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L’opposition Pourrait-elle Mieux Faire Que Macky Sall ?

Presque partout dans le monde, les chefs d’Etat et de gouvernement sont vivement critiqués par leurs populations pour leur gestion de la Covid-19. Les mêmes causes produisent les mêmes effets au Sénégal. Depuis sa décision de déconfinement de fait en date du 11 mai, Macky Sall essuie une pluie de critiques.  

Après ce constat préliminaire, je ne me déroberai pas à la question de mon édito. La gestion de la crise de la Covid-19 dépend largement des personnalités politiques aux commandes des Etats. C’est une lapalissade ! C’est ainsi que les populistes et fantasques Donald Trump, Boris Johnson et Jair Bolsonaro, en minimisant la pandémie, ont une lourde responsabilité sur la réponse tardive et désorganisée de leurs Etats. Et in fine sur le nombre de morts dans leurs pays respectifs. Il serait immérité de placer Macky Sall parmi ces fantasques présidents. Allons donc chercher ailleurs !

Dès le début de la pandémie, le Sénégal a pris mesure du danger de la Covid-19. Comme dans les autres pays, Macky Sall est soumis à la même équation : trouver un équilibre entre le droit à la santé, voire le droit à la vie de sa population, et la considération des libertés publiques et la relance économique. C’est un choix politique difficile et inédit. Fermer les frontières, cela équivaut à perdre l’une de ses principales ressources à hauteur de 10 % du PIB, le tourisme. Restreindre les marchés et déplacements, c’est mettre dans la difficulté le secteur informel qui représente plus de 80 % de l’activité économique sénégalaise. L’opposition, qui est dans son droit, peut toujours discuter du moment opportun de la fermeture des frontières, et celui de la date du déconfinement, mais finalement rien ne permet d’affirmer qu’elle aurait fait mieux dans le jeu des équilibres. C’est la première fois que tous les Etats sont sujets à de tels dilemmes politiques. Dans cet exercice, chaque choix présente ses avantages et ses inconvénients. A l’exemple du refus de rapatrier les étudiants sénégalais à Wuhan début février et de la réouverture des mosquées mi-mai. 

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Continuons alors notre investigation ! Au Sénégal, si la mayonnaise de l’unité nationale a bien pris les premiers jours de la pandémie, la gestion de la crise par Macky Sall n’en reste pas moins « unipersonnelle ». C’est le principal défaut de Macky Sall depuis 2012, c’est de n’envisager le consensus que comme un ultime recours, voire un calcul politicien, et souvent après avoir déjà tout décidé solitairement. Le dialogue national s’inscrivait dans ce contexte-là. Le Comité de suivi de Force Covid-19 ne serait-il au demeurant qu’un trompe-l’œil de cogestion ? Je suis convaincu qu’un opposant aurait pu faire mieux dans le processus d’associer davantage les forces vives de la nation, et avec sincérité. Une nuance de taille tout de même relative à l’exercice du pouvoir : les présidents sénégalais, depuis Senghor et sa décision de tuer dans l’œuf le bicéphalisme exécutif, ont privilégié une forme de césarisme républicain. 

La gestion de la crise de mai 68 éclaire sur les méthodes expéditives avec l’internement des étudiants dans un camp militaire et l’absence d’accord final avec eux. L’histoire politique de gestion des crises au Sénégal ne nous renvoie-t-elle pas à un exercice solitaire du pouvoir et de ce fait faillible ? Les opposants à la place de Macky Sall auraient-ils renoncé aux pleins pouvoirs et à ses excès ? Difficile à dire ! Peut-être y aurait-il eu quelques variantes selon les personnalités des uns et des autres : un dialogue plus franc comme déjà souligné et une gouvernance plus coopérative. Néanmoins, le seul élément de réponse qui ne fait aucun doute, c’est la Constitution sénégalaise : elle a consacré un régime quasi-présidentiel, peu importe la présence d’un premier ministre ou pas, ce dernier n’avait aucun pouvoir. Aucun candidat à la présidentielle de 2019 n’a évoqué un retour au parlementarisme ! 

Là-encore, la réponse au titre de mon édito risque d’être nuancée. Le Sénégal, en dehors de toutes considérations de l’identité du président de la République, se heurte à des obstacles structurels. Souvenez-vous du discours de l’ancien président Me Abdoulaye Wade au lendemain du naufrage de Joola : « Nous devons faire notre introspection et admettre que les vices qui sont à la base de cette catastrophe trouvent le fondement dans nos habitudes de légèreté, de manque de sérieux, d’irresponsabilité, parfois de cupidité lorsqu’on tolère des situations qu’on sait parfaitement dangereuses simplement parce qu’on tire un profit ».

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Si le peuple sénégalais a très vite relevé le défi de la Covid-19 tant en termes d’initiatives créatives que de discipline progressive, l’Etat patauge à contre-courant des intérêts de son peuple. Tout semble encore tourner autour de cette cupidité que Me Abdoulaye Wade avait dépeinte. L’exécution de l’enveloppe conséquente de 1.000 milliards de FCFA scandalise la clameur publique, en particulier sur les combines politicofinancières. Le Comité de suivi de Force Covid-19, bouée de sauvetage de Macky Sall, s’englue dans des discussions surréalistes de Per diem tandis que plus de dix millions de sénégalais attendent leur kit d’aide alimentaire. L’opposition fait mine de s’indigner mais cette même question avait été soulevée lors du Dialogue national. Bis repetita ! Le Répertoire national unique (RNU) et la bourse de sécurité familiale font l’objet de polémiques d’ordre clientéliste, un peu comme le fichier électoral ! Le président de l’AMS, Aliou Sall, suggère de les réviser. En pleine crise, c’est bien le moment ! 

Comme si cela ne suffisait pas, surgit de nulle part le décret fantôme sur l’honorariat des anciens présidents du CESE, faisant la part belle à des privilèges républicains en pleine crise sociale et économique. Le moment était assurément mal choisi ! Cependant, un opposant, aujourd’hui à la tête de l’Etat sénégalais, aurait-il été plus habile pour contrer ces écueils si consubstantiels à la société politique sénégalaise ? Pas si sûr ! Surtout, l’introspection n’a jamais été la tasse de thé des hommes politiques sénégalais. Le passage du statut d’opposant à celui de gouvernant n’annonce pas un changement ipso facto en faveur d’attitudes vertueuses.

En dépit de ce contexte néfaste et condamnable, n’est-il pas possible de positiver au Sénégal ? Pour ne prendre que cet exemple, la France a moins bien fait que le Sénégal dans la gestion des masques. Sans doute le secteur informel, si souvent vilipendé, a-t-il été à la hauteur de la crise. Il faudrait s’en réjouir et être fier. La 7ème puissance mondiale a été incapable d’être réactive et de mobiliser en vue d’une production locale exceptionnelle. Le professeur Souleymane Bachir Diagne avait révélé cette insuffisance française à ne vouloir que se concentrer sur la théorie et à ne pas mettre l’initiative au cœur de l’apprentissage. Preuve flagrante ! Face à l’imprévu, la France est désarmée ! Face à l’imprévu, le Sénégal joue dans la cour des grands et ce dans de nombreux secteurs !

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Pour terminer avec cette démonstration sur ma thèse de la « relativité » politique de la Covid-19, je souhaiterais souligner le contexte exceptionnel de la prise de décision politique dans le cadre de la lutte contre ce virus. Jamais l’incertitude n’a été aussi grande : chaque jour, des symptômes différents du coronavirus apparaissent. Les scientifiques n’en savent pas plus parfois que le quidam. Les mêmes modélisateurs sont capables de vous prévenir du danger d’une deuxième vague terrifiante pour vous avertir deux jours après qu’ils n’en sont plus aussi certains ! Que penser des polémiques des scientifiques autour des traitements ? Allez donc arrêter une stratégie politique après tout ça ! Un opposant, aussi brillant soit-il, à la tête du Sénégal, aurait dû faire face à cette même situation d’insécurité nationale et internationale.

Je terminerai avec une lueur d’espoir. L’aptitude providentielle de certains opposants sénégalais n’est pas à exclure. Il est certain que, face à la crise, des talents, semblables à celui de la chancelière allemande, se seraient révélés comme le rappelle Emile de Girardin : « L’art de gouverner, c’est l’art de vaincre les difficultés ; l’art de vaincre les difficultés, c’est l’art de choisir les hommes selon leur aptitude : et cet art, c’est le secret de toute grandeur, c’est l’explication que donne l’histoire de l’éclat des plus illustres règnes. ». 

edesfourneaux@







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