La crise sanitaire provoquée par le COVID-19 pose le problème de la résilience de notre économie voire de notre société. Notre économie repose sur l’informel où l’entreprenariat individuel domine. Ainsi, l’activité économique des auto-entrepreneurs, l’écrasante majorité des sénégalais, est en sursis à cause du confinement. Du secteur commercial au secteur événementiel, en passant par le secteur des services (auto, restaurant,…),tous ces braves gorgorlous sont exposés à des difficultés de survie. L’état conscient de ces risques de précarité tente d’amortir le choc en distribuant de manière ponctuelle et sélective des produits alimentaires sur fonds de carence d’un système d’informations presque inexistant que des chefs de village et de quartier sont appelés à relayer. La plupart des pays occidentaux, disposant de systèmes d’informations plus fiables, optent pour une distribution monétaire. Donald Trump, le président américain, décide de verser un chèque d’environ 1000 dollars par adulte et 500 par enfant. En Allemagne, le journal Frankfurter Rundschau, plaide pour l’octroi d’un revenu de base mensuel de 1000 euros sur six mois. Le gouvernement espagnol envisage l’instauration d’un revenu universel le temps de la pandémie tandis qu’au Royaume-Uni, 170 parlementaires de différents partis ont adressé une lettre au gouvernement britannique lui demandant la même option. En France, un collectif de travailleurs précaires appelle également à la mise en place immédiate d’un revenu de base. Le débat sur l’opportunité, la pertinence mais aussi la nécessité d’un revenu de base est ainsi relancé (en France, au Royaume-Uni, en Espagne, en Allemagne et aux États-Unis) pour répondre aux conséquences brusques et brutales de la crise du COVID-19 qui a entraîné le confinement de la moitié de la population mondiale.
La brutalité et l’imprévisibilité du CORONAVIRUS ont pris tous les états au dépourvu. Il a mis à rude épreuve les capacités résilientes de tous nos systèmes de protection et d’adaptation sociale, économique et démocratique. Les réactions des décideurs à travers des plans pour sauver l’école, le pouvoir d’achat des ménages, le ralentissement de l’activité économique, la santé des populations mais aussi et surtout celle des infectés,… sont plus ou moins erratiques et inefficaces. L’instauration institutionnelle et permanente d’un revenu de base généralisé associé à une assurance maladie obligatoire (RBG-AMO) nous aurait épargné de tous ces agissements pénibles à coordonner pour ne construire d’ailleurs qu’une résilience conjoncturelle. Il renforcerait de toute évidence notre sécurité sociale, sanitaire voire économique. Le contexte actuel est propice pour ouvrir un débat démocratique et réfléchir sur les nombreux impacts économiques, sociaux, démocratiques et culturels positifs du RBG-AMO. Son potentiel résilient est de nature à nous prévenir des chocs sanitaires, alimentaires et écologiques à travers une gestion maitrisée et contrôlée sans dérapage ni précipitation tel que nous le vivons maintenant.
Le revenu de base généralisé (RBG) remplit plusieurs fonctions dont les sept suivantes. Il se présente comme un instrument de redistribution de la richesse, de financement de programmes sociaux (la santé, l’éducation, la redevance télé ,…), de réduction de la pauvreté et des inégalités, comme une subvention des biens et des services, comme une matérialisation de la citoyenneté, comme un système d’information, mais aussi comme une technique d’injection de l’argent dans le circuit économique à l’instar de la dette. Le revenu de base généralisé s’inscrit dans un cercle vertueux où l’argent quitte la production par les impôts et les taxes, se transforme en RBG et revient à la production par la consommation. C’est le rôle joué par notre vieille technique de la dette pour injecter de l’argent dans la production par l’investissement. Mais à la différence que dans le cas du RBG, rien ne se perd (pas de déperdition financière) rien ne se crée (pas d’intérêt), tout se transforme (dans le circuit économique) !
Le RBG augmente le pouvoir d’achat national du pays, booste la consommation et tire la production, donc crée de la croissance et des emplois en contribuant à la réduction de la pauvreté. Il permet la distribution du pouvoir d’achat sur tout le territoire national, la réduction des prix à l’intérieur et à l’extérieur du pays et la diminution de la dette publique intérieure. Il assure le financement de l’assurance maladie obligatoire. Il permet enfin de financer les daaras et de retirer tous nos enfants de la rue.
L’assurance maladie obligatoire (AMO) qui lui est associée et dont le caractère obligatoire assure la pénétration à 100%dans les populations est un concept très adapté aux pays sous-développés et pauvres. Elle favorise un redéploiement des cliniques privées et des plateaux techniques médicaux sur tout le territoire national en créant une véritable économie décentralisée de la santé puisque l’assurance paie désormais les factures. Le paysan, l’éleveur, le pécheur, l’ouvrier, le chauffeur, l’artiste,… deviennent plus productifs grâce à un accès aux soins et aux médicaments plus facile et moins coûteux voire gratuit. L’insécurité sanitaire liée à la vente des médicaments dans la rue disparait. L’assurance maladie obligatoire représente en outre un modèle de financement du système de la santé et sert de système d’information relatif aux patients et aux maladies.
Ce projet aux multiples enjeux (enregistré au BSDA en 2008) devrait être financé sans recours au budget excepté le transfert des dépenses et des allocations sociales traditionnelles de l’Etat et de leur budget de fonctionnement. Il conviendra aussi de sortir le social de la politique, surtout de la politique des collectivités locales.
Le revenu de base généralisé est une condition nécessaire pour la mise en œuvre de l’assurance maladie obligatoire qui lui est assujettie et que l’on peut considérer comme une contrepartie. Les impacts de ces deux outils sur l’économie, la société, la démocratie et la culture sont insondables. Le CORONAVIRUS nous révèle la nécessité impérieuse de se doter d’un système résilient permanent qui résiste à toute épreuve. Il nous rappelle aussi qu’il faut voir tôt, qu’il faut voir grand, qu’il faut voir loin.
Dr. Abdoulaye Taye
Enseignant-chercheur à l’Université Alioune Diop de Bambey
Initiateur du projet RBG-AMO
Président de TGL (voir Tôt, voir Grand, voir Loin)