Le texte ci-dessous a été publié dans notre journal en mars 2016. Quatre ans plus tard, au lendemain du meurtre scandaleux et sordide de Georges Floyd, un Afro-Américain de 46 ans, par un policier blanc de l’Etat du Minnesota, on se rend compte qu’il est d’une dramatique actualité, hélas. Le meurtre de Floyd a provoqué une onde de choc à travers le monde entier notamment des émeutes aux Etats-Unis, des manifestations aux quatre coins de la planète, un formidable élan de solidarité des sportifs, des artistes, etc. Nous reproduisons in extenso cet édito juste pour rafraîchir la mémoire de nos chers lecteurs…
« Il ne fait assurément pas bon être afro-américain aux Etats-Unis d’Amérique où la vie d’un jeune Noir ne vaut décidément pas tripette. Du moins aux yeux de la Police, un corps majoritairement composé de Blancs et dans lequel le racisme affleure sans qu’il soit besoin de gratter outre-mesure pour le découvrir. Pour ces policiers blancs, c’est comme si tous les jeunes Noirs étaient des délinquants en puissance et pire, des sous-êtres ayant moins de valeur que, par exemple, leurs chiens domestiques. Ouvrir le feu sur un jeune Noir c’est donc, chez la plupart de ces policiers, comme tirer un lapin. Ils y sont d’autant plus enclins que, dans l’écrasante majorité des cas, leurs actes restent impunis, la Justice, si d’aventure elle est saisie, s’empressant de blanchir les rares policiers blancs inculpés pour meurtre. Cela est particulièrement valable lorsque les jurys sont exclusivement blancs comme ceux qui avaient jugé les policiers coupables du meurtre du conducteur noir Rodney King en 1992. Une scandaleuse décision de relaxe qui avait entraîné de violentes émeutes à Los Angeles, lesquelles avaient fait plus de 50 morts, des milliers de blessés et un milliard de dollars de dégâts. Rejugés par un jury mixte, les policiers blancs s’en étaient tirés avec des condamnations légères…
En 2015, 123 Noirs, la plupart du temps non armés, ont été tués par des policiers pourtant chargés en principe de les protéger ! Selon le journal « Usa Today », plus important tirage des Etats-Unis, en moyenne, ces dix dernières années, 96 Noirs ont été tués chaque année dans la première puissance du monde par des policiers. Blancs évidemment. Selon les statistiques, un jeune Noir a 21 fois plus de chances d’être victime d’une bavure policière qu’un jeune Blanc. Des chiffres qui se passent de commentaires ! Bien évidemment, ce n’est pas avec les jeunes Noirs seulement que la police américaine a la gâchette facile puisque, en réalité, elle tue plus de Blancs que de Noirs. Du moins arithmétiquement. Car, proportionnellement au pourcentage de Noirs dans la société américaine — 13 % —, il y a eu rien qu’en 2015 deux fois plus de tués chez les Noirs que chez les Blancs. Lire à ce propos l’article de notre collaborateur Serigne Saliou Guèye à l’intérieur de ce journal. A ce rythme, d’ailleurs, il est permis de se demander si on n’assiste pas à un génocide silencieux dont feraient l’objet les AfroAméricains dans la seule superpuissance mondiale actuelle. S’agissant de la violation des droits de l’homme à travers le monde, et notamment en Afrique où ceux-ci seraient particulièrement malmenés, le gouvernement américain est particulièrement sourcilleux et fait preuve d’une vigilance jamais prise en défaut. A longueur d’année, des pouvoirs africains sont menacés, avertis, admonestés, sanctionnés économiquement et financièrement, sommés de respecter les droits de leurs citoyens. Toute violation des droits de l’homme est sévèrement sanctionnée par l’intransigeante Amérique qui se veut la conscience morale du Monde et la gardienne vigilante du respect des droits des citoyens de la Terre. D’ailleurs, chaque année, le département d’Etat publie un épais rapport sur la question, étrillant tous les gouvernements coupables de manquements en matière de « Human rights ».
Par exemple, il y a deux semaines, le chef de la police de Kinshasa a vu ses avoirs aux Etats-Unis gelés à cause des mauvais comportements supposés de ses hommes envers les habitants de la capitale de la République démocratique du Congo (RDC). Mieux, les ONG américaines de défense des droits de l’homme sont aujourd’hui les nouveaux missionnaires chargés de sauver les âmes pécheresses des gouvernements africains dont elles sont également chargées de noter les comportements. Pour toutes ces raisons, et bien d’autres, évidemment, les dirigeants américains auraient dû être irréprochables eux-mêmes dans le domaine des droits de l’homme. Il se trouve qu’ils ne le sont pas, hélas, puisqu’ils laissent se développer chez eux un scandaleux apartheid que l’on pensait révolu depuis les grandes luttes pour les droits civiques des Martin Luther King et sa célèbre marche sur le Capitole, les actions des Black Panthers et autres luttes du révérend Jesse Jackson, tout cela intervenant après le geste héroïque de Mme Rosa Parks refusant de céder son siège dans un bus à un Blanc. Hélas, l’Amérique est toujours aussi raciste, même si elle est dirigée aujourd’hui par un Noir dont le pouvoir de décision est à vrai dire anecdotique.
Officiellement, le « Ku Klux Klan » n’existe plus mais en réalité son idéologie est bien représentée dans la Police de ce pays qui donne des leçons au monde entier mais qui, en vérité, gagnerait à balayer devant sa propre porte. Plus grave, le même racisme anti-Noirs dont fait preuve la classe dirigeante américaine est également celui-là même qui est mis en œuvre au niveau de la « justice internationale » à travers un tribunal comme la Cour pénale internationale (CPI) qui, depuis qu’il existe, n’a encore inculpé et jugé que des Noirs Africains. Avec le soutien agissant des Etats-Unis d’Amérique qui en constituent l’un des principaux bailleurs de fonds mais dont les ressortissants ne sont pas soumis à l’autorité de cette Cour parce que tout simplement leur pays n’est pas signataire du traité de Rome instituant la CPI ! Un tribunal pour Nègres, en somme. Pendant que pour des peccadilles, le plus souvent, des dirigeants africains sont transférés à la Haye, emprisonnés, jugés et condamnés sévèrement, l’Amérique, elle, dont la police massacre pourtant une partie de sa population qui a le tort d’avoir la peau noire, continue en toute bonne conscience de seriner des leçons de droits de l’homme et de bonne gouvernance au reste du monde. Ne rêvez pas : jamais un policier blanc américain ne sera inquiété un jour par la « justice internationale » qui ne s’exerce que sur les damnés de la terre, les Africains noirs en l’occurrence. Alors pourtant que ce massacre peut être assimilé à un génocide ! Les flics blancs d’Amérique pourront donc, en toute impunité, continuer à tirer comme des lapins les jeunes Noirs américains…