président de la République a dégagé 69 milliards de F CFA. Pour doter les ménages vulnérables en denrées alimentaires. Tout cela, bien sûr, aurait pu se passer de manière intelligible. Dans la transparence. Si le chef de l’Etat avait installé le comité de pilotage du Force-Covid 19, sans tarder et avant une quelconque opération, personne n’aurait trouvé à redire. Ce n’est pas encore le cas. Et les Sénégalais sont en droits de demander des comptes. Car une grande partie de l’argent récolté reste celui du contribuable. Aussi, en vertu de la Constitution et de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le peuple sénégalais a un devoir de vigilance. Nécessaire dans une démocratie. Macky Sall, Mansour Faye, Demba Diop dit Diop Sy, Rayan Hachem ne sont pas au-dessus de nos lois. Ce qu’ils font en notre nom nous concerne.
“La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.” Il faut insister sur cette contrainte juridique. Et le rappeler à l’autorité, toujours prompte à mépriser et à abaisser le citoyen, dès que ce dernier réclame des gages de bonne foi dans la gestion de la chose publique. Nos dirigeants ont un devoir d’impartialité et de loyauté envers nous. C’est évidemment une épreuve d’intégrité très difficile. L’auto-émulation des gouvernants, en probité, ne peut pas se faire naturellement. Surtout dans nos Etats africains, où le pouvoir est concentré entre les mains d’une minorité, et les Républiques conçues presque en monarchies présidentielles. La veille citoyenne est souvent le seul moyen de soumettre le chef au contrôle de la légalité. D’élever la conscience du gouvernant, en justice et en vertu. Seulement, ce contrôle citoyen est un exercice moral, qui doit se faire en responsabilité.
Mais voilà, au lieu de se placer du point de vue de la loi et des principes démocratiques, des individus, à l’abri de leur ordinateur, ont épinglé les origines de Rayan Hachem. Proférant pour certains des propos haineux sur les réseaux sociaux. Nos compatriotes originaires du Liban et de la Syrie ont été pris pour cibles. Ce penchant, des esprits étriqués, à toujours chercher un bouc émissaire, et à pointer du doigt l’autre est insupportable. C’est du racisme. C’est injustifiable. Il faut le sanctionner par le blâme absolu. On pourrait circonscrire ces attitudes malveillantes au web. Et dire que le caractère binaire du numérique reste propice à la haine et à la méchanceté. Aux divisions. C’est exact. Les réseaux sociaux virtuels ont donné une puissance inédite à l’intolérance. C’est devenu un problème social qu’il faut interroger.
Si internet est un incroyable outil pour la démocratie, c’est aussi le lieu des médisances. La barrière physique tombée, les individus peuvent vivre dans une grande hallucination. Et voir leur perception et leur présence dans le monde modifiées. Le sentiment de bienveillance, qui résulte du contact humain, est souvent abandonné. La courtoisie oubliée. Au profit de de l’aigreur et des vanités abjectes. L’opinion se substitue au savoir et à la science. Il n’y a plus cette contingence des sens extéroceptifs. Cela étant dit, il faut observer que les hommes viennent sur internet comme ils sont dans la vraie vie. Avec leurs préjugés, leur capital culturel, leurs croyances. Ainsi, pour prêter attention aux passions qui naissent dans la société, les réseaux sociaux peuvent être utiles.
Rayan Hachem a été un prétexte à l’expression du racisme. Nos compatriotes, improprement appelés “Libano-Syriens”, ont été pointés du doigt. Pour leur supposé “communautarisme”. C’est un faux alibi. Un prétexte vulgaire et sot. L’instinct de survie pousse les humains, qui ont les mêmes origines et valeurs, à la protection mutuelle. C’est ainsi. Il n’y a, dans cette conduite, aucun mal. Tant qu’elle ne remet pas en cause le ferment républicain. Partout, les hommes se rassemblent selon leurs affinités religieuses, ethniques, culturelles ou encore politiques. Par besoin de sécurité et de quiétude. Certes, le grand dessein humaniste est de construire des ponts, de bâtir l’éthique de l’autre. De pousser toujours plus loin la mixité entre les hommes. Mais les relations communautaires, basées sur la tolérance et le respect, doivent rester intangibles. Au Sénégal, ce que nous partageons de plus précieux, c’est certainement notre vivre ensemble. Nous devons rester fermes face à toute tentative de sabotage de cet esprit pacifique entre les groupes ethniques et religieux.
Tristes passions. Pour l’instant, le racisme s’exprime sur les réseaux sociaux. Si nous ne le freinons pas énergiquement, il peut déborder. Devenir un réflexe. S’insinuer dans le sens commun. Il peut être mis en système, publiquement, par les ambitieux et les apprentis sorciers. Qui savent que les hommes et les peuples, malheureusement, sont manipulables dans leurs passions. Ceux qui s’attaquent aux communautés minoritaires sapent les fraternités entretenues par plusieurs générations de Sénégalais. Sans doute, nos aînés savaient que la compréhension humaine est une exigence pour les hommes qui vivent en société. Qu’elle pouvait nous protéger des conflits. A nous de maintenir et de renforcer l’ouverture à autrui. En rappelant toujours ce principe : la sympathie est le fondement de la paix sociale. Toute idée de discrimination ou de haine envers une communauté est un affront fait à tout le corps social. L’acte et le propos racistes doivent être portés en tabous dans notre société. Il faut en faire des interdits au sens moral et religieux. Notre esprit collectif ne doit jamais libérer de la place au racisme. Qu’on le proclame le plus fort possible. Pour le bien de tous.
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