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Aide À La Paresse

Aide À La Paresse

Qui, au Sénégal, connaît le thème général de la dernière journée mondiale de la presse célébrée le 3 mai passé ? Personne ou presque. Pourquoi ? Parce que le sujet n’a intéressé personne. Et si cela n’a intéressé grand monde c’est parce que nous, acteurs de la presse, n’en avons pas parlé, occupés que nous étions à polémiquer sur la distribution de l’aide à la presse. C’est devenu de saison. Un mauvais film où se donne à voir la face cupide de notre secteur dont le rôle principal est tenu par les patrons de presse. Quand il s’agit de réclamer cette manne offerte par l’Etat ou de dénoncer la répartition qui en est faite, on peut compter sur eux. Ils ont les arguments et la répartie qui fait mouche. Mais quand il s’agit d’évoquer la destination de cet argent et de son impact sur les entreprises de presse, ils sont muets comme des carpes.

L’aide à la presse, telle qu’elle est distribuée au Sénégal, a souvent soulevé polémiques et frustrations. Mais cette année, c’est monté d’un cran. En atteste la passe d’armes entre le patronat réuni au sein du Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de Presse du Sénégal (Cdeps) et le Ministère de la Communication. La tension est telle que le Comité d’Observation des Règles d’Ethique et de Déontologie (Cored) a été obligé de prendre son bâton de pèlerin pour tenter de concilier les deux parties. Apparemment, cette médiation n’a pas porté ses fruits. La ligne de fracture s’est même creusée si l’on se fie à la tonalité du communiqué du Cdeps publié ce 10 mai. On y parle de détournement de l’aide à la presse par la tutelle.

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Pour calmer les esprits, la meilleure option serait de publier l’arrêté de répartition de l’aide à la presse. Combien de groupes et d’organes de presse ont perçu ? Combien chacun a reçu ? Mystère et boule de gomme. Donner les chiffres globaux par catégories de médias comme l’a fait le Directeur de la Communication (sur la Rts, il a fait savoir que les « sept grands groupes médiatiques » de la place se sont partagés 225 millions de Fcfa ; les sites en ligne 270 millions de Fcfa; les radios communautaires et associatives 280 millions de Fcfa…) n’est que poudre de perlimpinpin qui épaissit le voile de flou.

La publication de la liste des bénéficiaires et des montants reçus doit être un exercice de transparence établi. Depuis 1996 que l’aide à la presse existe (elle était de 40 millions de Fcfa à l’époque avant d’être portée à 700 millions de Fcfa sous le président Abdoulaye Wade), cette liste n’a été publiée qu’une seule fois. C’était en 2013, quand Cheikh Bamba Dièye était ministre de la Communication. A l’époque, 149 organes de presse en avaient bénéficié. Ainsi, l’argent est remis aux patrons de presse sans pour autant qu’on vérifie son utilisation. Une porte béante vers le détournement d’objectif. D’ailleurs, beaucoup de patrons de presse sont accusés, par leurs employés, d’en faire un usage personnel et somptuaire. Ce qui est sûr, c’est que certains ont fait de cette aide à la presse un moyen d’enrichissement temporaire. En hibernation durant presque toute l’année, de nombreux titres de presse sortent de leur torpeur dans la dernière ligne droite (entre septembre et novembre, sachant que, sauf cette année, l’aide à la presse tombe entre décembre et janvier), empochent les fonds pour ensuite disparaître des rayons des kiosques. Un subterfuge annuel. De même, il n’est un secret pour personne que beaucoup de sites en ligne ne sont, en réalité, que des moyens de capter une part de cette manne.

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Tout ce désordre s’explique par le non-respect des critères d’attribution. Les organes de presse qui remplissent les conditions exigées par la loi 96-04 du 22 février 1996 peuvent être comptés sur les doigts d’une main. Cela n’a pas échappé à la vigilance de la Cour des Comptes. Dans son rapport de 2014 portant sur la période 2008-2010, elle a relevé que les soumissionnaires ne remplissaient pas les critères édictés qui sont, entre autres, le tirage des journaux ou la diffusion sur au moins l’étendue d’une région administrative pour les médias audiovisuels. Pis, la Cour avait noté l’absence d’un encadrement juridique de l’utilisation de la subvention accordée au secteur des médias. « Pour certains organismes de presse, la subvention allouée est intégrée au budget de fonctionnement ou d’investissement. Pour beaucoup d’autres, l’aide est versée dans des comptes privés autres que celui de l’organe bénéficiaire où elle peut faire l’objet d’utilisation difficilement contrôlable », avaient relevé les vérificateurs. La Cour des Comptes s’était également étonnée de voir que certaines entreprises de presse, de tailles très différentes, percevaient parfois la même somme ; de même de petites entreprises recevaient des enveloppes plus importantes que des entreprises plus grandes.

Et pourtant, avec le Code de la presse adoptée en 2017, il est prévu que l’aide à la presse soit remplacée par un fonds d’appui et de développement du secteur de la presse. Sauf que les décrets d’application tardent à être publiés. Tant que ce ne sera pas fait, la polémique sur la répartition de l’aide à la presse ne s’estompera jamais.

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