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L’appel Des Racines

« Dormir sur la natte des autres, c’est comme dormir à terre » (dicton africain).

Comme s’il était doté d’un magnétisme insensible, l’appel de la terre natale a resurgi après l’explosion de la maladie à coronavirus.

Avec l’impression diffuse que le ciel allait leur tomber sur la tête, là où ils se trouvaient, nos compatriotes, pris au piège de la Covid-19 à l’étranger, pour des raisons professionnelles, médicales ou personnelles, ont fait des pieds et des mains pour revenir au bercail. Au-delà des océans et des mers, le retour vers le cordon ombilical a paru être l’urgence suprême.

A l’image d’Antée, le fils de Gaia et de Poséidon dans la mythologie grecque, la terre-mère est devenue le lieu où l’on vient reprendre des forces quand toute retraite semble coupée. L’endroit où l’on a poussé ses premiers cris, est là où l’on vient panser les blessures de l’incertitude et le désarroi du désamour, fuir la solitude, contrer les menaces de la mort. C’est là qu’une force invisible, présente que dans ce cadre fondateur, vous tend son sein protecteur et sa main salvatrice.

Ce frémissement n’a épargné ni citoyens des pays nantis ni ceux des nations sous-développées. Les ballets aériens des vols spéciaux et les gymnastiques administratives, politiques et diplomatiques de nos ministères en charge de nos compatriotes de l’extérieur, ont fini de nous convaincre de la force de ce mouvement vers les origines. La fermeture des frontières a été contournée, comme le permet toujours la raison d’État, face aux obstacles artificiels.

Au vu de la frénésie du retour aux sources, on a l’impression que revenir vers les siens a une vertu thérapeutique en atténuant la solitude, l’angoisse et surtout la douleur, grâce à la rencontre d’objets inanimés ayant « une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer », pour citer Alfonse de Lamartine.

Les ruelles de l’enfance, l’arbre que nous avons toujours vu au même endroit, la vieille cloche de l’école qui ne sonne plus ainsi que l’horloge muette depuis des décennies sont des parts de nous-mêmes qui nous parlent et nous émeuvent jusqu’aux larmes.

Nous préférons le parfum du pays et ses sonorités. Ils remplacent la vie trépidante qui est la norme sous d’autres cieux, où elle rythme le quotidien d’habitants écrasés par les énormes gratte-ciel, symboles de la course vers les biens matériels que la Covid-19 rend vains.

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Entre le confinement et la flexibilité du déconfinement, on a assisté au désir du berceau premier. Il est le contraire de l’attrait de l’exotisme qui poussait vers l’Afrique ou du mirage de l’Eldorado que représentait l’Occident, sous son acception générique d’accumulation, de luxe, de réussite, de vie facile, de libertinage et d‘excès en tous genres.

Nos prouesses technologiques et nos découvertes scientifiques, parmi lesquelles l’avion et le numérique, ont raccourci les distances. Elles nous ont donné l’illusion du village planétaire cher au Canadien Marshall Mac Luhan. Il faut toujours aller plus loin et plus haut, pour paraphraser l’Olympisme. L’essentiel étant de se mouvoir et d’échapper à son confinement entre des frontières nationales devenues étroites.

La ruée vers chez soi a divisé notre espace planétaire en petits quartiers où chacun retrouve ce qui donne sens à son existence. L’alpha et l’Oméga de la vie humaine au moment de la vérité dernière. A la recherche de grilles de protection, au moment où l’on redoute le pire, l’on préfère accoster à son rivage. « Quand l’aigle est blessé, il revient vers les siens », disait Johnny Hallyday, l’exemple achevé du destin français.

Le lieu des ancêtres a le miracle d’être le pourvoyeur d’une énergie vitale qui recule les limites de la peur et de la résignation. Nos concitoyens sont venus s’y replonger à la recherche d’un bain de jouvence, source d’éternité, pour ne pas dire d’immortalité.

A l’arrivée, ils n’ont pas été dépaysés en retrouvant le temps d’avant. Mêmes structures sanitaires vétustes, même désorganisation, même promiscuité et surtout même indiscipline sans parler des mêmes magouilles pour vivre de la misère des moins lotis. Pour couronner le tout, un semblant de déni de la pandémie, malgré l’hécatombe quotidienne égrenée comme une litanie de larmes.

Certains compatriotes restés sur place sont demeurés dans leur scepticisme d’antan. Ils ne croient ni à l’efficacité du masque ni à son complément indispensable, la distanciation physique. Avec l’eau, la priorité, pour eux, est de la trouver et de la boire avant de se laver les mains avec du savon.

Pour ne pas que grossir le trait, il faut mentionner, pour le saluer, l’esprit inventif de nos nouveaux mages du numérique, qui ont mis leur esprit créateur au service de la recherche et de la médecine. Cette Afrique nouvelle et innovante peut être d’un grand apport à notre savoir ancestral dans le combat contre la propagation de la maladie à Coronavirus et même dans la recherche médicale.

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L’appel des racines a guéri des complexes plusieurs fois centenaires et rendu les solutions endogènes dignes de regard.

Face à une atmosphère mondiale dominée par le sauve qui peut général, recourir à ses propres ressources médicinales ne saurait être sacrilège. La science infuse n’appartient plus à un seul monde et chaque peuple a la possibilité de contribuer au sauvetage de l’humanité. C’est ainsi que l’offre de remède malgache a échappé aux quolibets habituellement réservés aux produits et idées venant de chez nous, quand ils ne sont pas habillés du label sportif ou artistique.

C’est également l’appel des racines qui a guidé les habitants de la Grande Ile dans la recherche de solutions propres.

Le président malgache, Andry Rajoelina, a osé là où l’habituelle attitude timorée eût été la règle. C’est sa manière à lui d’instaurer une perception nouvelle dans les relations avec les partenaires. C’est ce que le président-poète Léopold Sédar Senghor ennoblissait du généreux vocable du « donner et du recevoir ».

Les contempteurs du jeune chef de l’Etat « courage » ont déjà surgi de leurs tranchées. Ils sont prêts pour lancer la bataille du dénigrement et du mépris. A la manœuvre, de pseudo-africanistes, de scientifiques en mal de plateaux de télévision et des médias de service armés de questions biaisées.

Ils ont déjà sonné la charge de l’intoxication et de la manipulation. Ils vont continuer le combat jusqu’à faire rendre gorge au Covid-Organics. Il en fut ainsi tout au long de notre contentieux historique avec certaines nations.

Malgré la richesse insoupçonnée de notre patrimoine botanique, nous en sommes à nous excuser d’avoir recours à notre bien ancestral. Victimes d’un meurtre culturel, pour citer le Pharaon du savoir, Cheikh Anta Diop, nous parlons et abordons notre héritage en l’affublant de l’épithète « traditionnelle », comme si l’on parlait d’une maladie honteuse.

A-t-on oublié que les monuments de la science dite occidentale, Pythagore et Thallès, ont été formés en Egypte pharaonique, donc en Afrique ? Décrit-on le carré de l’hypoténuse comme un savoir traditionnel ? Qui a créé le nombre zéro, moteur de la science mathématique ? Pourquoi, bon Dieu, notre médecine et notre pharmacie sont-elles, péjorativement, nommées traditionnelles ?

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Paradoxalement, nous contribuons à la dénigrer en ne soulignant que les méfaits—réels– des charlatans au lieu de célébrer les guérisons. Nous la tirons par le bas, aidés en cela par une bureaucratie lourde. Il faut une véritable course d’obstacles à nos cerveaux nationaux pour valider leurs inventions ou leurs trouvailles relatives à notre médecine.

La jonction de nos chercheurs avec les promoteurs des start ups pourrait booster la contribution de l’Afrique à freiner une hypothèque sur notre avenir en tant qu’êtres de chair et d’os.

Depuis des temps immémoriaux, avec des moyens insignifiants par rapport aux potentialités de notre époque, nos devanciers ont vécu des épidémies et y ont survécu avec les plantes qu’ils nous ont léguées. Il ne nous a pas échappé que dans plusieurs langues africaines, dont le Bambara, le Ouolof et le Peul (dans l’ordre alphabétique), le médicament/remède et l’arbre sont désignés par le même mot avec sa fonction plurielle ou polysémique.

Il est certes douloureux de penser en termes d’effets bénéfiques de la pandémie qui endeuille sans distinction la planète entière. Elle nous offre l’occasion unique de transformer les défauts que nos compatriotes ont retrouvés en revenant au pays. C’est la seule façon d’écrire, comme sont en train d’essayer de le faire les Malgaches, un nouveau paradigme dans les relations humaines. Ainsi, ils auront participé à l’amélioration d’un monde où l’évocation d’une valeur comme la solidarité s’apparente à un quasi-blasphème.

L’enjeu de l’argent sera un facteur bloquant tant la santé semble être une marchandise que les riches acquièrent et vendent à leurs prix fixés comme ceux des matières premières dans des places boursières étrangères. L’industrie pharmaceutique est devenue dévoreuse d’humanité.

Le continent a, pour une fois, la chance d’occuper, avec la fierté qui sied, sa propre natte. C’est ce que lui prescrivait un dicton africain sur la dignité : « dormir sur la natte des autres, c’est comme dormir à terre ».

tahamadoun@yahoo.com







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