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L’horreur De L’imposture Dans Le Débat Public

Je vais me mêler de cette « affaire » Adama Gaye – Souleymane Bachir Diagne Diagne. Diagne, comme tous ceux qui font métier de produire de la pensée, philosophique notamment, sait que ses interventions, à l’instar de toute philosophie, ont pour vocation de critiquer, pour destin d’être critiquées, voire contestées, à leur tour.

D’abord, un petit détour, par un tracé des lignes de front, idées et débats actuels au Sénégal. Il se passe quelque chose de très intéressant au Sénégal, à quoi Souleymane Bachir Diagne a certainement beaucoup contribué, que l’on peut apprécier, quel que soit son bord idéologique, philosophique ou politique, la reconstruction d’un espace public de pensée. Celui-ci se constitue autour de diverses identités politiques et philosophiques : de cette pensée de gauche, universaliste, socialiste et enracinée dans un panafricanisme ouvert et progressiste, incarnée à mon sens par l’essayiste Hamidou Anne et par mon ami Babacar Diop, le leader du FDS, entre autres. À ce bouillon d’approches transdisciplinaires que sont les Ateliers de la pensée, où l’on retrouve à la fois les fondements de la doctrine senghorienne et bergsonienne de l’intériorité vitale, et le geste critique proprement foucaldien de restauration d’une subjectivité débarrassée des gangues liberticides d’entités sociales, politiques et institutionnelles, des directives des institutions de Bretons-Woods à la prétention normative de prescriptions existentielles exogènes, geste assez fréquent chez Felwine Sarr et Achille Mbembe.

D’un autre bord de cet espace se tiennent quelques militants d’un étonnant procès populaire régulièrement instruit contre Senghor, et pour Cheikh Anta Diop. Et puis, un courant politique intrinsèquement d’extrême droite dont la figure dirigeante est Ousmane Sonko. Si le mot d’ordre fondamental de cette sphère politique est qu’il faut dégager l’actuelle classe politique, Ousmane Sonko aime dire à qui veut l’entendre qu’il n’est pas de gauche. Autrement dit, qu’il ferait la même politique que ceux qu’il combat aujourd’hui, mais sans leurs travers moraux. Pour la suite des pièces de ses coordonnées politiques, s’il en faut encore, son goût prononcé et revendiqué pour les sciences de l’optimisation fiscale plaide en sa faveur en ce qui concerne la crédibilité de l’alternative qu’il pourrait constituer et son sens de la justice fiscale et du progrès social. Ceux de Sonko et de l’égyptologue, anti-marxiste substantiel, anti-universaliste sans le savoir, Cheikh Anta Diop, se rejoignent sur une chose, assez étrange : ne rien affirmer de vrai, de commun à tous, pas grand-chose, sinon qu’il faut remplacer la constitution du Sénégal par les thèses du dernier. Mais, passons. Abandonnons-les à leur misère politique, à leur mélasse philosophique, leur destin réactionnaire.

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Face à eux, Souleymane Bachir Bachir Diagne. Il déplie avec une rigueur très lucide et intransigeante, le principe philosophique Bergsonien de l’identité de l’Être et du changement, c’est-à-dire leur consubstantialité inextricable, contre les sirènes des identités carcérales, se constituant comme dispositif de résistance au passé colonial et à ses reliquats, et le fanatisme islamique. J’ai personnellement beaucoup de désaccords, beaucoup de choses à dire sur ce que je pense être l’angle mort, l’oubli générique, la « bévue, la présence-absence du dehors à l’intérieur, ou, pour emprunter le mot d’Althusser « la question non posée des réponses » que contiennent certains textes de Souleymane Bachir Diagne, Felwine Sarr et leurs amis à la pensée. Mais, ce n’est pas le sujet ici. Nous avons quand même un espace public de pensée et de débats. Il commence à vivre. Qu’il vive longtemps ! Par ailleurs, il a besoin de normes. Normes indispensables pour notre démocratie, si formelle soit-elle par endroits. Il en est une qui découle d’une exigence démocratique consistant dans la recherche en commun de la vérité, sous les auspices de laquelle seront tenues la vie publique, ses querelles et controverses intellectuelles : un devoir collectif et individuel de nous battre pour tenir éloignée de nous l’horreur du règne des imposteurs. Car quel autre nom est celui d’Adama Gaye ? Quand il reproche à Souleymane Bachir Diagne d’avoir salué le « leadership » de Macky Sall parmi les chefs d »État africain ? Il ne conteste pas la valeur du vocable comme catégorie politique, mais son attribution à Macky Sall. On le sait, le concept de leadership est polysémique. Il compte de nombreuses variations, aussi problématiques les unes que les autres. On aurait apprécié qu’Adama Gaye nous dise dans son long article à laquelle des acceptions de ce mot-concept il lie ses convictions politiques à lui. Le propre de l’imposture dans un débat est de travestir les mots de l’adversaire, d’en faire une arme contre lui et une ressource pour alimenter son propre vide, dont elle fait commerce. Pour ne pas laisser dire qu’elle mystifie et qu’elle ment.

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