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La Querelle Des Écoles

La semaine dernière, je vous entretenais de la «querelle des allégeances» dans notre pays entre l’Etat, l’allégeance collective et les autres allégeances privées, et comment, contrairement à l’histoire de la chrétienté, l’islam a réglé la question de cette querelle des allégeances par une division de travail entre ceux qui doivent s’occuper de la «cité de Dieu», dont le royaume n’est pas de ce monde et ceux qui doivent s’occuper de la «cité des hommes», à savoir les politiques. L’islam a réglé la question en reconnaissant de fait le primat de l’Etat jusqu’à ce que le Sénégal, un pays toujours en quête d’exceptionnalisme, réinvente la querelle des allégeances. Cette dernière est aussi une des manifestations et conséquences de la querelle des écoles que certains cercles intellectuels veulent coûte que coûte nous imposer. Depuis des décennies, on cherche à opposer les daaras à l’école française. On cherche à faire du Sénégal une terre de confrontation intellectuelle, une autre querelle des allégeances entre Al Azhar et la Sorbonne, une nouvelle terre de croisade entre les Orientaux (daaras) et les Occidentaux (école française).

Les croisés de ce nouveau choc des civilisations, comme tous les entrepreneurs identitaires, sont dans les généralisations abusives. Il n’y a rien de plus superficiel que cette querelle des écoles qu’on veut nous imposer. Il n’y a pas d’antagonisme naturel entre daaras et école «française». Le manichéisme ne s’impose pas. On veut nous l’imposer. Les idéologues de ce que j’appelle les Orientaux (produits des daaras et de l’école arabe) insistent lourdement sur la notion «école française», sauf qu’à part quelques écoles privées, il y a plus d’écoles françaises. Il y a une école publique sénégalaise où les enfants sont socialisés pour être de bons citoyens sénégalais. Dans nos écoles, on n’apprend plus «nos ancêtres les Gaulois», la bataille de Derklé y a remplacé la bataille de Marignan, l’exil de Cheikh Bamba y a remplacé le baptême de Clovis. Les Sénégalais qui ont moins de 50 ans et qui connaissent l’histoire du Sénégal l’ont appris à l’école sénégalaise. Le français est une langue, comme l’arabe ou le russe. Apprendre en français ne transforme pas en Gaulois ou en Cathare.

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Les idéologues chez les «Occidentaux» veulent créer un apartheid intellectuel en pensant que les arabophones se contentent des mosquées et de leurs prêches, en reproduisant chez nous un réflexe anti-clérical purement français. Refusons le manichéisme qu’on veut nous imposer ! Nous appartenons aux deux mondes. La plupart d’entre nous sont les produits des deux mondes. Ce qui fait de notre pays un pont naturel entre les deux mondes. Le Sénégal, c’est de grands intellectuels comme oustaz Barkham Diop, l’ambassadeur Moustapha Cissé qui parlent arabe comme Imrul Quays, mais aussi Léopold Sédar Senghor, qui a résumé notre vocation et notre destin en deux mots : «Enracinement et ouverture». Ce n’est pas parce qu’on a fait la Sorbonne qu’on doit être Gaulois, mais ce n’est pas parce qu’on a fait Al Azhar ou l’Université de Médine qu’on doit devenir Arabe. Malgré les apports orientaux (l’islam, la culture arabe) et occidentaux (la République), nous sommes restés ce que nous avons toujours été : des Wolofs, des Peuls, des Mandingues…et nous sommes devenus plus riches que les Arabes et les Français, parce qu’en plus de leur culture, nous avons gardé la nôtre. Bien avant Huntington et son choc des civilisations, Senghor nous exhortait au dialogue des civilisations. Le Sénégal et les Sénégalais doivent en être l’incarnation.







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